ÉTATS-UNIS. (suite)
Il n'est sans doute pas déplacé de parler, dans le cinéma américain des années 90, si soucieux de se ressourcer aux formes plastiques les plus diverses, d'un véritable néo-expressionnisme, d'origine germanique, sensible notamment aux lisières de la science-fiction, récemment dans des films comme Dark City (Alex Proyas, 1998) ou Bienvenue à Gattaqua (Andrew Niccol, 1999)
Un cinéma d'ouverture.
Mais il faut insister sur l'aspect de synthèse du cinéma hollywoodien : l'influence a été réciproque, les Européens se sont américanisés dans la mesure même où ils européanisaient Hollywood. Les Américains proclament leur dette à l'égard de l'esthétique allemande (Orson Welles et son opérateur Gregg Toland dans Citizen Kane, 1941) ; symétriquement, Renoir* (l'Homme du Sud, 1945), Ophuls (les Désemparés, 1949), pour ne pas parler de Wilder ou de Sirk, tiendront à réaliser des œuvres exprimant la tradition propre de leur pays d'adoption. Les cas de Jean-Jacques Annaud et de Luc Besson faisant des films européens que les Américains pourraient croire américains (c'est le but financier de l'entreprise) ne sont qu'une perversion récente de ce système.
Cette capacité d'Hollywood à s'ouvrir aux influences extérieures, tout en les assimilant, demeure jusquà nos jours et constitue un test redoutable (et dont le résultat n'est guère prévisible) de l'adaptabilité des nouveaux venus au système existant. Dans le passé, on opposera à la réussite d'un Lubitsch ou d'un Curtiz l'échec relatif d'un Max Reinhardt ou d'un Ophuls. Puis l'on a opposé au succès isolé de Polanski (Chinatown, 1974) l'acclimatation régulière de Miloš Forman (Taking Off, 1971 ; Vol au-dessus d'un nid de coucou, 1975 ; Hair, 1979 ; Amadeus, 1984, Man on the Moon, 1999), dont les œuvres constituent autant de « mixtes » de la tradition tchèque et du cinéma hollywoodien. Plus près de nous, on trouve pêle-mêle les incursions irrégulières de Louis Malle (Alamo Bay, 1985 ; le Pays de Dieu, 1986 ; And the Pursuit of Happiness, 1987 ; Vanya, 42e rue, 1994) qui témoignent d'une parfaite intégration du cinéaste en marge d'un cinéma traditionnel, ou encore celles d'un Stephen Frears (les Arnaqueurs, 1990 ; Héros malgré lui, 1992, The Hi-Lo Country, 1998) qui confirment simultanément la vitalité d'un cinéaste turbulent et la pérennité de certains modèles narratifs et iconographiques du cinéma hollywoodien. Il en va donc des influences extérieures comme des mutations stylistiques : Hollywood ne s'y soumet que pour mieux les absorber. Et c'est peut-être, précisément, cette étonnante faculté qui frappe détracteurs et admirateurs du cinéma américain : la faculté même du phénix à renaître de ses cendres. ( NOIRS AMÉRICAINS).