CÉSARS (les).
Distinction honorifique française décernée annuellement dans chaque discipline cinématographique. À l'instar de la manifestation américaine de remise des Oscars, l'ensemble de la profession cinématographique française réunie en une Académie des arts et techniques du cinéma décerne chaque année depuis 1976 des prix aux meilleurs film, réalisateur, acteur, actrice, second rôle masculin, second rôle féminin, scénario, décor, photo, montage, son, musique, film étranger, court métrage d'animation, court métrage documentaire et court métrage de fiction. Nés de l'initiative de Georges Cravenne, les Césars sont décernés après deux votes de l'académie : le premier choisit, parmi les films français de l'année écoulée, les quatre nominés de chaque catégorie ; le second désigne parmi ceux-ci le César (du nom du sculpteur qui a modelé la statuette remise au vainqueur). La proclamation se fait au cours d'une cérémonie télévisée. L'ont présidée J. Gabin, L. Ventura, J. Marais, J. Moreau, Ch. Vanel, Y. Montand, O. Welles, C. Deneuve, G. Kelly, S. Signoret, J.-L. Barrault et M. Renaud. Palmarès en annexe.
CEYLAN (Nuri Bilge)
cinéaste turc (Istanbul 1959).
Après un diplôme d'ingénieur, il étudie le cinéma à l'université de Mimar Sinan, à Istanbul. Son premier court métrage, le Cocon (Koza, 1995), remarquable exercice de style filmé en noir et blanc, est un regard singulier sur la vie de ses parents qui habitent la campagne ; d'une poésie éclatante, il sera sélectionné en compétition au Festival de Cannes. Nuri Bilge Ceylan continue à mettre en scène la vie de sa propre famille dans deux longs métrages : le Bourg (Kasaba, 1997) et Nuages de mai (Mayıs Sıkıntısı, 1999) ; ce dernier, présenté au Festival de Berlin en 2000, remporte de nombreux prix internationaux. Également scénariste et producteur de ses films, il a su imposer dès le départ un style personnel qui s'épanouit en marge des modes dominantes. Observateur inspiré de la nature, son regard à la fois attentif et distant, est proche de celui d'un documentariste ; il nous décrit alors, sans état d'âme ni bavardage, dans une élégante mise en images excluant toute facilité émotive, les préoccupations quotidiennes de ses personnages, acteurs non professionnels.
CHABAT (Alain)
acteur et réalisateur français (Oran 1958).
Révélé au grand public par ses apparitions à la télévision dans une série comique populaire dont il est coauteur, il débute au cinéma dans des films qui exploitent précipitamment ce succès, généralement aux cotés de ses acolytes Chantal Lauby et Dominique Farrugia – par exemple la Cité de la peur (Alain Berberian,1994). Il cherche à se dégager de ce style avec des films comme À la folie (Diane Kurys, 1994), et surtout Gazon maudit (Josiane Balasko, 1995). Il est apprécié dans le Cousin aux côtés de Patrick Timsit (Alain Corneau) et fait preuve de quelque finesse dans le Goût des autres (Agnès Jaoui, 2000). Il persiste néanmoins dans la comédie, passant même à l'écriture et à la réalisation de Didier, où il assume le rôle principal ; de même il réalise et interprète Astérix et Obélix : mission Cléopâtre (2001).
CHABROL (Claude)
cinéaste français (Paris 1930).
Critique aux Cahiers du cinéma et attaché de presse, il réalise en 1958, avec l'argent d'un héritage, un premier film dont les circonstances font qu'il devient le manifeste inaugural de la Nouvelle Vague : le Beau Serge. Film maladroit, incertain, mal dégagé d'un moralisme chrétien, mais neuf par son tournage peu coûteux, en province (à Sardent, bourg de la Creuse où Chabrol avait vécu une partie de son enfance), et hors des normes (commerciales et syndicales) alors imposées au cinéma français.
Les premiers films de Chabrol (qui écrit fréquemment ses scénarios avec Paul Gégauff, son collaborateur intermittent jusqu'en 1975) trahissent une hésitation, la difficulté à trouver une prise sur le monde, que le cinéaste contourne par la dérision, la méchanceté, la fascination pour la bêtise et la médiocrité bourgeoises (dans À double tour) ou populaires (dans les Bonnes Femmes). Après quelques films impersonnels, contemporains du reflux de la Nouvelle Vague, Chabrol trouve sa voie dans une chronique impitoyable de la France prospère des années 70. Entre les Biches (1968) et Nada (1974), il compose une petite Comédie humaine cohérente, sarcastique, brillante. Fondés sur des scénarios dont il est l'auteur ou qu'il tire de romans policiers, appuyés sur des comédiens solides (Stéphane Audran, Jean Yanne, Michel Bouquet), la plupart des films qu'il réalise alors (il tourne vite et donne deux films par an en 1969, 1970 et 1971) sont des réussites : ainsi la Femme infidèle, Juste avant la nuit et le Boucher. Dans ce film, il a suffi à Chabrol d'un simple fait divers (se passant dans un village du Périgord) pour que soit évoquée la mémoire des guerres coloniales qui pèse encore lourd sur la conscience collective française.
Splendeurs et misères de la vie bourgeoise : il gratte le vernis d'urbanité, dérange l'ordonnance d'existences aussi policées que les appartements du XVIe arrondissement où vivent ses personnages, en inoculant dans ces vies la passion — l'instant de désordre, le crime —, bâton dans la fourmilière. Chabrol provoque la rupture, puis, avec une délectation de moraliste puritain, il regarde et prend acte des dégâts. Ses meilleurs films sont de faux films d'action : la structure romanesque y est un trompe-l'œil, qui masque d'abord leur nature de constat. Mis bout à bout, ils sont le « précis de décomposition » d'une société victime de son opulence autant que de son hypocrisie.
Après 1974, la cohérence de l'œuvre se défait. Les films perdent à la fois le brillant et l'âpreté corrosive qui sont l'apanage du meilleur Chabrol. Il rentre plus ou moins dans le rang du cinéma commercial français, et aucune de ses œuvres n'est digne des réussites qu'il a signées dix ans plus tôt : ni les Liens de sang (coproduction réalisée au Canada), ni Violette Nozière (un des rares films réalisés au passé par Chabrol, qui se montre plutôt démuni hors de ce contemporain précis qui nourrit son inspiration), ni le Cheval d'orgueil (adaptation malencontreuse et folklorisante du best-seller de Pierre Jakez Hélias). Renouant alors avec un genre dans lequel il excelle, le « polar provincial » corrosif et dévastateur, il trouve en Jean Poiret l'interprète idéal pour son inspecteur maniaque et anarchiste (Poulet au vinaigre et Inspecteur Lavardin). Une affaire de femmes (1988) dénonce, sur fond d'occupation allemande à Paris dans les années 40, l'intolérance masculine vis-à-vis des femmes tandis que Docteur M. (1990) est une version moderne et cynique du Mabuse de Fritz Lang. Après une adaptation de Madame Bovary (1991) et un film de montage sur le gouvernement du maréchal Pétain (l'Œil de Vichy, 1993), il revient à la chronique de mœurs, insistant volontiers sur la dimension psychologique de ses intrigues (Betty, id. ; l'Enfer, 1994).