Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GUINNESS (sir Alec)

acteur britannique (Londres 1914 - Sussex, 2000).

Après avoir étudié au cours d'art dramatique de Martita Hunt, cet ancien rédacteur d'une agence de publicité débute au théâtre dans le répertoire classique sous la direction de John Gielgud, puis il entre à l'Old Vic. Ses possibilités d'acteur comique éclatent au cours d'une représentation mémorable de la Nuit des rois de Shakespeare. Il débute à l'écran en 1946 dans le rôle d'Herbert Pockett, le jeune dandy des Grandes Espérances (D. Lean). L'année suivante, Lean lui demande d'incarner Fagin dans son adaptation d'Oliver Twist (1948). Robert Hamer, qui a remarqué sa passion pour le maquillage, fera de lui le héros aux huit visages de Noblesse oblige (1949). Dès lors, il devient l'acteur privilégié de toute une série de films d'humour. Il interprète avec drôlerie l'employé de banque-gangster dans De l'or en barres (Ch. Crichton, 1951), l'inventeur du tissu inusable dans l'Homme au complet blanc (A. Mackendrick, id.), le clergyman-policier dans Détective du bon Dieu (Hamer, 1954) et le truand satanique de Tueurs de dames (Mackendrick, 1955). Pressentant l'usure d'une spécialisation trop poussée, Guinness change radicalement de style en devenant le colonel Nicholson dans le Pont de la rivière Kwaï (Lean, 1957). Ses grandes qualités d'acteur de composition lui permettent de varier les personnages historiques ou les héros de fiction dans les superproductions britanniques ou américaines. On le voit en roi Fayṣal dans Lawrence d'Arabie (Lean, 1962), en général de la révolution russe dans Docteur Jivago (Lean, 1965), en roi Charles Ier dans Cromwell (K. Hughes, 1970), et même en Hitler dans les Dix Derniers Jours d'Hitler (Ennio De Concini, 1973). Il accepte des rôles plus modestes dans des films d'aventures intersidérales (la Guerre des étoiles, G. Lucas, 1977 ; L'empire contre-attaque, I. Kerschner, 1980).

Autres films :

De la coupe aux lèvres (C. Frend, 1949) ; Trois Dames et un as (R. Neame, 1952) ; Capitaine Paradis (Captain Paradise, Anthony Kimmins, 1954) ; l'Emprisonné (P. Glenville, 1955) ; le Cygne (Ch. Vidor, id.) ; Il était un petit navire (All at Sea, Ch. Frend, 1957) ; De la bouche du cheval (R. Neame, 1959) ; le Bouc émissaire (R. Hamer, id.) ; Notre agent à La Havane (C. Reed, id.) ; les Fanfares de la gloire (R. Neame, 1960) ; A Majority of One (M. LeRoy, 1962) ; la Chute de l'Empire romain (A. Mann, 1964) ; Situation désespérée... mais pas sérieuse (G. Reinhardt, 1965) ; Paradiso, hôtel du libre-échange (P. Glenville, 1966) ; le Secret du rapport Quiller (M. Anderson, id.) ; les Comédiens (P. Glenville, 1967) ; Scrooge (R. Neame, 1970) ; François et le chemin du soleil (F. Zeffirelli, 1972) ; Un cadavre au dessert (Murder by Death, Robert Moore, 1976) ; la Route des Indes (D. Lean, 1984) ; A Handful of Dust (Charles Sturridge, 1988) ; Little Dorrit (Christine Edzard, id.) ; Kafka (S. Soderbergh, 1992).

GUIOMAR (Julien)

acteur français (Morlaix 1928).

Après des débuts au théâtre, au TNP de Jean Vilar, il entame une carrière cinématographique de grand « second rôle » en 1966. À côté de prestations à caractère commercial (où sa truculence fait souvent le seul intérêt du film), il apparaît dans des films de qualité : le Voleur (L. Malle, 1967) ; Z (Costa-Gavras, 1969) ; la Voie lactée (L. Buñuel, id.) ; Mado (C. Sautet, 1977) ; Souvenirs d'en France (A. Téchiné, id.) ; les Ripoux (C. Zidi, 1984) ; Bahia de tous les saints (N. Pereira Dos Santos, 1986) ; Terre sacrée (Emilio Pacull, 1988) ; Léolo (Jean-Claude Lauzon, 1992), Je m'appelle Victor (Guy Jacques, 1993).

GUISOL (Henri Bonhomme, dit Henri)

acteur français (Aix-en-Provence 1904 - Saint-Raphaël 1994).

Il promène dans ses films une dégaine un peu lunaire mais dont la nonchalance cache parfois la cruauté. Il apparaît d'abord dans la Chienne (J. Renoir, 1931), le Crime de monsieur Lange (id., 1936), Drôle de drame (M. Carné, 1937). Amoureux transi dans les Amants terribles (M. Allégret, 1936), il vieillit en virtuose au cours des trois époques des Trois Valses (L. Berger, 1939), imprime sa fantaisie à Tempête (Bernard Deschamps, 1940), joue les mauvais garçons dans Macao, l'enfer du jeu (J. Delannoy, 1942). Ses rôles souffrent ensuite de redites, mais un Gance, un Daquin (Madame et le Mort, 1943), un Ophuls, un Autant-Lara savent distinguer ses mérites et Jeanson en fait le partenaire de Lady Paname (1950).

GUISSART (René)

cinéaste français (Nice 1888 - Menton 1960).

D'abord chef-opérateur, il devient réalisateur et dirige 26 films de 1931 à 1938. Son film Primerose, avec Madeleine Renaud (1933), est considéré comme un film prototype du cinéma français des années 30. C'est une comédie sentimentale et moralisante, adaptée d'une pièce de théâtre. Les films de Guissart emploient généralement les vedettes de l'époque : Noël-Noël dans Mon chapeau (1932), Albert Préjean dans Dédé (1934), les chanteurs Dranem dans la Poule (id.) et Pills et Tabet dans Toi c'est moi (1936), Elvire Popesco dans Dora Nelson (1935), Lucien Baroux et Meg Lemonnier dans les Sœurs Hortensia (id.).

GUITRY (Alexandre, dit Sacha)

scénariste, dialoguiste, acteur et cinéaste français (Saint-Pétersbourg, Russie, 1885 - Paris 1957).

Celui à qui la critique a souvent fait le reproche de ronronner, de monologuer sans fin et de réduire ses interlocuteurs à l'écouter dans ses longues périodes oratoires ne peut s'intéresser au cinéma muet. Bien au contraire, il n'a pour l'écran que sarcasmes et dérision ; pour lui, la vie s'inscrit entre cour et jardin et ce n'est pas le scénario qu'il écrit pour Hervil en 1917, Un roman d'amour et d'aventures, où il paraît avec Yvonne Printemps à l'occasion d'une histoire de sosies, qui le fait alors changer d'avis. Pourtant, il saisit l'importance de la caméra qui enregistre tout et restitue fidèlement les figures et les gestes des contemporains notoires. Il filme ainsi — en s'amusant — Ceux de chez nous, qu'il présente lui-même en 1916 et qui lui permet d'égrener quelques anecdotes. L'irruption du parlant ne le mobilise pas tout de suite, il ne tourne Pasteur qu'en 1935 et avec la collaboration technique de Fernand Rivers : c'est la reproduction fidèle et intégrale de la pièce où s'est illustré autrefois Lucien Guitry, son père. Mais, en complément de programme, une œuvrette nonchalante, souriante, détendue, démontre que Sacha vient de découvrir les possibilités d'un cinéma qui ne se borne plus à faire scintiller aux quatre coins de la France les facettes de son parisianisme aigu. De Bonne Chance vont découler un certain nombre de films de divertissement, colorés par la fantaisie que l'auteur faisait si bien briller dans sa production théâtrale d'avant-guerre. Une liberté primesautière, un ton dont l'ironie pincée arrive à s'extérioriser avec une allégresse euphorique, un style de commentaire qu'il fallait oser faire et qui réussit si bien qu'il va devenir un procédé, une sorte d'émerveillement devant la magie des images, un amoralisme désabusé mais toujours réjouissant, et c'est le Roman d'un tricheur (1936), adaptation aux résonances à la Lubitsch d'un roman que ce grand travailleur vient de faire paraître. Cette verve du dialogue qui défie toute imitation, cette joie de jouer, d'envoyer et de rattraper des répliques avec d'excellents partenaires, de livrer au public sa philosophie désinvolte de la vie et d'entraîner les acteurs à partir de cascades verbales dans un mouvement virevoltant abolissent tout à coup les conventions du rideau rouge et de la boîte du souffleur... Le Nouveau Testament (1936), Mon père avait raison (id.), Faisons un rêve (1937) et Quadrille (1938) : voilà autant de comédies peut-être moins fugitives qu'on ne l'aurait cru et qui gardent leur allure dansante grâce à l'entrain du dialogue et à la pétulance de l'interprétation. Auteur-acteur adulé et quasi officiel, il célèbre à sa manière l'avènement, en 1937, d'un nouveau roi d'Angleterre et, avec les Perles de la couronne, libère l'imagerie historique de tout empois. Alors que les nuages s'accumulent en Europe, il récidive avec une autre chronique, aussi malicieuse, aussi diverse : Remontons les Champs-Élysées (1938). Il ne lui reste plus, en 1939, qu'à donner un coup de pouce au film à sketches et à offrir à des artistes inspirés la possibilité de se surpasser en interprétant Ils étaient neuf célibataires. C'est aussi l'adieu à une époque facile, frivole et inquiétante. Arrivé au faîte des honneurs et de la gloire, il veut s'y maintenir pendant ses « quatre ans d'Occupation » (comme il intitule insolemment l'un de ses livres de souvenirs), durant lesquels, peut-être généreusement, à coup sûr imprudemment, il va jouer à cache-cache avec les Allemands. Sans délaisser le cinéma, il le traite moins bien que dans la décennie précédente. Le Destin fabuleux de Désirée Clary (1942) s'engonce un peu dans les discours ; la Malibran (1943) n'est qu'un prétexte pour utiliser une cantatrice. Quant à Donne-moi tes yeux (1943), c'est un mélo intelligent ainsi qu'il en écrivait parfois pour le théâtre. Emprisonné à la Libération, renié, calomnié, trahi, l'auteur tombe de son haut et ne se remettra jamais, ni physiquement ni moralement, de sa détention et de ses rancœurs. Il essaie de renouer avec les fantaisies historiques et le Diable boiteux (1948) constitue pour lui une performance de comédien. Il reprend des succès d'autrefois (le Comédien, 1948 ; Deburau, 1951 ; Je l'ai été trois fois, 1953) et crée encore quelques pièces (Aux deux colombes, 1949 ; Toâ, id.) : un vieillissement subit surprend et peine. Pourtant, la revanche n'est pas loin. La gloire officielle auréole de nouveau Si Versailles m'était conté (1954), Napoléon (1955), Si Paris nous était conté (1956), lourdes machines, cavalcades d'acteurs qui, parfois, frôlent l'ennui. Mais, surtout, fruits de l'amertume et des affronts, quatre films : la Poison (1951), la Vie d'un honnête homme (1953), Assassins et Voleurs (1957), Les trois font la paire (id.), révèlent avec des sourires crispés que l'amuseur de Paris n'est plus qu'un homme amer et désabusé.