PHILIPE (Gérard Philip, dit Gérard) (suite)
Il existe cependant un autre aspect de Gérard Philipe, plus inquiétant, plus complexe, et mieux accordé, semble-t-il, aux exigences de l'écran : paradoxalement, le public l'apprécie moins dans ces rôles ambigus, où il est pourtant remarquable. Nous pensons au lieutenant dépravé de la Ronde, traînant son ennui et sa débauche triste ; au médecin déchu des Orgueilleux (où il en fait presque trop en sens inverse) ; à l'étrange et fascinant Monsieur Ripois, fugueur cynique vivant aux crochets des femmes mûres ; au peintre rongé par l'alcool et le mal de vivre de Montparnasse 19 ; ou encore à l'Octave Mouret de Pot-Bouille, nageant avec aisance dans les eaux troubles de l'hypocrisie bourgeoise. On peut préférer, et de loin, ce personnage de dandy pervers à la gravure de mode au teint lisse et à l'âme pure dont les midinettes des années 50 avaient fait leur idole : non seulement pour le travail de composition qu'il exige de l'acteur (plutôt porté sur les héros « positifs »), mais aussi pour la maîtrise dont ont fait preuve, pour le coup, ses metteurs en scène. Ophuls, Clément, Duvivier, Becker entre autres. Vadim lui-même a rarement été aussi bien inspiré qu'en lui confiant le rôle du machiavélique Valmont dans ses Liaisons dangereuses 1960.
Gérard Philipe avait épousé, en 1951, Nicole Fourcade, qui prit dès ce moment-là le nom d'Anne Philipe et retraça dans un récit les derniers moments de son mari, décédé à 37 ans : le Temps d'un soupir (1963).
Films :
les Petites du quai aux Fleurs (M. Allégret, 1944) ; la Boîte aux rêves (Y. Allégret, 1945) ; Schéma d'une identification (CM inédit, A. Resnais, id.) ; le Pays sans étoiles (G. Lacombe, id.) ; Ouvert pour cause d'inventaire (inédit, Resnais, 1946) ; l'Idiot (G. Lampin, id.) ; le Diable au corps (C. Autant-Lara, 1947) ; la Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948) ; Une si jolie petite plage (Y. Allégret, 1949) ; Tous les chemins mènent à Rome (Jean Boyer, id.) ; la Beauté du diable (R. Clair, 1950) ; la Ronde (M. Ophuls, id.) ; Souvenirs perdus (Christian-Jaque, id.) ; Juliette ou la Clef des songes (M. Carné, 1951) ; Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952) ; les Sept Péchés capitaux (Lacombe, id.) ; les Belles de nuit (Clair, id.) ; les Orgueilleux (Y. Allégret, 1953) ; les Amants de la villa Borghese (G. Franciolini, id.) ; Si Versailles m'était conté (S. Guitry, 1954) ; Monsieur Ripois (R. Clément, id.) ; le Rouge et le Noir (Autant-Lara, id.) ; les Grandes Manœuvres (Clair, 1955) ; Si Paris nous était conté (Guitry, 1956) ; la Meilleure Part (Y. Allégret, id.) ; les Aventures de Till l'Espiègle (G. Philipe, id.) ; Pot-Bouille (J. Duvivier, 1957) ; la Vie à deux (Clément Duhour, 1958) ; Montparnasse 19 (J. Becker, id.) ; le Joueur (Autant-Lara, id.) ; les Liaisons dangereuses 1960 (R. Vadim, 1959) ; La fièvre monte à El Pao (L. Buñuel, 1960). Gérard Philipe est également apparu dans son propre rôle dans les Drames du bois de Boulogne (CM , Jacques Loew, 1947) ; Avignon, bastion de la Provence (CM, James Guenet, 1951) et le Théâtre national populaire (CM, G. Franju, 1956). Il a dit les commentaires de Saint Louis, ange de la paix (CM, Robert Darène, 1950) ; Avec André Gide (M. Allégret, 1951) et Forêt sacrée (Paul Dominique Gaisseau, 1954), et enregistré de nombreux disques (dont le Petit Prince).