INDE. (suite)
L'emprise de l'État.
La longue inertie et le réveil du cinéma indien s'expliquent peut-être par le fait que ce cinéma a subi tout au long de son histoire une emprise de l'État particulièrement pesante. Les autorités indiennes, méfiantes devant l'étonnant succès du 7e art, ont exercé une vigilance qui ne s'est jamais relâchée et qui a donné lieu en particulier à deux comités d'études très poussés, en 1927 et en 1951.
La censure a toujours été pratiquée de façon impitoyable pour tout ce qui touche le sexe, la religion et la politique. Aujourd'hui encore, le baiser est pratiquement interdit sur les écrans indiens. Une satire récente des mœurs politiques, ‘ Histoire d'un fauteuil ’ (Kissa Kursi Ka, 1975) de Shivendra Sinha, a été interdite et le négatif détruit, il est vrai, pendant l'état d'urgence décrété par Indira Gandhi.
Le gouvernement indien a toujours retiré du cinéma de colossaux bénéfices par un système très lourd d'imposition qui ne pouvait qu'inciter les producteurs à rechercher par tous les moyens les profits rapides.
D'un autre côté, le désir sincère du gouvernement indien de lutter contre la médiocrité avilissante d'un certain cinéma commercial a donné lieu à la création de plusieurs institutions qui ont été et restent largement bénéfiques.
Il faut citer la Films Division, créée en 1948, chargée de la réalisation de films documentaires et d'actualités (dont le passage est obligatoire dans les salles), qui a aujourd'hui à son catalogue plusieurs milliers de films sur les sujets les plus divers et qui a suscité une école de documentaristes parmi lesquels figurent Sukhdev Ritwik Ghatak et Satyajit Ray ; la Children's Film Society, fondée en 1955, spécialisée dans la production de films pour enfants, de court comme de long métrage, ainsi ‘ Charandas le voleur ’ (Charandas Chor, 1975), de Shyam Benegal ; et surtout les deux organismes déjà mentionnés : d'une part, le Film Institute of India, devenu en 1964 le Film and Television Institute of India, qui, installé dans les locaux de l'ancienne compagnie Prabhat, fait œuvre d'enseignement et héberge la cinémathèque indienne ; d'autre part, la Film Finance Corporation, devenue la National Film Development Corporation, qui reprend sa politique d'aide au cinéma de qualité et se penche sur les problèmes spécifiques posés par la distribution de ce cinéma.
L'administration indienne, qui peut être un carcan, a permis, dans une large mesure, l'émergence d'un cinéma d'auteur. Si le phénomène s'est généralisé, il n'est pas nouveau : le tournage de Pather Panchali, de Satyajit Ray, longuement interrompu par manque de fonds, n'avait pu être terminé que grâce à une subvention du gouvernement du Bengale de l'Ouest.