Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BRAGA (Sonia)

actrice brésilienne (Maringá 1950).

Elle débute à la télévision à quatorze ans dans une émission pour enfants (Jardim encantado), s'illustre à dix-sept ans au théâtre dans le Georges Dandin de Molière et un an après fait partie des acteurs qui interprètent Hair dans son adaptation brésilienne. Au cinéma elle débute dans O bandido da luz vermelha (R. Sganzerla, 1968), mais sa renommée vient des télénovelas produites par la chaîne Globo, comme Gabriela (1975), d'après Jorge Amado. Un roman du même auteur lui apporte la consécration sur le grand écran : Dona Flor et ses deux maris (B. Barreto, 1976), un succès que la production internationale Gabriela (id., 1982) est très loin d'égaler, malgré l'appoint de Marcello Mastroianni. Plusieurs films prolongent son image de sensualité et un statut de star que les Brésiliens comparent à Carmen Miranda : A dama do lotação (Neville d'Almeida, 1978), Eu te amo (A. Jabor, 1980), le Baiser de la femme-araignée (H. Babenco, 1985). La réputation de ce dernier lui ouvre une modeste carrière américaine : Milagro (R. Redford, 1987), Moon over Parador (P. Mazursky, 1988), la Relève (C. Eastwood, 1991), Rooster (Robert M. Young, 1994), The Burning Season (J. Frankenheimer, 1994), Two Deaths (N. Roeg, 1995). Sonia Braga revient au Brésil pour incarner un autre personnage de Jorge Amado, Tieta du Brésil, mis en scène par Carlos Diegues (1996).

BRAGAGLIA (Anton Giulio)

homme de théâtre et cinéaste italien (Frosinone 1889 - Rome 1960).

Rénovateur de la scène italienne et membre du mouvement futuriste, Bragaglia fonde et dirige à Rome le théâtre des Indépendants (1922-1931) puis le théâtre des Arts (1937-1943). Sensible au phénomène cinématographique, il introduit dans ses mises en scène des procédés empruntés au 7e art. En 1916, il réalise deux films d'avant-garde en utilisant la technique de la photodynamique (composition et décomposition des images par des jeux de miroirs concaves et d'objectifs prismatiques), Perfido incanto et Thais. Au début du parlant, il tourne encore Vele ammainate (1931), un mélodrame assez impersonnel.

BRAGAGLIA (Carlo Ludovico)

cinéaste italien (Frosinone 1894 - Rome 1998).

Frère d'Anton Giulio, avec qui il fonde en 1922 il Teatro degli Independenti, Carlo Ludovico Bragaglia s'oriente vers le cinéma et réalise son premier film en 1932 (O la borsa o la vita, avec Sergio Tofano). À partir de cette date, il s'impose comme un des cinéastes les plus prolifiques de la péninsule (soixante films environ de 1932 à 1963). Spécialiste des genres populaires, il est un des metteurs en scène attitrés de Totò : Animali pazzi (1939), Totò le Mokò (id. 1949), Totò cerca moglie (1950), etc. On lui doit aussi quelques péplums de bonne tenue : Annibale (Annibal, 1959), Gli amori di Ercole (les Amours d'Hercule, 1960) et Ursus nella valle dei leoni (Maciste dans la vallée des lions, 1962). Le troisième frère BRAGAGLIA, Arturo (1892-1962), était acteur (Quatre Pas dans les nuages, A. Blasetti, 1942 ; Miracle à Milan, V. De Sica, 1950).

BRAHM (Hans Brahm, dit John)

cinéaste américain d'origine allemande (Hambourg 1893 - Malibu, Ca., 1982).

Né dans les milieux du théâtre, il dirige lui-même de nombreuses mises en scène avant d'émigrer aux États-Unis en 1937, via Paris et Londres, où il réalise un premier film (un remake du film de D. W. Griffith : le Lys brisé). Au vu de ses premières œuvres, sages (Let Us Live, 1939) ou anonymes (Fleur d'hiver [Wintertime], 1943), et de ses dernières, souvent peu énergiques (le Miracle de Fatima [The Miracle of Our Lady of Fatima], 1952), on pourrait le juger cinéaste inconsistant. De fait, il a été une sorte de météore dans le firmament du film noir. De 1944 à 1946, il signe quatre magistraux classiques, avant de sombrer dans la léthargie. Il a porté le récit de terreur victorien à son point de perfection avec Jack l'Éventreur (The Lodger, 1944) et surtout l'éblouissant Hangover Square (id., 1945), tous deux servis par un excellent Laird Cregar. La complexité de l'analyse psychologique se doublait d'un esthétisme inspiré : brouillards poisseux, pavés mouillés. Guest in the House (1944) et le Médaillon (The Locket, 1946) exploitaient, en revanche, la veine psychanalytique : une névrosée, mi-innocente, mi-démoniaque, y détruisait l'harmonie paisible du confort américain. La mesure du premier film était contrebalancée par la vertigineuse structure en retours en arrière du second. Brahm y obtenait, de plus, des créations vénéneuses et troubles d'Ann Baxter (Guest...) et même de la généralement fade Larraine Day (The Locket). Mais, après une molle adaptation de Raymond Chandler (The Brasher Doubloon, 1947), et quelques sursauts baroques (Singapour [Singapore], 1948), il se replongea dans le sommeil, comme le confirment ses mornes téléfilms.

BRAKHAGE (Stanley)

cinéaste expérimental américain (Kansas City, Mo., 1933).

Ciné-poète lyrique et fécond (il a réalisé plus de cent films en 25 ans), il est un de ceux qui ont le plus renouvelé le cinéma expérimental de l'après-guerre. Ses films, essentiellement visuels, sont un peu au cinéma ce que le free jazz est à la musique ou l'abstraction lyrique à la peinture. Les premiers ont encore quelque chose de narratif (Interim, 1951 ; Desistfilm, 1954) et, jusqu'en 1957, sont surtout des espèces de sketches onirico-psychologiques assez sombres (The Way to Shadow Garden, 1955). Reflections on Black (1955), tout en manifestant la sexuelle qui hante encore Flesh of Morning (1957), annonce sa future manière : la recherche des « métaphores de la vision ». Employant systématiquement la couleur et le montage fluide (raccordant les plans dans les mouvements et les filés), il élabore ainsi The Wonder Ring (1955), filmé pour Joseph Cornell, Nightcats (1956) et Loving (1958), qui précèdent le remarquable Anticipation of the Night (id.). Historique parce qu'il est à l'origine de la création par Mekas de la Film-Makers Cooperative de New York, ce film l'est aussi parce qu'il marque une étape décisive dans l'histoire des formes du cinéma expérimental. Le propos, dans ce film subjectif (dont le je invisible et suicidaire tente vainement de recouvrer la vision sauvage de l'enfance), compte désormais moins que le flux de la matière visuelle, où les ciels bleu sombre, les arbres dans le crépuscule, les jeux de lumières ou de lune dans la nuit se suivent et se fondent sans hiatus, avec l'apparition finale des grands flamants roses et des ours blancs du « rêve des enfants ». C'est à ce moment que Brakhage se marie, et cet événement, joint à cette façon neuve de donner à voir, va colorer une œuvre plus que jamais personnelle et, désormais, familiale : sa femme, les enfants qu'elle lui donne - dont il filme la naissance (Window Water Baby Moving, 1959 ; Thigh Line Lyre Triangular, 1961) – et, à partir de 1964, leur maison de Rolinsville dans le Colorado, avec les paysages qui l'entourent vont servir de matériau de nombreux films d'un lyrisme presque abstrait. Il y a désormais un style Brakhage, perceptible aussi bien dans les grandes fresques de Dog Star Man (1960-1964) – qui deviennent, par un jeu de répétitions et de surimpressions, les 4 heures 30 de The Art of Vision (1965) – que dans la diversité des trente Songs (1964-1969) tournés en 8 mm, où des haïkaï de 4 minutes (le premier ou le huitième) côtoient telle longue méditation sur la guerre incorporant des chutes d'actualités (le vingt-troisième). Parallèlement, il entreprend une autobiographie intérieure, Scenes From Under Childhood (1967-1970), dont le début à dominante rouge, exceptionnellement accompagné de sons rauques et douloureux (presque tous ses films sont muets), tente de reconstituer la vision d'un enfant qui va naître. Cette autobiographie se poursuit en 1970 avec la trilogie The Weir Falcon Saga, The Machine of Eden et The Animals of Eden and After, suivie de cinq « méditations sexuelles » (la quatrième, Hotel, 1972, consacrée au voyeurisme), qui transcendent la crudité de Lovemaking (1968). Une série de semi-documentaires sur une patrouille de police (Eyes, 1970), un hôpital (Deux Ex, 1971) et une salle d'autopsie (The Art of Seeing With One's Own Eyes, 1971) marquent ensuite sa volonté de reprendre contact avec les réalités sociales. Ces films ont été rendus possibles par une invitation de l'Institut Carnegie à Pittsburgh : ce cinéaste de la nature, qui fit un film fameux en collant des ailes de mite ou des pétales de fleurs sur la pellicule (Mothlight, 1963), est en effet obligé, pour vivre, de quitter souvent sa retraite de Rolinsville, soit pour des travaux commerciaux (il lui arrive aussi d'être l'opérateur de ses amis), soit pour de longues tournées de cours ou conférences. En résultent des textes sur son œuvre, plusieurs Film Biographies sur Méliès, Chaplin, Dreyer ou Vigo, ou des interventions polémiques contre le cinéma dit structurel. À la fin des années 80, il se remarie et reprend sur des formats plus amples (70 mm et Imax), en la rephotographiant en 16 ou 35 mm, la peinture semi-abstraite sur la pellicule (The Dante Quartet, 1987). Après une longue série de films abstraits dédiés à la célébration de la couleur (citons Stellar, 1993, Chartres Series, 1994), il invente des formes de croisement entre images figuratives et abstraction chromatique d'où résultent d'intenses poèmes visuels sur le paysage : A Child Garden & the Serious Sea (1999), The God of Day Had Gone Down Upon Him (2001).