CHKLOVSKI (Viktor) [Viktor Šklovskij]
théoricien et scénariste soviétique (Saint-Pétersbourg 1893 - Moscou 1984).
Après avoir suivi des études de philologie, il devient l'animateur (1916-1919) de l'OPOÏAZ (Société pour l'étude de la langue littéraire) avec Youri Tynianov, Ossip Brik et Boris Eikhenbaum. Il rejoint en 1923 le LEF (Front gauche de l'art) de Maïakovski. Il se consacre à la théorie de la littérature et du cinéma. Dès 1923, il publie (à Berlin) son premier essai de théorie cinématographique, Littérature et Cinéma, qui sera suivi (en général sous forme d'articles de revues) de nombreux autres, parmi lesquels : Sémantique du cinéma (1925), les Lois du cinéma (1927), le Cinéma de Maïakovski (1937), les Scénarios professionnels (1945), Cinéma, drame, prose (1946), Notes d'un scénariste (1952), Scénario et film (1953), le Scénario fondement du film (1960). Il est également l'auteur d'études sur Chaplin (1923), Eisenstein, Koulechov, Vertov, Choub, Kozintsev et Trauberg, ainsi que de deux livres, Poétique du cinéma (1927, avec Tynianov et Eikhenbaum) et 40 Ans après (1965). En tant que scénariste-adaptateur, on lui doit près de quarante films, dont les Ailes du serf (Y. Taritch, 1926), Dura lex (Koulechov, id., d'après Jack London), Trois dans un sous-sol (A. Room, 1927), la Maison de la place Troubnaïa (Barnet, 1928), la Maison des morts (Mertvij dom, V. Fedorov, 1932, d'après Dostoïevski), Horizons (Koulechov, 1933), Minine et Pojarsky (V. Poudovkine et M. Doller, 1939), les Cosaques (Kazaki, V. Pronine, 1961, d'après Tolstoï).
Chklovski a été l'une des figures majeures du formalisme russe. Il a exercé une influence profonde sur la FEKS (Fabrique de l'acteur excentrique), sur le Proletkult et sur le cinéma soviétique muet en général ; après l'apparition du parlant, et sous l'influence de l'idéologie stalinienne, il a évolué vers le réalisme, soulignant le rôle essentiel du scénario dans l'œuvre cinématographique.
CHMARA (Gregory)
acteur français d'origine russe (Poltava, Ukraine, 1878 - Paris 1970).
Élève de Stanislavski, il débute en 1913 au théâtre d'Art (MKhAT) et au cinéma en 1915. Il apparaît dans des films de Tourjansky, Boleslawsky, Uralski, Gardine et surtout Gardine et Bauer (la Fiancée et l'Étudiant Pevtsov, 1916 ; la Reine de l'écran, id.). Comme il avait été l'un des disciples de Max Reinhardt, avec lequel il avait travaillé dès son arrivée en Allemagne en 1919, sa carrière se poursuit à Berlin, où il fait des créations saisissantes dans deux films de Robert Wiene, I. N. R. I. (1923), dans le rôle du Christ, et Raskolnikov (id.), ainsi qu'une apparition dans la Rue sans joie de Pabst (1925) et très typé, dans l'Homme qui assassina (K. Bernhardt, 1930). Installé en France à partir de 1936, il se consacre surtout au théâtre, au cabaret comme guitariste et chanteur, et, après la guerre, joue dans une vingtaine de films qui ne lui laissent que rarement l'occasion de montrer l'ampleur de son talent. Exemples parmi d'autres : Quatre dans une jeep (L. Lindtberg, 1951), les Mains sales (F. Rivers, id.), Elena et les hommes (J. Renoir, 1956), Kriss Romani (J. Schmidt, 1962), la Belle Vie (R. Enrico, 1963), Paris n'existe pas (R. Benayoun, 1969).
CHOMETTE (Henri)
cinéaste français (Paris 1896 - Rabat, Maroc, 1941).
L'essentiel de l'œuvre du frère de René Clair date du muet. Il participe alors aux recherches de l'avant-garde en tournant Jeux des reflets et de la vitesse (1923) et Cinq Minutes de cinéma pur (1925). Il présente une gentille comédie, le Chauffeur de mademoiselle (1928). De son voyage en Indochine avec Feyder, il rapporte des impressions : Au pays du roi lépreux (1927). Le parlant ne lui réserve que les versions françaises de films berlinois ou des histoires anodines (Prenez garde à la peinture, 1933).
CHOMÓN (Segundo de)
cinéaste espagnol (Teruel 1871 - Paris 1929).
Pionnier du cinéma en Catalogne, le plus important avec Fructuós Gelabert, il est l'inventeur de nombreux trucages, attirant l'attention de Pathé, qui l'engage sous contrat pour concurrencer Méliès sur son terrain favori, la fantaisie. Il colorie les premières bandes au pochoir, photogramme après photogramme (1902). Pour réaliser la prise de vues image par image des objets d'El Hotel Eléctrico (1905), il construit une charpente en bois qui soutient verticalement la caméra, créant ainsi l'ancêtre du banc-titre. Avec le Sculpteur moderne (1908), il poursuit, en utilisant la plastiline, une expérience animée et colorisée. Dans El hotel eléctrico (1905), il utilise la prise de vues image par image. Dans son genre préféré, il tourne notamment Gulliver en el país de los gigantes, Pulgarcito (1911), El hombre invisible. S'il est considéré comme l'initiateur de la zarzuela (vaudeville populaire) cinématographique, toujours pour Pathé, qui lui commande des films « typiquement espagnols » : Los guapos, Las tentaciones de San Antonio, El puñado de rosas, Carceleras (tous en 1910), de même que la saynète El pobre Valbuena, il fréquente tous les genres de l'époque : le documentaire (Los sitios de Chile, 1905) ; la comédie (Los guapos del parque, id., Un portero modelo, 1911, Flema inglesa, id., La manta del caballo, id.) ; le « film d'art » historique (Justicia del Rey Don Pedro, 1911) ou le feuilleton (La expiación, El adiós de un artista, La fatalidad, La hija del guardacostas, El puente de la muerte). Il travaille de 1906 à 1909 essentiellement en France : la Légende du fantôme (1907), Voyage vers la planète Jupiter (id.), Cuisine magnétique (1908), la Table magique (id.), Fabrique d'argent (id.), Nouveau Voyage dans la Lune (1909), où l'on apprécie sa maîtrise technique et sa capacité à trouver des solutions aux problèmes les plus ardus - ce dernier film est l'un des premiers remake, en l'occurrence du film de Méliès (1902) ; puis en Italie à partir de 1912 : Tigris (1912), Padre (id.). En 1916, il y réalise son œuvre la plus aboutie de la période italienne, un long métrage très soigné, la Guerre et le Rêve de l'enfant, où alternent prise de vues réelles et séquences de marionnettes animées. On lui attribue le premier usage du travelling en studio (Cabiria, G. Pastrone, 1914) et certains effets spéciaux du Napoléon d'Abel Gance (1927). Il a sans doute réalisé ou participé à plus de cent films.