CURTIZ (Mihály Kertész, dit Michael) (suite)
Toujours dans la veine réaliste, le Roman de Mildred Pierce, un des plus célèbres films noirs des années 40, déroule, entre une énigme criminelle et son élucidation, deux longs flash-back qui décrivent l'ascension économique et sociale de Joan Crawford tiraillée entre la vulgarité de Jack Carson et l'élégance décadente de Zachary Scott, aristocrate mexicain.
Chez Curtiz, la fantaisie est représentée par divers films historiques qui prennent avec l'histoire des libertés nombreuses, par exemple la Charge de la brigade légère (1936), qui héroïse un épisode de la guerre de Crimée, la Piste de Santa Fé (1940), qui vaut par une brillante distribution : Raymond Massey y est le prédicateur John Brown, Errol Flynn, un officier sudiste, et Ronald Reagan, George Custer, ou encore la Vie privée d'Élisabeth d'Angleterre avec Bette Davis et Errol Flynn.
Curtiz a encore réalisé d'importants films d'horreur, qui permettent de poser la question de sa dette envers l'Europe centrale. Ainsi Masques de cire (1933) apparaît-il comme un hybride de l'expressionnisme allemand et de la comédie américaine. Les décors d'Anton Grot, les ombres expressionnistes, les figures de cire (Jeanne d'Arc ou Marie-Antoinette) qui périssent pour la seconde fois dans un incendie, le sculpteur fou, les mouvements de caméra dignes de Lubitsch ou d'Ophuls, tous ces éléments sont « européens ». « Américains », en revanche, l'érotisme soyeux et innocent de Fay Wray et Glenda Farrell, aux teintes pastel de Technicolor, l'échange de mots d'esprit entre Glenda Farrell (journaliste) et son rédacteur en chef Frank McHugh. On pourrait même penser que Masques de cire dramatise le destin des artistes européens expatriés en Amérique, comme Curtiz lui-même (le sculpteur transfère son musée de cire d'Europe en Amérique, après l'incendie qui l'a détruit) et voir dans cette catastrophe le symbole de la Première Guerre mondiale, où sombra la double monarchie.
En dernière analyse cependant, il faut se rappeler que Curtiz ne contrôlait pas le choix de ses sujets, et conclure, sous réserve d'inventaire, que sa dette européenne est plus technique que thématique. Son style doit beaucoup au cinéma allemand des années 20. Les ombres et l'architecture expressionnistes apparaissent non seulement dans Masques de cire, mais aussi pour embellir les duels (réglés comme des ballets) qui concluent Robin des Bois et l'Aigle des mers. La même technique servira encore à mettre en relief le décor d'un meurtre (Mildred Pierce). Robin des Bois est émaillé de gestes et d'effets de montage métaphoriques composant une rhétorique visuelle qui est toujours une rhétorique narrative, destinée à rendre le récit plus rapide et plus attrayant à la fois, plus efficace. Curtiz, in fine, apparaît bien comme le maître d'un certain cinéma d'évasion, dont l'efficacité, toutefois, n'implique pas nécessairement une quelconque naïveté.
Films :
le Dernier Bohème (Az utolsó bohém, 1912) ; Aujourd'hui et demain (Ma és holnap, id.) ; Házasodik az uram (1913) ; Âme d'esclave (Rablélek, id.) ; Princesse Pongyola (Ahercegnö Pongyolában, 1914) ; Âme captive (Az éjszaka rabjai, id.) ; Aranyásó (id.) ; Enfants empruntés (A kölcsönkért csecsemök, id.) ; Bánk bán (id.) ; le Vagabond (A tolonc, id.) ; Doublement aimé (Akit ketten szeretnek, 1915) ; le Médecin (A medikus, 1916) ; le Docteur (Doktor úr, id.) ; le Loup (Farkas, id.) ; l'Arc-en-ciel noir (A fekete szivárvány, id.) ; la Chèvre d'argent (Az ezüst kecske, id.) ; Sept de pique (Makkhetes, id.) ; le Carthaginois (A Karthauzi, id.) ; la Force de la terre hongroise (A magyar föld ereje, id.) ; le Juif fermier (Az árendás zsidó, 1917) ; Histoire d'un sou (Egy krajcár története, id.) ; le Colonel (Az ezredes, id.) ; l'Homme de la terre (A föld embere, id.) ; la Cloche de la mort (A halálcsengö, id.) ; le Guérisseur (A kuruzsló, id.) ; le Secret de la forêt de Saint Job (A szentjóbi erdö titkas, id.) ; le Fils de personne (A senki fia, id.) ; le Printemps en hiver (Tavasz a télben, id.) ; la Dernière Aube (Az utolsó hajnal, id.) ; Samson le Rouge (A vörös Sámson, id.) ; la Peau de chagrin (A szamárbör, id.) ; Maître Zoard (Zoárd Mester, id.) ; l'Invasion des Tartares (Tartárjárás, id.) ; la Route de la paix ( A béke útja, id.) ; le Scorpion (A skorpió, 1918) ; Quatre-vingt-dix-neuf (Kilencvenkilenc, id.) ; Judas (Judás, id.) ; Loulou (Lulu, id.) ; le Diable (Az ördög, id.) ; la Dame aux tournesols (A napraforgós hölgy, id.) ; le Mauvais Garçon (A csúnya fiú, id.) ; Mandragore (Alraune, CO Fritz Odön, id.) ; la Veuve joyeuse (A víg özvegy, id.) ; Valse magique (Varázskeringö, id.) ; Lu, la cocotte (Lu, a kokott, id.) ; l'Énigme de Wellington (Wellington i rejtély, id.) ; Jean, le cadet / Mon frère arrive (Jon az öcsém, 1919) ; Liliom (id., inachevé) ; la Dame aux gants noirs (Die Dame mit dem schwarzen Handschub, id.) ; Boccace (Boccaccio, 1920) ; Die Gottesgeissel (id.) ; la Dame aux tournesols (Die Dame mit den Sonnenblumen, id.) ; l'Étoile de Damas (Der Stern von Damaskus, id.) ; Miss Tutti Frutti (1921) ; Mademoiselle Satan (Herzogin Satanella, id.) ; Chercher la femme (id.) ; Miss Dorothy Bekentis (Dorothys Bekenntis, id.) ; Jusqu'au crime ou l'Amour esclave (Wege des Schreckens, id.) ; le Sixième Commandement (Sodom und Gomorrha, en deux parties, 1923) ; le Jeune Médard (Der junge Medardus, id.) ; Die Lawine (id.) ; Enfants dans la tourmente (Namenlos, id.) ; Harun al Raschid (1924) ; l'Esclave reine (Die Sklavenkönigin / Moon of Israël, id.) ; Célimène, poupée de Montmartre (Das Spielzeug von Paris, 1925) ; Fiacre numéro 13 (Fiaker Nr. 13, 1926) ; Papillon d'or (Der goldene Schmetterling, id.) ; Fille de cirque (The Third Degree, 1927) ; A Million Bid (id.) ; le Crime du soleil (The Desired Woman, id.) ; Good Time Charley (id.) ; Tenderloin (1928) ; l'Arche de Noé (Noah's Ark, 1929) ; Cœurs en exil (Hearts en Exile, id.) ; Poupée de chiffons (The Glad Rag Doll, id.) ; la Madone de l'avenue (The Madonna of Avenue « A », id.) ; les Joueurs (The Gamblers, id.) ; Mammy (id., 1930) ; Sous le ciel du Texas (Under a Texas Moon, id.) ; The Matrimonial Bed (id.) ; Bright Lights (id.) ; A Soldier's Plaything (id.) ; River's End (id.) ; le Démon des mers (Dämon des Meeres, 1931) ; God's Gift to Women (id.) ; le Génie fou ou le Diable boiteux (The Mad Genius, id.) ; la Dame de Monte-Carlo (The Woman From Monte Carlo, 1932) ; Alias the Doctor (id., CO L. Bacon) ; l'Étrange Passion de Molly Louvain (The Strange Love of Molly Louvain, id.) ; Docteur X (Doctor X, id.) ; Ombres vers le Sud (Cabin in the Cotton, id.) ; Vingt Mille Ans sous les verrous (20 000 Years in Sing Sing, 1933) ; Masques de cire (The Mystery of the Wax Museum, id.) ; le Trou de serrure (The Keyhole, id.) ; Détective privé (Private Detective 62, id.) ; Goodbye Again (id.) ; Female (id.) ; Meurtre au chenil (The Kennel Murder Case, id.) ; Mandalay (id., 1934) ; la Clé (The Key, id.) ; Agent britannique (British Agent, id.) ; Jimmy the Gent (id.) ; The Case of the Curious Bride (1935) ; Furie noire (Black Fury, id.) ; Sixième Édition (Front Page Woman, id.) ; Little Big Shot (id.) ; Capitaine Blood (Captain Blood, id.) ; le Mort qui marche (The Walking Dead, 1936) ; la Charge de la brigade légère (The Charge of the Light Brigade, id.) ; Stolen Holiday (1937) ; Justice des montagnes (Mountain Justice, id.) ; le Dernier Round ou le Dernier Combat (Kid Galahad, id.) ; Un homme a disparu (The Perfect Specimen, id.) ; la Bataille de l'or (Gold Is Where You Find It, 1938) ; les Aventures de Robin des Bois (The Adventures of Robin Hood, CO William Keighley, id.) ; Quatre au paradis (Four's a Crowd, id.) ; Rêves de jeunesse (Four Daughters, id.) ; les Anges aux figures sales (Angels With Dirty Faces, id.) ; les Conquérants ou Ville sans loi (Dodge City, 1939) ; Filles courageuses (Daughters Courageous, id.) ; la Vie privée d'Élisabeth d'Angleterre (The Private Lives of Elizabeth and Essex, id.) ; Quatre Épouses (Four Wives, id.) ; Sons of Liberty (CM, id.) ; la Caravane héroïque (Virginie City, 1940) ; l'Aigle des mers (The Sea Hawk, id.) ; la Piste de Santa Fé (The Santa Fe Trail, id.) ; le Vaisseau fantôme (The Sea Wolf, 1941) ; Dive Bomber (id.) ; les Chevaliers du ciel (Captains of the Clouds, 1942) ; la Parade de la gloire (Yankee Doodle Dandy, id.) ; Casablanca (id., 1943) ; Mission to Moscow (id.) ; This Is the Army (id.) ; Passage to Marseille (1944) ; Janie (id.) ; Roughly Speaking (1945) ; le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce, id.) ; Nuit et Jour (Night and Day, 1946) ; Mon père et nous (Life With Father, 1947) ; Le crime était presque parfait (The Unsuspected, id.) ; Romance à Rio (Romance on the High Seas, 1948) ; Il y a de l'amour dans l'air (My Dream Is Yours, 1949) ; Boulevard des passions (Flamingo Road, id.) ; The Lady Takes a Sailor (id.) ; la Femme aux chimères (Young Man With a Horn, 1950) ; le Roi du tabac (Bright Leaf, id.) ; Trafic en haute mer (The Breaking Point, id.) ; le Chevalier du stade (Jim Thorpe-All American, 1951) ; les Amants de l'enfer (Force of Arms, id.) ; la Femme de mes rêves (I'll See You in My Dreams, 1952) ; The Story of Will Rogers (id.) ; le Chanteur de jazz (The Jazz Singer, 1953) ; Un homme pas comme les autres (Trouble Along the Way, id.) ; l'Homme des plaines (The Boy From Oklahoma, 1954) ; l'Égyptien (The Egyptian, id.) ; Noël blanc (White Christmas, id.) ; la Cuisine des anges (We're No Angels, 1955) ; Énigme policière (The Scarlet Hour, 1956) ; le Roi des vagabonds (The Vagabond King, id.) ; The Best Things in Life Are Free (id.) ; Pour elle, un seul homme (The Helen Morgan Story, 1957) ; le Fier Rebelle (The Proud Rebel, 1958) ; Bagarres au King Creole (King Creole, id.) ; l'Homme dans le filet (The Man in the Net, 1959) ; le Bourreau du Nevada (The Hangman, id.) ; les Aventuriers du fleuve (The Adventures of Huckleberry Finn, 1960) ; Un scandale à la Cour (A Breath of Scandal, id.) ; François d'Assise (Francis of Assisi, 1961) ; les Comancheros (The Comancheros, id.).