BRASSEUR (Pierre-Albert Espinasse, dit Pierre) (suite)
Avec la maturité est peu à peu apparue en pleine lumière une des composantes, jusqu'alors plus ou moins voilée, du comédien à travers ses personnages : le satanisme. Ce n'est pas un hasard s'il est Barbe-Bleue dans le film de Christian-Jaque (1951), l'inquiétant chirurgien des Yeux sans visage (Franju, 1960) et le redoutable seigneur de Goto, l'île d'amour (W. Borowczyk, 1969) : avec l'âge, il a pris de la rondeur et de la puissance, et la petite gouape de Quai des Brumes a engendré l'amant jaloux des Portes de la nuit avant de déboucher sur les rôles de méchant, dans lesquels il semble être plus ou moins étiqueté à la fin de sa carrière. Étrange destinée (mais qui a été celle aussi de Jules Berry), comme si le degré extrême de l'extraversion était le signe d'un pouvoir de domination sur le commun des mortels, comme si la malédiction qui a pesé sur les comédiens pendant des siècles était la rançon d'une quelconque possession diabolique.