CARLSEN (Henning) (suite)
C'est un producteur suédois indépendant, Lorens Marmstedt, qui donne à Carlsen sa première vraie chance en lui confiant, à Stockholm, la direction des Chattes (Kattorna, 1965), où la psychologie féminine se trouve analysée d'une manière fine et sans pitié. La Faim (Sult, 1966) est le film le plus connu de Carlsen. Il a valu à son interprète, Per Oscarsson, le premier prix d'Interprétation au festival de Cannes, dans le rôle d'un écrivain hanté par l'écriture. Ne parvenant pas à publier ses textes, le personnage se trouve dans une situation misérable, en proie à des hallucinations (l'action se passe à la fin du XIXe siècle, à Christiania [aujourd'hui Oslo], la capitale norvégienne). Tiré du célèbre roman autobiographique homonyme de Knut Hamsun, la Faim était une coproduction norvégienne, danoise et suédoise. Rien de ce que Carlsen a réalisé depuis n'a tout à fait atteint le brio de la Faim, bien qu'il ait manifesté un certain talent pour la comédie dans Sophie de 6 à 9 ou Quand des gens se rencontrent, une douce musique leur emplit le cœur (Mennesker m'odes og s'od mus̈ı'̈k opstår i hjertet, 1967), et dans Comment faire partie de l'orchestre (Man sku' vaere noget ved musikken, 1972), chronique douce-amère — et parfois d'une ironie assez désespérée — sur les habitués d'un petit café populaire de Copenhague. La même touche humoristique caractérise Un divorce heureux (1975), coproduction franco-danoise dont le sujet est la rencontre désastreuse entre un homme jeune, son ancienne femme et le nouvel amant de celle-ci dans une maison de campagne en France.
Nous sommes tous des démons (Klabautermanden, 1969), récit à la fois subversif et fantastique, est l'adaptation d'un roman d'Axel Sandemose sur un vieux capitaine de la marine hanté par les appels d'une jeune sirène.
En 1978, Carlsen revient au Danemark de son enfance avec Un rire sous la neige (H'or, var der ikke en, som lo ?), où le personnage principal est un jeune chômeur des années 30. Quatre ans plus tard, le cinéaste signe ‘ la Bourse ou la Vie’ (Pengene eller livet), une œuvre largement autobiographique. Après un documentaire (Journal d'Espagne, 1986), le cinéaste s'intéresse dans Gauguin, le loup dans le soleil/le Loup à la porte (Oviri) à l'une des périodes les plus sombres de la vie du peintre, qui, en 1893, quitte Tahiti pour Paris et la Bretagne, où l'attendent insuccès, trahisons et déconvenues amoureuses et amicales. En 1995, il retrouve le romancier Knut Hamsun dans Deux plumes vertes (Two Green Feathers), adaptation du célèbre roman Pan.
Il y a, dans le meilleur de l'œuvre de Carlsen, une singulière beauté plastique que vient rehausser une sympathie profonde et chaleureuse pour tel ou tel être humain, dont le visage se dégage de la masse anonyme comme celui de ces hallucinés qu'on voit sur les gravures et les toiles d'un autre artiste scandinave, Edvard Munch.▲