MANES (Blanche Moulin, dite Gina)
actrice française (Paris 1893 - Toulouse 1989).
Sa photogénie et la concentration de son jeu ont fait d'elle une des plus grandes vedettes du cinéma muet. Réalisateurs français et combinaisons internationales se la disputent. Elle interprète puissamment ses rôles marquants : l'Auberge rouge et Cœur fidèle (J. Epstein, 1923), la Dame de Montsoreau (R. Le Somptier, id.), Âme d'artiste (G. Dulac, 1925), Napoléon (A. Gance, 1927), Thérèse Raquin (J. Feyder, 1928), Nuits de prince (M. L'Herbier, 1930). Son étoile décline et ses rôles diminuent à l'avènement du parlant, mais elle gonfle la moindre silhouette de son incontestable personnalité : Une belle garce (M. de Gastyne, 1931) ; Salto Mortale (E. A. Dupont, id.) ; la Tête d'un homme (J. Duvivier, 1933) ; Mayerling (A. Litvak, 1936) ; Mollenard (R. Siodmak, 1938). Des accidents, une vie aventureuse l'éloignent des studios. Elle n'y revient à partir de 1945 (les Caves du Majestic, R. Pottier) que pour de courtes apparitions, assez poignantes eu égard au souvenir de ce que fut cette actrice.
MANFREDI (Saturnino, dit Nino)
acteur et cinéaste italien (Castro dei Volsci 1921).
Il fait ses études à Rome et, en 1947, il obtient le diplôme de l'Accademia d'arte drammatica. Il interprète au théâtre plusieurs pièces sous la direction de Luigi Squarzina, Vittorio Gassman, Giorgio Strehler, Orazio Costa, et s'affirme à la radio avec des personnages comiques en dialecte romain. Il débute au cinéma dans deux mélodrames napolitains pleins de chansons : Simme e' Napule, paisà (D. Gambino, 1949) et Monastero di Santa Chiara (Mario Sequi, 1951). Après quelques apparitions marginales, il devient populaire dans les grands spectacles de variétés et il obtient son premier rôle cinématographique original grâce à Mauro Bolognini dans les Amoureux (1955), où il crée le personnage d'un jeune coiffeur drôle et timide qui sera très remarqué par la critique. Sa veine comique subtile et son masque ductile sont employés avec un brio de plus en plus éclatant dans une série de comédies populaires, interprétées aux côtés d'acteurs comiques déjà affirmés comme Alberto Sordi, Vittorio De Sica, M. Allasio : Guardia, guardia, scelta, brigadiere e maresciallo (Bolognini, 1956) ; Susanna tutta panna (Steno, 1957) ; Guardia, ladro e cameriera (id., 1958) ; Camping (F. Zeffirelli, id.) ; Caporale di giornata (C. L. Bragaglia, id.). Dans Venise, la lune et toi (id.), Dino Risi souligne la méchanceté spontanée dans son personnage de gondolier pédant. Ses rôles suivants dans Carmela è una bambola (Gianni Puccini, id.), Adorabili e bugiarde (Nunzio Malasomma, 1959) et I ragazzi dei Parioli (S. Corbucci, id.) sont des routines. Le débutant Nanni Loy lui donne un personnage de voleur pathétique dans la suite du Pigeon de Monicelli : Hold-Up à la milanaise (id.). Avec L'impiegato (G. Puccini, id.), il devient protagoniste et crée un personnage ambigu et complexe d'employé qui vit dans une réalité monotone mais se déchaîne dans ses rêves de style hollywoodien ; la collaboration au scénario de ce film signale ses ambitions satiriques et sera suivie par la coécriture de plusieurs de ses grands films. Il démontre une extraordinaire virtuosité : efficace dans la farce (les Pilules d'Hercule [Le pilote di Ercole], L. Salce, 1960), comme dans la comédie policière (Chacun son alibi, M. Camerini, id.), ou dans le genre grotesque (Il carabiniere a cavallo, C. Lizzani, 1961). Dans À cheval sur le tigre (L. Comencini, id.), il est remarquable dans le personnage de l'évadé malgré lui, effleurant la tragédie sans obtenir le succès mérité. Mais la popularité lui est garantie par une féroce satire du fascisme, les Années rugissantes (L. Zampa, 1962). Il décide enfin de débuter à la mise en scène, en dirigeant et interprétant l'épisode L'avventura di un soldato, de L'amore difficile (id.) : c'est un tour de force très réussi qui décrit la séduction d'une belle veuve par un soldat timide dans un compartiment de train, une sorte de petit chef-d'œuvre très remarqué. Il choisit ensuite de travailler avec Pietrangeli, pour sa comédie La parmigiana (1963), ou avec L. G. Berlanga, qui lui donne le rôle de l'exécuteur récalcitrant dans le film espagnol le plus loué de l'après-guerre : le Bourreau (id.) ; la forte dose d'humour noir berlangien fait jaillir sa méchanceté sardonique. Après différents rôles secondaires (dont Il gaucho, D. Risi, 1964, et Je la connaissais bien, A. Pietrangeli, 1965), il s'identifie au personnage de l'Italien moyen, effronté, misérable, prêt à tout faire, dans une longue série de comédies à grand succès : Adulterio all'italiana (P. Festa Campanile, 1966) ; Opération San Gennaro (D. Risi, id.) ; Une rose pour tous (F. Rossi, 1967 [RÉ : 1965] ; Jeux d'adultes (N. Loy, id.) ; Les Russes ne boiront pas de Coca-Cola (Comencini, 1968) ; Fais-moi très mal mais couvre-moi de baisers (D. Risi, id.) ; Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? (E. Scola, id.). Son art mimétique est employé au maximum dans les sept épisodes de Une poule, un train... et quelques monstres (Risi, 1969). En 1971, il revient à la mise en scène avec un film presque autobiographique : Miracle à l'italienne (Per grazia ricevuta), où il interprète le rôle d'un paysan naïf sauvé à deux reprises par un miracle ; et cette fois ses rapports avec la religion et le sexe, la recherche des racines archaïques de ses inhibitions se révèlent dans une œuvre ambitieuse et lyrique, très différente de tous ses autres films. Dans les années 70, il crée quelques personnages mémorables, comme le Geppetto des Aventures de Pinocchio (Comencini, 1972), l'émigré de Pain et Chocolat (F. Brusati, 1974), le partisan sans fortune de Nous nous sommes tant aimés (E. Scola, id.), le prolétaire brutal de Affreux, sales et méchants (id., 1976), le juge progressiste au tribunal du Vatican de Au nom du pape roi (L. Magni, 1977). Il apparaît dans la décennie suivante dans plusieurs comédies dont la réputation ne franchit guère les frontières : Questo e quello (S. Corbucci, 1983), Il tenente dei carabinieri (M. Ponzi, 1985), Grandi magazzini (Castellano et Pipolo, 1985), Secondo Ponzio Pilato (L. Magni, 1986), et curieusement dans un film finlandais de Mika Kaurismäki (Helsinki Napoli, 1987). Il signe la même année une nouvelle mise en scène : Nudo di donna. On le retrouve ensuite dans Alberto Express (Arthur Joffé, 1990), Mima (Philomène Esposito, 1991), In nome del popolo sovrano (L. Magni, id.), Colpo di luna (A. Simone, 1995), Grazie di tutto (L. Mandredi, 1998), La Carbonara (L. Magni, 1999), April gli occhi e sogna (R. Errico, 2000).