Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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PETROVI´C (Aleksandar)

cinéaste yougoslave (Paris, France, 1929 - id. 1994).

Il étudie la philosophie et l'histoire de l'art avant de s'initier au cinéma à l'institut de Prague en 1947-48. Au cours des années 50, il tourne plusieurs courts métrages (dont Entre ciel et marais, 1957) et écrit de nombreux textes critiques et théoriques. Elle et lui (Dvoje, 1961), son premier long métrage, décrit les relations amoureuses tourmentées d'un couple moderne. Les Jours (Dani, 1963) est une méditation sur la solitude à travers la brève rencontre d'une femme mariée et d'un étudiant. Dans Trois (Tri, 1965), il aborde le problème de la guerre en s'inspirant de trois récits de l'écrivain serbe Antonije Isaković. Petrović provoque dans ces trois œuvres des controverses fertiles et rompt avec les schémas habituels du cinéma yougoslave des années 50. Il introduit au cinéma des thèmes résolument modernistes, fait appel à la notion d'individu, aux conflits psychologiques, à l'importance de la poésie, de l'érotisme. Dans Trois, il refuse le romantisme exacerbé des thèmes liés aux conflits de la Seconde Guerre mondiale, rejette la glorification simpliciste du partisan face à l'ennemi nazi pour s'intéresser à la seule dénonciation de l'horreur et de l'absurde. J'ai même rencontré des Tziganes heureux (Skupljači perja, 1967) lui apporte une renommée internationale — le film obtenant le prix spécial du jury au festival de Cannes. En suivant le destin d'un plumassier, le cinéaste brosse un portrait coloré, « entre le rêve et la réalité », d'une communauté tzigane, il s'interroge sur les rapports sociaux d'un peuple écartelé entre son marginalisme profond et ses contraintes d'intégration. Il pleut sur mon village (Biče skoro propast sveta, 1968), très librement inspiré par les Possédés de Dostoïevski, est une rhapsodie villageoise sur les thèmes de l'amour fou et de la contagion de la folie, une illustration métaphorique de la lutte entre Dieu et le Diable. Le film est très critiqué et Petrović rencontre dans son pays beaucoup de difficultés pour poursuivre sa carrière. En 1972, il réalise cependant le Maître et Marguerite (Majstor i Margarita), d'après le roman de Mikhail Boulgakov, où il donne libre cours à son attirance pour le fantastique. Le semi-échec de Portrait de groupe avec dame (Grupni portret sa damom / Gruppenbild mit Dame, 1977), coproduction franco-allemande inspirée par le livre homonyme de Heinrich Böll, freine à nouveau son élan de créateur. Il reprend à nouveau le chemin des studios en 1989 pour tourner une grande fresque lyrique et baroque Migrations/la Guerre la plus glorieuse, une coproduction franco-yougoslave, d'après le roman de Milos Tsernianski que l'on peut comparer à une sorte de Guerre et paix des Serbes. ▲

PETROVITCH (Svetislav Petrovič, dit Ivan)

acteur d'origine yougoslave (Novi-Sad 1896 - Munich 1962),

ayant surtout travaillé en France et en Allemagne. Grand, mince, distingué, il se fait remarquer chez Léonce Perret (Koenigsmark, 1923 ; la Femme nue, 1926), Germaine Dulac (Âme d'artiste, 1925) et Marco de Gastyne (la Châtelaine du Liban, 1926), mais c'est surtout Rex Ingram qui sait mettre en valeur son charme slave, dans le Magicien (id.), le Jardin d'Allah (1927, rôle du prêtre amoureux) et les Trois Passions (1929). Au parlant, il se partage entre la France et l'Allemagne (le Roi de Paris ; la Chauve-souris ; Grains de beauté ; la Dernière Valse), dans des rôles de danseur argentin, de prince ou de diplomate d'opérette, d'une égale fadeur. Après guerre, il fait encore quelques apparitions, dans le Procès, de Pabst (1948), et Ascenseur pour l'échafaud, de Louis Malle (1958).

PEVNEY (Joseph)

cinéaste américain (New York, N. Y., 1920).

Danseur et chanteur de music-hall dès l'adolescence, animateur de cabaret, enfin acteur à Hollywood (Sang et Or, R. Rossen 1947), il devient un réalisateur attitré de l'Universal. Même s'il est difficile aujourd'hui d'apprécier sa part dans des films confectionnés en série, il a eu à l'évidence un certain sens plastique, une certaine habileté dans la direction d'acteurs, voire çà et là une « manière » personnelle. Mais, vers 1965, il abdiqua toute ambition pour se consacrer à la TV. Ses meilleurs films restent des policiers, des bandes d'aventures et des mélodrames, où l'émotion obligée ne submerge jamais une certaine violence « distinguée » : Undercover Girl (1950) ; Flesh and Fury (1952) ; la Légion du Sahara (Desert Legion, 1953) ; Yankee Pasha (1954) ; la Muraille d'or (Foxfire, id.) ; la Maison sur la plage (Female on the Beach, id.) ; La police était au rendez-vous (Six Bridges to Cross, 1956) ; Intrigue au Congo (Congo Crossing, id.) ; Istanbul (id., 1957) ; Crépuscule sur l'Océan (Twilight for the Gods, 1958) ; Cet homme est un requin (Cash McCall, 1960) ; la Rançon de la peur (The Plunderers, 1961).

PFEIFFER (Michelle)

actrice américaine (Orange County, Ca., 1957).

Michelle Pfeiffer possède tous les attributs de la blonde fatale, telle que la popularisa le Hollywood des années 40 et 50 : des traits d'une régularité parfaite, un teint diaphane, d'admirables yeux gris-vert aux nuances changeantes, un mélange fascinant d'érotisme et de réserve. Élégante sans affectation, elle convainc aisément dans des rôles « à costumes » : Ladyhawke, la femme de la nuit (Ladyhawke, R. Donner, 1985), les Liaisons dangereuses (S. Frears, 1988) où elle interprétait avec un instinct très sûr la prude Madame de Tourvel. Mais elle sait évoluer avec aisance dans les ambiances les plus troubles (Scarface, B. De Palma, 1983). Actrice complète, son talent et son tempérament se prêtent à tous les genres, de la comédie (Frankie and Johnny, G. Marshall, 1991 ; Veuve mais pas trop, J. Demme, 1988) au film d'espionnage (la Maison Russie, F. Schepisi, 1990), en passant par le thriller (Série noire pour une nuit blanche, J. Landis, 1985 ; Tequila Sunrise, Robert Towne, 1989), le fantastique (les Sorcières d'Eastwick [The Witches of Eastwick] G. Miller, 1989) et le musical (Susie et les Baker Boys [The Fabulous Baker Boys] Steve Kloves, 1989) où elle affirmait un beau talent de chanteuse. Mais c'est sa composition de Catwoman (Batman 2, le défi, T. Burton, 1992), créature féline bardée de cuir verni noir, résurgence incongrue et superbe du mythe de Musidora, qui reste dans les mémoires. Bien loin de se contenter de jouer de son charme physique considérable, Michelle Pfeiffer donne à ce personnage une humanité contrastée, tantôt cruelle, tantôt touchante, tantôt sensuelle, tantôt « coincée ». Si Mike Nichols (Wolf, 1994) se contente d'utiliser sa beauté, Martin Scorsese lui demande de composer un personnage original dans le Temps de l'innocence (1993) : aventurière blessée, étouffant avec grâce et dignité dans une bourgeoisie américaine fin de siècle qui singe le rigorisme victorien, elle y est, une fois de plus, parfaite. Dans le Secret (A Thousand Acres, Jocelyn Moorehouse, 1997), elle est l'une des filles dans une version contemporaine du roi Lear. Elle forme un duo romantique avec Robert Redford dans Personnel et confidentiel (Up Close and Personal, John Avnet, 1996) et avec Bruce Willis dans Une vie à deux (The Story of Us, Rob Reiner, 2000) mais c'est un film de terreur qu'elle tient sur ses épaules qui l'associe à Harrison Ford (Apparences [What Lies Beneath] R. Zemeckis, id.).