CÔTE-D'IVOIRE.
Comme la presque totalité des pays d'Afrique, la Côte-d'Ivoire dispose d'un parc de salles insuffisant ; la distribution des films échappe à toute sélection ; il n'y a pas de politique d'aide à la production — d'où son caractère sporadique. C'est pour la télévision qu'est donné en 1964 le coup d'envoi ambitieux d'une fresque à base de légende populaire : Korogo, téléfilm de Georges Keïta. La TV est encore aujourd'hui le premier client de la Compagnie ivoirienne de cinéma (la CIC), pour la production de documentaires, ou de courts et moyens métrages signés ou non par les principaux cinéastes d'Abidjan : Timité Bassori, Gnoan M'Bala ou le Guinéen Henri Duparc (la CIC a coproduit la Famille). Après des études d'art dramatique à Paris et leur passage à l'IDHEC, Désiré Écaré et Bassori se font remarquer ; le premier par deux moyens métrages lucides et sarcastiques : Concerto pour un exil (1968) et À nous deux, France ! / Femme noire, femme nue (1970) ; le second par la Femme au couteau (1970), considéré comme le premier film de long métrage ivoirien, qui veut traduire « la dualité de la société africaine », mais parvient difficilement à marier le réel et le surnaturel. À ce jour, les carrières de Écaré et Bassori paraissent s'enliser dans les problèmes de production. Le premier nommé a néanmoins réussi à achever en 1985 Visages de femmes qu'il avait entrepris depuis de longues années. Après la réussite satirique de Amanié, moyen métrage produit par la CIC (1972), Gnoan M'Bala tourne le Chapeau (1975), dénonciation des affairistes. Ce film de 70 minutes, qui confirme les qualités de M'Bala, se révèle pourtant, et c'est le cas de nombreuses productions africaines, difficilement exportable à cause de sa durée inusitée : le débouché idéal devient dès lors la TV... En 1977, Henri Duparc reprend et déploie, dans l'Herbe sauvage, la thématique de la Famille sur les clivages et les fissures apparus dans la société. Il faut enfin noter que le français demeure, d'une manière générale, la langue utilisée dans la cinématographie ivoirienne. L'impact de la satire dans Pétanqui (Yo Kozolowa, 1984), dont l'étonnant Sidiki Bakaba tient le rôle-titre, satire fondée sur l'exploitation d'une famine, en fait même un succès inattendu pour un film africain. Signalons d'autres films : Djeli, de Fadiga Kramo Lancine (1982) ; Comédie exotique, de Kitia Touré (1984) ; Visages de femmes, d'Écaré (1985) ; les Guérisseurs (Aduefue, Sifir Bakaba, 1988) ; Bouka (Gnoan M'Bala, id.) ; Bal poussière (Henri Duparc, 1988) ; le Sixième Doigt (id., 1990) ; Au nom du Christ (Gnon M'Bala, 1993).
COTTAFAVI (Vittorio)
cinéaste italien (Modène 1914 - Anzio, 1998).
Doté d'une vaste culture littéraire, passionné par toutes les formes de spectacle, il entre au Centro sperimentale de Rome (1935) et se forme à la pratique du cinéma comme coscénariste et assistant. Il débute dans la mise en scène en 1943 en adaptant une comédie d'Ugo Betti (I nostri sogni). C'est seulement vers 1949, après l'échec de son premier film personnel, La fiamma che non si spegne, qu'il trouve (à son corps défendant) sa voie propre : le traitement de genres alors méprisés (films pseudo-historiques, mélodrames, plus tard péplums), dont il subvertit les conventions par son attachement à la peinture des personnages féminins (qu'il s'agisse de la Traviata ou de Cléopâtre), par son sens plastique affirmé, par son humanisme nuancé d'une légère ironie. Organisation de l'espace, sens du rythme, fixation des réflexes d'acteur, rien ne manque, même à ces commandes que sont les Hercule (le second enveloppant une fable antiatomique). Tous les problèmes reçoivent chez Cottafavi une solution visuelle : il atteint à l'essence du cinéma par les moyens les plus simples et les plus raffinés. Méconnu en Italie, il a été découvert par la critique française. Mais, après le naufrage d'un de ses meilleurs films, le Fils du Cid, il s'est consacré à la TV (qu'il pratiquait depuis 1957), où ses mises en scène, parfois expérimentales, ont rencontré le succès (voir sa production franco-italienne la Folie Almayer, 1972).
Films :
I nostri sogni (1943) ; Lo sconosciuto di San Marino (CO Michael Waszynski, 1947) ; Fantômes sous la mer (Fantasmi del mare, de Robertis [Cottafavi dirige la deuxième équipe], 1948) ; La fiamma che non si spegne (1949) ; Una donna ha ucciso (1952) ; La grande strada (CO M. Waszynski, id. [RÉ 1948] ; le Prince au masque rouge (Il cavaliere di Maison Rouge, id.) ; Fille d'amour (Traviata ‘53, 1953) ; Milady et les mousquetaires (Il boia di Lilla, id.) ; In amore si pecca in due (1954) ; Repris de justice (Avanzi di galera, 1955) ; l'Affranchi (Nel gorgo del peccato, id.) ; Fiesta brava (inachevé, DOC, id.) ; Femmes libres (Una donna libera, 1956) ; la Révolte des gladiateurs (La rivolta dei gladiatori, 1958) ; les Légions de Cléopâtre (Le legioni di Cleopatra, 1960) ; Messaline (Messalina, Venere imperatrice, id.) ; la Vengeance d'Hercule (La vendetta di Ercole, id.) ; les Vierges de Rome (Le vergini di Roma, CO Pottier et C. L. Bragaglia, qui signe seul, 1961) ; Hercule à la conquête de l'Atlantide (Ercole alla conquista di Atlantide, 1961) ; le Fils du Cid, les Cent Cavaliers (I cento cavalieri, 1965) ; Maria Zef (1981) ; le Diable sur les collines (Il diavolo sulle colline, 1985).
COTTEN (Joseph)
acteur américain (Petersburg, Va., 1905 - Westwood, Ca., 1994).
Jeune auteur dramatique malchanceux, courtier en publicité, il veut à tout prix faire du théâtre et débute (comme assistant régisseur) à Broadway en 1930. En 1937, il rejoint la troupe du Mercury Theater d'Orson Welles, qui l'appellera en 1940 à Hollywood pour interpréter des rôles de premier plan dans Citizen Kane (1941), la Splendeur des Amberson (1942) et Voyage au pays de la peur (id.).
Sa profonde intelligence des rôles, son extraordinaire diction « sudiste », sa distinction un peu meurtrie semblent devoir lui assurer une grande carrière cinématographique. Mais, après ses prestations de l'Ombre d'un doute (1943), où Hitchcock joua de sa faiblesse secrète avec un instinct divinatoire, des Amants du Capricorne (id., 1949) et de quelques autres films, Hantise (G. Cukor, 1944), Duel au soleil (K. Vidor, 1947), où déjà il paraissait en retrait, le Portrait de Jennie (W. Dieterle, 1949), le Troisième Homme (C. Reed, id.), la Garce (K. Vidor, id.), cette carrière a rapidement décliné. Non que l'acteur ait perdu ses moyens (il composa un fascinant intellectuel assassin dans Niagara, H. Hathaway, 1953), mais il semble incapable de les adapter à l'évolution du cinéma, tournant trop de westerns en Italie et en Espagne, à l'opposé de son introversion manifeste. Même ses rôles dans El Perdido (R. Aldrich, 1961) ou Petulia (R. Lester, 1968) ont quelque chose de parodique. Ceux de Piège au grisbi (B. Kennedy, 1966) et Soleil vert (R. Fleischer, 1973) sont plus près de ses possibilités réelles, quoique épisodiques. Il a, tout compte fait, mieux utilisé son charme ambigu, quitte à avouer son âge, en apparaissant (parfois en guest-star) dans l'Argent de la vieille (L. Comencini, 1972), Vérités et Mensonges (O. Welles, 1974), l'Ultimatum des trois mercenaires (R. Aldrich, 1977) ; l'Ordre et la Sécurité du monde (Claude D'Anna, 1978) ; Caravans (James Fargo, id.) ; le Continent des hommes-poissons (L'isola degli uomini-pesce, Sergio Martino, 1978) ; la Porte du paradis (M. Cimino, 1980).