Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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OFFICE NATIONAL DU FILM (ou NFB, National Film Board). (suite)

En 1963, Pour la suite du monde de Pierre Perrault et Michel Brault, produit par l'Office, ouvre la voie à un cinéma original, qui emploie les techniques du cinéma direct pour les faire servir à des films qui balancent entre la précision de l'ethnologue et l'effusion du poète. La première génération du long métrage québécois est alors profondément marquée par les méthodes d'approche du réel apprises à l'Office, qu'il en soit le producteur (la Vie heureuse de Léopold Z de Gilles Carle, en 1965), ou qu'il ait seulement formé le regard et la technique de l'auteur (Entre la mer et l'eau douce de Michel Brault, en 1967).

En 1967-68, l'Office capitalise le savoir-faire accumulé par ses techniciens en créant la série Challenge for Change / Société nouvelle. Il s'agit à la fois de faire connaître le Canada aux Canadiens (depuis Grierson, c'est un des mandats que le pouvoir a confiés à l'ONF), et de permettre l'expression d'un courant social et politique lié à l'air du temps. C'est ainsi que des cinéastes plus jeunes, comme Léonard Forest, Yves Dion, Maurice Bulbulian, réalisent un cinéma engagé, sinon militant, qui inspirera, en marge de l'ONF, les productions plus radicales du Vidéographe de Montréal. On peut en rapprocher, toujours dans le cadre de l'Office, les séries Urbanose (une quinzaine de courts métrages, à partir de 1974) et Urba 2000 (dix films, longs et moyens métrages, à partir de 1974), toutes deux contrôlées par Michel Régnier, ou le cycle En tant que femmes : six longs métrages réalisés entre 1973 et 1975, « par des femmes pour des femmes », qui ont révélé les noms des réalisatrices Anne-Claire Poirier et Mireille Dansereau, notamment.

À la fin des années 70, l'Office connaît un essoufflement apparent. Lié à la fois à la montée en puissance du cinéma commercial au Canada (développement des coproductions, mobilisation de capitaux nationaux considérables) et au désenchantement de ceux qui avaient fait le succès des films engagés de la décennie précédente. L'ONF continue certes de produire (des films aussi divers que les longs métrages de Pierre Perrault et les dessins animés de Pierre Hébert), mais il ne donne plus l'impression d'innover ou de prendre des risques.

En mars 1982, un rapport commandé par le gouvernement fédéral (le rapport Applebaum-Hébert) préconise le démantèlement de l'ONF, dont l'essentiel des actifs serait dévolu à l'industrie privée. En mai 1984, le ministre canadien des Communications, Francis Fox, précise ce que sera la nouvelle politique officielle en matière de cinéma et vidéo : il est prévu un retour progressif, en cinq ans, au secteur privé des activités de production de l'ONF, l'ONF se cantonnant aux tâches de recherche et de formation.

Entre 1982 et 1984, l'ONF a vécu la crise la plus grave de son histoire. Le gouvernement fédéral, se fondant sur le rapport Appelbaum-Hébert qui préconisait la dévolution des activités de production de l'Office à l'industrie privée, préparait sa reconversion autour des tâches de recherche et de formation. L'ONF, soutenu par une forte campagne d'opinion, a été sauvé, paradoxalement, par la victoire des conservateurs aux élections de septembre 1984. Marcel Masse a remplacé Francis Fox au ministère des Communications et a tourné le dos à la politique de démantèlement de son prédécesseur.

À la fin des années 80, l'ONF, dirigé par Joan Pennefather, a apparemment élargi le champ de ses activités (apparemment seulement, dans la mesure où s'il produit plus, il a aussi plus souvent recours à des prestataires privés et à des collaborateurs ponctuels). Depuis 1985, il participe volontiers à la production de films dont les auteurs sont des cinéastes extérieurs à l'Office (André Forcier au temps de Au clair de la lune, Léa Pool, Claude Fournier, Denys Arcand pour le Déclin de l'Empire américain). Il est intervenu aussi dans la production d'une série de téléfilms dont certains, comme les Noces de papier de Michel Brault, ont été exploités aussi en salle, et a encouragé la production décentralisée (dans les provinces Atlantiques ou dans celles des Prairies). Il est engagé, enfin, dans la diffusion du procédé « Imax » de projection sur écran géant. En 1989, l'ONF a fêté son cinquantenaire, célébré à la fois par l'organisation à Montréal d'une manifestation, « le Documentaire se fait », par la production de quelques films commémoratifs dont le Cinquante ans de Gilles Carle (Palme d'or du CM à Cannes cette année-là), et par l'édition d'un catalogue en deux volumes, énorme répertoire descriptif de tous les films maison depuis l'arrivée de Grierson aux rives du Saint-Laurent.

OGATA (Ken)

acteur japonais (Tokyo 1937).

Acteur prolifique et versatile, il a d'abord interprété de nombreux films commerciaux, mais il s'est surtout imposé comme acteur favori de Shohei Imamura à partir de La vengeance est à moi (1979), dans le rôle du criminel Enokizu. On le retrouve dans Eijanaika (1981), la Ballade de Narayama (1983) et dans Zegen ou le Seigneur des bordels (1987). Le cinéaste américain Paul Schrader lui a confié le rôle de l'écrivain japonais Mishima dans son film Mishima (1985) et le cinéaste britannique Peter Greenaway celui du père de Nagiko dans The Pillow Book (1996). Très populaire grâce à sa carrière à la télévision, il apparaît au cinéma dans des longs métrages très divers, notamment Hana no Ran (Kinji Fukasaku, 1988), Kodayu (Junya Sato, 1991) et Koroshi (Masahiro Kobayashi, 2000).

OGAWA (Shinsuke)

cinéaste japonais (Mizunami 1935 - Tokyo 1992).

Renvoyé de son université pour « activités politiques », il entre à la compagnie progressiste Shinsei Eiga-Sha, puis à l'école Iwanami en 1960, où il rencontre des membres du Club bleu, notamment les cinéastes Kuroki et Tsuchimoto. Dès 1966, appliquant sa conception militante du cinéma, il tourne des documentaires de contestation sociale et politique, axés sur l'interview subjective, de façon complètement indépendante (la Forêt de l'oppression, 1967). C'est surtout par une série de films collectifs contre la construction du nouvel aéroport de Narita qu'il se fait connaître : ‘ Été de Sanrizuka ’/Un été à Narita (Sanrizuka no natsu, 1968), suivi de sept autres films tournés sur ces lieux de résistance active. Depuis, il a poursuivi son étude sociale du « Japon profond », avec notamment un long documentaire, le Village de Furuyashiki au Japon (Nipponkoku : Furuyashikimura, 1982), et a participé activement à la création du Festival international du film documentaire de Yamagata en 1989.