CAVALIER (Alain Fraissé, dit Alain)
cinéaste français (Vendôme 1931).
Diplômé de l'IDHEC, puis assistant de Louis Malle et d'Édouard Molinaro, il réalise un court métrage, Un Américain (1958), et doit attendre 1962 pour voir aboutir un premier projet personnel de long métrage : le Combat dans l'île, suivi de l'Insoumis (1964). L'échec commercial de ces deux réalisations originales le conduit à rechercher, bon gré mal gré, le succès par le truchement de productions plus délibérément commerciales, même s'il continue de collaborer à la rédaction des scénarios. Ainsi de Mise à sac (1967) ou de la Chamade (1968). En dépit d'une affiche éclatante (Catherine Deneuve, Michel Piccoli), ce dernier film, tiré d'un roman de Françoise Sagan, ne hausse pas Cavalier au rang des réalisateurs sollicités par les producteurs, en raison peut-être de l'extrême retenue avec laquelle il aborde un sujet qui en appelle à des stéréotypes éprouvés. Après un long silence, Alain Cavalier réapparaît dans des productions modestes, mais où s'exprime l'originalité de sa personnalité : le Plein de super (1976), Martin et Léa (1979) et, enfin, Un étrange voyage (1981) qui lui vaut le prix Louis Delluc. En 1986 Thérèse, évocation dépouillée, elliptique et intense de la vie de Thérèse de Lisieux remporte six Césars et un succès public et critique mérité. Le cinéma d'Alain Cavalier se caractérise par un extrême classicisme de la forme, au service d'une grande modernité de sentiments. L'élégance de sa mise en scène n'emprunte rien au spectaculaire, ne remet pas non plus automatiquement en cause le langage cinématographique, à l'exception de l'expérimental Ce répondeur ne prend pas de message (1979) et du subtil et dérangeant Libera me (1993), son film le plus austère, une muette allégorie sur la répression et la résistance. L'originalité vraie y est proportionnelle à la discrétion, ce qui caractérise une écriture racée. En 1996 il tourne la Rencontre, film construit autour des objets quotidiens qui rythment l'amour d'un homme et d'une femme. Dans la droite ligne de la série de 24 portraits réalisés entre 1987 et 1990, Vies (2000) se compose de nouveau de 4 portraits, mais qu'il consacre cette fois à ses amis.
CAVANI (Liliana)
cinéaste italienne (Carpi 1933).
Lettres classiques et linguistique : telle est sa formation (à l'université de Bologne). Diplômée en 1961 du Centro sperimentale de Rome, elle réalise, pour la RAI, de 1962 à 1965, des enquêtes politiques et documentaires, puis son premier long métrage, Francesco d'Assisi (1966). Galileo, film italo-bulgare, provoque des réactions plutôt mal fondées de l'Église (1969). Les fables douteuses (les Cannibales [I cannibali], 1969) et maladroitement ambitieuses (Milarepa [id.], 1974) qu'elle propose au public annoncent des films dont l'ambiguïté et le prétexte parahistorique sont l'occasion de controverses et de tapages assez vains : Portier de nuit (Night Porter, 1974) exploite le nazisme et le sadomasochisme ; la Peau (la Pelle, 1981) exacerbe certains aspects du roman homonyme de Curzio Malaparte. Si, depuis ses premiers travaux documentaires pour la RAI, Liliana Cavani s'est intéressée à divers aspects de la Seconde Guerre mondiale, elle s'est toujours défendu de vouloir construire une œuvre entachée d'idéologie ou charriant des messages. Ce qui a fait son succès, c'est moins une mise en scène assez conventionnelle, aux images du reste souvent froides, que la trouble complaisance qu'elle met dans le traitement de ses sujets. On lui doit aussi l'Invitée (L'ospite, 1971) avec Lucia Bosè, Au-delà du bien et du mal (Beyond Good and Evil, 1977) sur les rapports de Nietzsche et de Lou Andreas-Salomé, Derrière la porte (Oltre la porta, 1982), The Berlin Affair / Interno Berlinese (IT-RFA, 1985), Francesco (1989), Sans pouvoir le dire (Dove siete ? Lo sono qui, 1993).▲
CAVEN (Ingrid)
actrice et chanteuse allemande (Sarrebruck 1943).
En 1967, à Munich, elle entre dans une troupe de théâtre d'avant-garde animée par Fassbinder, ce qui la conduit à figurer dans les films réalisés par ce dernier dès 1969 - presque toujours dans des petits rôles jusqu'à Maman Kusters s'en va au ciel (1975), où elle est Corinna, la fille Kusters, petite chanteuse ambitieuse. Ce rôle, selon elle, orientera sa carrière dès 1977, avec le soutien de Fassbinder et de Peer Raben, le musicien présent dans la troupe dès l'origine. Présente dans l'avant-garde cinématographique de Munich, elle tourne aussi avec Schroeter (la Mort de Maria Malibran,1972, Flocons d'or,1976), mais c'est Daniel Schmid qui lui confie ses rôles les plus importants dans Cette nuit ou jamais (1972), et la Paloma (1974) ; il la retrouvera plus tard dans un film nostalgique de ce temps-là, Hors saison (1992). En 1976, elle est la prostituée du film l'Ombre des anges tourné par Schmid d'après une pièce de Fassbinder qui avait créé un scandale ; et, dans la continuité, elle est de Zora la Rouge, la prostituée de l'Année des treize lunes (1978), un des films les plus intimes de Fassbinder. Dans un univers différent, elle est remarquée dans le rôle de Malou, de Jeannine Meerapfel (1980). En France, elle a tourné en 1974 dans Mes petites amoureuses de J. Eustache. De moins en moins sollicitée par le cinéma (on la voit dans le Temps retrouvé, de R. Ruiz, 2000), elle se consacre essentiellement à la chanson. Elle a inspiré le livre de Jean-Jacques Schuhl qui porte son nom. Mariée quelque temps à Fassbinder, elle apparaît au générique de certains films sous le nom d'Ingrid Fassbinder.
CAYATTE (André)
cinéaste français (Carcassonne 1909 - Paris 1989).
Ancien avocat devenu journaliste, Cayatte n'oubliera jamais son premier métier. Après avoir écrit des romans, dialogué des films (Caprices, L. Joannon, 1942), imaginé des sujets (Entrée des artistes, M. Allégret, 1938), réussi des adaptations (Remorques, J. Grémillon, 1941), il fait ses débuts de réalisateur sous l'invocation de Balzac (la Fausse Maîtresse, 1942) et de Zola (Au bonheur des dames, 1943). Jusqu'en 1950, il aligne des titres qui surprennent parfois (Sérénade aux nuages, 1946, avec Tino Rossi), mais qui attestent toujours sa conscience professionnelle (Roger la Honte, id.) et arrivent à séduire critiques et public (les Amants de Vérone, 1949, avec le concours de Jacques Prévert). Il trouve son chemin de Damas avec le premier plaidoyer de sa vaste trilogie judiciaire : Justice est faite (1950), où il s'efforce de mettre en lumière les incertitudes d'un jury de cour d'assises ; Nous sommes tous des assassins (1952) s'élève avec puissance contre la peine de mort ; enfin, en 1955, le Dossier noir décrit la grandeur et les servitudes du juge d'instruction. Ces films, compacts, démonstratifs et manichéens, réunissent de bons acteurs et ont le mérite de provoquer, de soulever des questions, d'intéresser. La réelle générosité de Cayatte va continuer à s'épancher dans un style appuyé : désarroi de la jeunesse (Avant le déluge, 1954), réconciliation franco-allemande (le Passage du Rhin, 1960), problèmes d'un instituteur confronté avec des adolescentes perverses (les Risques du métier, 1967), amour scandaleux d'un professeur femme pour l'un de ses élèves (Mourir d'aimer, 1971), justiciers éclaboussés par la calomnie (Il n'y a pas de fumée sans feu, 1973). Il n'oublie pas pour autant de stigmatiser cette justice qui n'est pas pure tout en étant dure (le Glaive et la Balance, 1963 ; l'Amour en question, 1978). Son intransigeante bonne foi s'attaque résolument à la Raison d'État (1978) ou condamne les rapts d'enfants par le truchement d'un sordide mélo (À chacun son enfer, 1977). Quelques-unes de ses œuvres purement romanesques se ressentent d'évidences vigoureusement assenées et souffrent de ses défauts habituels : naïveté et emphase. Il en va ainsi d'Œil pour œil (1957) et du Miroir à deux faces (1958). On se prend alors à regretter le charme d'un film aussi mineur que le Chanteur inconnu (1947), avec, encore, Tino Rossi.