Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
I

IRAN. (suite)

Parmi ces travaux, des œuvres réalisées par des femmes se sont tout de suite distinguées : Pouran Darakhsandeh, avec le Petit Oiseau du bonheur (Parendeh-yé koutchaké khoshbakhti, 1988), Rakhstan Bani Etemad, avec, notamment, la Banlieue (Kharedj az mahdodeh, 1989) et Nargess (id., 1992), Tahminek Milani, avec la Légende de Ah (Afsane-yé Ah, 1991), mais aussi plus récemment, les films de Samira Makhmalbaf. Plus généralement, c'est la thématique féminine qui irrigue toute une partie du cinéma iranien, même celui des hommes, à l'instar d'Alireza Raiessian, dont le premier film, Reyhaneh (1990), traite de l'oppression des femmes, et Ebrahim Mokhtari, qui, dans Zinat (1994), évoque la lutte entre la tradition et la modernité à travers la vie d'une jeune infirmière revenue dans son village. En 1996, dans la Gazelle (Ghazal), Motjaba Raie aborde l'histoire d'une jeune femme écrivain que trompe son mari et qui entreprend d'écrire la biographie de sa mère pour réfléchir sur la condition féminine. Dans Rouge (Ghermez, 1999) de Fereydoun Jeyrani, ce sont à nouveau les affres de la vie conjugale qui sont abordés frontalement. En 1999, Jafar Panahi a, dans le Cercle, mis en scène le destin de trois femmes perdues dans Téhéran, au bord de la prostitution, sujet pourtant tabou dans le pays, ce qui a obligé le réalisateur à tourner en partie en cachette. Les films pour enfants constituent une spécificité de la production cinématographique iranienne de ces 20 dernières années, sinon la principale, expliquant notamment une partie de la carrière de Kiarostami. De nombreux réalisateurs travaillent sur ce terrain : Ebrahim Forouzesh, qui a fait la Clé (Kelid, 1986) et la Jarre (Khomreh, 1992), Amir Naderi, qui, après sa fameuse enquête a posteriori sur le massacre de septembre 1978 par la police du Shah, a tourné plusieurs films pour les jeunes, Bahrâm Beyzaï, qui a réalisé Bashu, le petit étranger (Bashu, garibe kotchek, 1986), retenu quelques années par la censure, Kambuzia Partovi, auteur du Poisson (Mahi, 1989), Mohammad Ali Talebi, avec la Petite Botte (Chakmeh, 1992) et Tic tac (Tiktak, 1994), ou encore Jafar Panahi avec le Ballon blanc (Badkonak-e Sefid, 1995) et le Miroir (Ayeneh, 1997). Dans la même veine, Majid Majidi* a centré la plupart de ses films sur le monde des enfants et des adolescents : outre six premiers courts métrages, il tourne en 1992 Baduk, sur les trafiquants d'enfants dans le désert ; avec le Père (Pedar, 1996), il met en scène le retour en Iran d'un adolescent parti travailler pour nourrir sa sœur et sa mère, et qui, lorsqu'il rentre, découvre que cette dernière s'est remariée ; avec les Enfants du ciel (Bacha-ye Aseman, 1997), il souligne les clivages entre quartiers riches et quartiers pauvres à Téhéran ; enfin, en 1998, il tourne la Couleur de Dieu (Rang-e Khoda), sur un enfant aveugle dont le père est tenté de se débarrasser, tant il semble être un poids inutile et confirme par là sa place désormais essentielle dans ce cinéma de l'enfance. Autre cinéaste majeur dans ce domaine, Abdolfazl Jalili*, qui travaille essentiellement avec des enfants et des adolescents non professionnels : après la Gale (Gal, 1988) retraçant la plongée d'un gamin dans un pénitencier pour enfants, il réalise Det, une petite fille (Det, yani dokhtar, 1994), explorant la vie des terrassiers dans les grandes villes. Don, tourné en 1995, mais autorisé seulement en 1997 s'intéresse une fois de plus aux enfants pauvres dans l'Iran contemporain. Mais c'est surtout Danse de la poussière (Raghs-e khahk), tourné en 1990-91 avec des non professionnels, interdit jusqu'en 1998, car montrant la souffrance de l'enfance dans un pays comme l'Iran, qui vaut à Jalili la reconnaissance internationale de la critique comme du public.

Une tendance plus récente semble s'affirmer, celle de films inscrits dans un contexte rural, revisitant parfois les coutumes régionales, décrivant la vie paysanne ou provinciale, tels que la Jument (Madian, 1986) d'Ali Jekan, mais aussi la Branche de palmier (Pish, 1997) de Nasser Tagvhaï sur les tisserandes du sud, la Cinquième saison (Fasl-e Panjom, 1997) de Rafi Pitts sur la vie quotidienne d'un petit village, l'Arbre de vie (Dakhat Djan, 1998) de Farhad Mehranfar sur la région caspienne, Saray (1998) de Yadollah Samadi sur le folklore azerbaïdjanais, ou encore Gabbeh de Mohsen Makhmalbaf. Outre les films de femmes ou sur les femmes, ainsi que ceux pour les enfants ou sur les enfants, se distinguent des films de guerre, avec Leyli et moi (Leyli ba Man Ast, 1996) de Kamal Tabrizi, le Ruban rouge (Ruban Kermitz, 1998) d'Ebrahim Hatamikia, des films patrimoniaux et nationalistes comme L'Iran est ma patrie (Iran Sarayi Man Ast, 1998) de Parviz Kimiavi, mais aussi de purs comédies commerciales, parfois succès au box office iranien, mais non distribuées sur les marchés occidentaux, à l'instar de l'Homme des neiges (Adam Barfi, 1994) de Davud Mir-Bagheri. Au total, maintenant une production cinématographique de manière assez constante, à l'inverse de son voisin irakien dont plus rien ne sort depuis la guerre du Golfe, l'Iran fait même preuve d'une indéniable vitalité dans la région, avec, en tendance, une soixantaine de longs métrages par an.

IRAQ.

La première salle, le Bloky, est ouverte en 1909 dans la capitale. En 1948, équipé de matériel moderne, le Studio de Bagdad permet des coproductions avec l'Égypte et le Liban (Layla wa Iraq de A. Kamil Mursi*, 1949) et est utilisé par les cinéastes turcs. On situe en 1955 la naissance du cinéma irakien avec Said Effendi, réalisé par Qamiran Husni. Ce portrait de la petite bourgeoisie citadine de l'après-guerre, interprété par l'acteur de théâtre Yusuf al-Ayni, avait des qualités de psychologie qu'on retrouvera dans le Veilleur de nuit (al-Haris) interprété et dirigé par un autre acteur de théâtre, Khalil Shawqi (1968), peinture intimiste d'un milieu populaire. Mais Shawqi, qu'on voit dans les rares et médiocres longs métrages irakiens de l'époque, renonce, comme Qamiran Husni, au cinéma. La création, en 1959, d'un Organisme du cinéma et du théâtre ne résout pas les problèmes de structures et de production, et les films du secteur privé sont encore plus mauvais que les autres : citons seulement l'inénarrable Nabuchodonosor, film en costumes et en couleurs de Kamal Azzawi, qui ruina ses producteurs (1957). Les meilleurs techniciens sont alors formés par l'Iraq Petroleum Company, tel Muhammad Shukri* Jamil, et certains parachèvent leur formation à l'école de Grierson en Grande-Bretagne ; d'autres, issus de la section cinéma des Beaux-Arts de Bagdad, comme Diya al-Bayati, reçoivent des bourses pour l'URSS (Abd al Hadi al-Rawi) ou la RDA (Qays al-Zubaydi, Abd al-Salam al-Adhami). Ils ont réalisé quelques documentaires intéressants avant, pour certains, de s'orienter vers le long métrage. En 1969, le parti Baas au pouvoir opère une refonte provisoire des structures et pratique une prudente politique de production, parallèlement à l'affaiblissement du secteur privé. Il faut retenir essentiellement les Assoiffés de Shukri Jamil (1972), les Murs (1978) du même auteur, les Maisons de l'impasse (Buyut fi dhalika al-Zuaq, 1978) de Qasim Hawal, Mutawa wa Bahiyya (1982) de Sahib Haddas, et noter en 1980 la sortie de films confiés à des cinéastes égyptiens : les Longues Journées (al-Ayyam al-tawila) de Tawfiq Salaḥ ; la Tentative (al-Tajruba) de Fuad ; une superproduction historique, al-Qadisiyya (1981), dirigée par Salah Abu Sayf*. L'Iraq, autrefois tributaire des laboratoires de Beyrouth, dispose maintenant d'un complexe cinématographique près de Bagdad, et la centaine de salles (soit 120 000 fauteuils) plus ou moins bien équipées s'avèrent insuffisantes, même avec l'apport de la télévision. La production du secteur public est assurée par la société Babel Films. Toutefois, la sortie de la guerre avec l'Iran, à la fin des années 1980, n'a que momentanément permis à la production cinématographique et audiovisuelle de reprendre, la guerre du Golfe (et ses conséquences : embargo, etc.) ayant dès 1991 anéanti toute réalité du cinéma iraqien.