scénariste et cinéaste français (Montrouge 1924 - Paris 2000).
D'abord étudiant aux Arts décoratifs, il bifurque vers le cinéma après la guerre, suit deux ans des cours à l'IDHEC et, pendant une dizaine d'années, travaille comme assistant. Parallèlement, il publie des articles de critique musicale à Combat. Dans cette période, il tourne un court métrage en 1951 (Nous n'irons plus au bois), puis un premier long métrage qui n'est qu'une tâche alimentaire : Bonjour sourire, avec Henri Salvador et Annie Cordy, distribué en juin 1956 dans l'indifférence générale.
Le véritable Sautet apparaît en 1960, avec la réalisation de son premier film personnel, Classe tous risques (avec Lino Ventura et Jean-Paul Belmondo, d'après un roman de José Giovanni), qui frappe une partie de la critique par la sûreté de sa mise en scène. Cinq ans plus tard, l'Arme à gauche (avec Lino Ventura et Leo Gordon, d'après Charles Willliams) confirme son talent, mais oriente ses exégètes sur une fausse piste : ils saluent en Sautet un cinéaste de l'action pure, influencé par les films de Walsh ou de Siegel.
Simultanément, Sautet se fait une image de scénariste efficace, collaborant à plusieurs dizaines de films, souvent sans que son nom apparaisse au générique : il est celui qu'on va chercher quand un projet boite, quand une situation se bloque. Peu connu à cette époque du grand public, il a une solide réputation d'homme de terrain dans la profession.
Les Choses de la vie (prix Louis-Delluc en 1970) font de lui une vedette soudaine, et fondent en même temps un second malentendu, qui ne s'est jamais dissipé : certains n'ont voulu voir en lui qu'un sociologue, qui se complairait à la description des peines de cœur ou des problèmes d'argent de la bourgeoisie française.
Il est vrai que des Choses de la vie à Quelques jours avec moi, les neuf films qu'il a réalisés entre 1970 et 1988 sont écrits (par Sautet lui-même, avec la collaboration de Jean-Loup Dabadie, Claude Néron, Jean-Paul Török, Jacques Fieschi ou Jérôme Tonnerre) en référence à la société française au présent. Mais la volonté de montrer ou de prouver sont au plus loin des préoccupations d'un cinéaste qui déclarait en 1971 : « Quand je fais un scénario ou quand je tourne, je n'ai aucune conscience théorique de quoi que ce soit. À un certain moment, les choses se disposent d'une façon telle que je ne peux plus les éviter », et encore : « Je ne vois de comparaison qu'avec la musique, où il y a un certain type d'harmonie, d'accord ou de rythme au départ qui fait que, quel que soit le parcours, une logique souterraine impose la matière qui doit se trouver à la fin. » (In Positif no 126.)
Ce concept de « logique souterraine » explique à la fois l'œuvre et le rapport de l'homme à l'œuvre. Claude Sautet est un cinéaste lent (à peine un film tous les deux ans : si son activité paraît plus précipitée entre 1970 et 1973, c'est qu'il disposait alors du scénario plus ancien, prêt à tourner, de César et Rosalie), dont les arguments prennent forme, généralement, dans une sorte de corps à corps avec le coscénariste, à partir d'une situation élémentaire, visualisée, de la relation de deux personnages à un fragment d'espace par exemple, qui génère ensuite un groupe, des lieux, une tension dramatique, longuement polis et remis sur le métier, jusqu'à l'ultime phase du tournage.
Le groupe est, en effet, la figure sociale la plus fréquente dans son œuvre — le groupe, la maison, le bistrot de banlieue qui rassemble une communauté de hasard ou une collectivité fondée sur le travail : Vincent, François, Paul et les autres... est l'intitulé emblématique de cette démarche.
Le cinéma de Sautet fonctionne aussi sur une direction d'acteurs rare dans le cinéma français (« En dehors du sentiment musical que j'ai quand je fais un film, ma passion d'origine, c'est la direction d'acteurs »), et sur l'amitié de quelques grands comédiens qui ont su se plier et s'exalter à cette direction : Romy Schneider (cinq films des Choses de la vie à Une histoire simple, que Sautet a écrite pour elle), Michel Piccoli (quatre films), Yves Montand (trois films, dont Garçon !, au scénario taillé dès l'origine à sa mesure).
Le cinéma de Sautet est précis, peu soucieux de coquetterie (il demande à son opérateur habituel, Jean Boffety, une photo sans effets, même s'il lui impose souvent des tournages difficiles tels la dernière séquence de Mado dans la boue et la pluie nocturne, ou certains plans complexes de bistrots ou de brasseries dans des décors où les miroirs agrandissent l'espace et accroissent la gageure technique), mais rigoureux et nécessaire comme la partition d'un concerto. La mécanique du récit comme les mouvements de la caméra l'intéressent pour ce qu'ils permettent ce qu'il appelle « l'approche concrète des personnages ».
Au nom de ce souci d'authenticité, il se place dans l'héritage des maîtres italiens, et dans la tradition française de Jacques Becker (« le cinéaste français qui m'a le plus influencé »). Mais c'est aussi la voie royale ouverte par Jean Renoir qu'il retrouve, quand il récuse l'étiquette de réaliste qu'on veut lui imposer. Sautet en 1970 : « Réalisme, c'est un mot illusoire... La durée d'un film montre qu'il n'y a pas de réalisme. » Renoir en 1935 : « Il est difficile de définir le réalisme alors que tant de concessions sont nécessaires pour traduire la réalité, à commencer par celle du temps. » Comme Renoir, Sautet, moins sociologue, moins psychologue que moraliste, ne peut filmer que s'il comprend les raisons de ceux qu'il filme, et que s'il les filme dans l'environnement humain, dur et contradictoire, de leur existence.
Films :
Bonjour sourire (1956) ; Classe tous risques (1960) ; l'Arme à gauche (1965) ; les Choses de la vie (1970) ; Max et les ferrailleurs (1971) ; César et Rosalie (1972) ; Vincent, François, Paul et les autres... (1974) ; Mado (1976) ; Une histoire simple (1978) ; Un mauvais fils (1980) ; Garçon ! (1983) ; Quelques jours avec moi (1988) ; Un cœur en hiver (1992) ; Nelly et M. Arnaud (1995).