RELIEF (suite)
La stéréoscopie par lumière polarisée possède deux avantages majeurs sur les anaglyphes : la fatigue visuelle est notablement réduite ; les images peuvent être en couleurs. Elle nécessite, par contre, outre la pose d'un écran métallisé, une adaptation plus ou moins importante des installations de projection. De ce point de vue, les procédés à images juxtaposées sur film unique sont les moins contraignants, et l'on n'emploie d'ailleurs plus aujourd'hui - au moins en projection - que des procédés de ce type. Le procédé à deux projecteurs synchronisés est, en revanche, nettement plus satisfaisant pour la luminosité de l'image projetée (compte tenu de l'absorption importante des filtres polarisants) puisque l'éclairement de l'écran est doublé. Mais il est d'une mise en œuvre complexe : il faut synchroniser les projecteurs, il faut deux copies parfaitement appariées, et il faut surveiller en permanence le dispositif pour éviter tout décalage, ne serait-ce que d'une image.
Au début des années 50, lorsque le cinéma américain cherchait à contrer la télévision par l'attrait du spectacle (couleur, Cinérama, son stéréophonique, etc.), plusieurs dizaines de films « 3D » par procédés à filtres polarisants furent tournés à Hollywood à la suite du succès de Bwana le diable (A. Oboler, 1952). La Warner produisit notamment Le crime était presque parfait (A. Hitchcock, 1954), Bataille sans merci (R. Walsh, 1953), l'Homme au masque de cire (A. de Toth, id.). Mais le cinéma en relief fut rapidement battu en brèche par le CinémaScope et l'écran large, et nombre des films « 3D » évoqués ci-dessus furent, du coup, exploités essentiellement en version « plate ». (Les Français, en particulier, durent attendre 1982 pour voir Le crime était presque parfait en relief, et encore dans une seule salle parisienne.) Depuis cette époque, le cinéma en relief a pratiquement disparu, ne faisant plus que de sporadiques réapparitions, par exemple avec Chair pour Frankenstein (P. Morrissey, 1974).
Stéréoscopie avec lunettes à cristaux liquides.
Il est possible d'obtenir la même impression de relief avec des lunettes à cristaux liquides qu'avec des filtres polarisants. Deux écrans à cristaux liquides, distincts pour chaque œil, intégrés à une paire de lunettes spéciales, remplacent les filtres polarisants en obturant alternativement l'œil droit puis l'œil gauche. La fonction d'obturateur de ces écrans est commandée par l'intermédiaire d'un système infrarouge, synchronisé avec le défilement du film pour devenir opaques ou transparents et ne démasque, pour chaque œil, que l'image qui lui est destinée. Par rapport aux filtres polarisés, ce procédé absorbe beaucoup moins de lumière puisqu'il n'y a plus de filtre devant le projecteur et que l'opacité de l'écran à cristaux liquide, lorsqu'il est transparent, est moindre que celle d'un filtre polarisant, absorbant au moins la moitié de la lumière incidente. Ce procédé, bien que plus onéreux, a remplacé dans de nombreux cas les lunettes à cristaux liquides.
La stéréoscopie sans lunettes.
En imbriquant les deux images sur l'écran, et en plaçant devant l'écran une grille qui masque pour l'œil droit les éléments de l'image « gauche » et vice versa, il est théoriquement possible de pratiquer la stéréoscopie sans imposer au spectateur le port de lunettes. (On peut aussi penser à des dispositifs lenticulaires, selon le principe des cartes postales en relief.) En fait, ces procédés se sont avérés très difficiles à mettre en œuvre : ils n'ont guère dépassé le stade des projections semi-expérimentales, et l'on ne voit pas qu'ils puissent déboucher sur une exploitation commerciale.
Limites de la stéréoscopie.
Dans la réalité, nous apprécions la distance des objets grâce à la complémentarité entre deux « informations » issues de la vision binoculaire : la convergence des axes visuels en direction de l'objet observé provoque un phénomène de parallaxe. Les deux images étant prises de deux points de vue différents, les perspectives sont différentes, elles ne sont donc pas identiques. La stéréoscopie nous fournit bien l'information de convergence, puisque les deux images de l'objet n'apparaissent pas au même point de l'écran, mais non l'information d'accommodation, puisque nous observons un écran à distance immuable. La stéréoscopie ne fournit ainsi qu'un relief « artificiel », et il est d'ailleurs bien possible que la fatigue visuelle ressentie à la projection d'un film stéréoscopique vienne précisément de ce qu'il n'y a plus cohérence entre les deux informations de convergence et d'accommodation reçues par le cerveau.
Ajoutons que nombreux sont les spectateurs n'ayant qu'une vision partiellement binoculaire (par déficience, plus ou moins prononcée, d'un œil) : l'apport spectaculaire des procédés 3D n'était pas à la hauteur de la lourdeur de leur mise en œuvre, et leur reflux rapide ne doit donc pas surprendre.
Si le cinéma commercial n'a jamais réellement débouché, la projection relief utilisant soit des lunettes polarisées, soit des lunettes à cristaux liquides, est surtout utilisée dans les parcs de loisirs ou les parcs à thème (Futuroscope).
L'holographie.
La photographie traditionnelle enregistre, en chaque point de l'image, l'intensité des rayons lumineux qui atteignent ce point. La technique de l'holographie revient en quelque sorte à enregistrer non seulement leur intensité, mais aussi leur phase Les hologrammes, c'est-à-dire les enregistrements photographiques ainsi obtenus, contiennent donc beaucoup plus d'« informations » qu'une photographie traditionnelle. Observés de façon appropriée, ils restituent cette information, et restituent à l'observateur l'ensemble des ondes lumineuses issues du sujet enregistré. Tout se passe pour l'observateur comme s'il se trouvait réellement devant ce sujet : s'il déplace la tête, il voit apparaître des parties du sujet préalablement cachées, ce qui est inconcevable en stéréoscopie.
Dès l'invention de l'holographie, on a imaginé la possibilité d'un cinéma en relief « intégral ». Initialement, cela paraissait relever de la prospective à long terme. La cinéholographie a fait l'objet de nombreuses recherches et en France comme à l'étranger, les résultats sont protégés.