Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MAMOULIAN (Rouben)

cinéaste américain d'origine géorgienne (Tiflis [auj. Tbilissi], Russie, 1898 - Woodland Hills, Ca., 1987).

Après une enfance parisienne, il fait ses études à Moscou, délaissant bientôt la criminologie pour le théâtre. Il dirige ensuite une compagnie à Tiflis et applique les principes de Stanislavski ; en 1920, il s'installe à Londres pour poursuivre ses études ; il y réalise en 1922 une mise en scène qui sera sa dernière concession au naturalisme.

Tout au long de sa carrière de metteur en scène de théâtre qui se poursuit aux États-Unis de 1923 à 1966, c'est une volonté de stylisation musicale, justifiée par une conception lyrique des situations, qui dominera les travaux de Mamoulian. Au cinéma, où son activité sera mesurée par son intransigeance, il mettra en œuvre des conceptions analogues. La séquence est l'unité esthétique de ses films. Elle s'organise selon un geste : la caresse de Garbo aux objets de sa chambre (la Reine Christine), selon un rythme : le balancement de la jambe de Miriam Hopkins (Dr. Jekyll et Mr. Hyde), selon une progression rhétorique : l'amplification d'un dialogue en chant unanimiste (Aimez-moi ce soir), ou même selon un pur refus d'expression : le visage immuable de Garbo à la fin de la Reine Christine.

Ces inventions font souvent un usage important, voire indiscret (les Carrefours de la ville), d'effets sonores, et Mamoulian, comme Clair, Vidor et Lubitsch, a considérablement aidé le cinéma à rester un art tout en devenant parlant. C'est d'ailleurs sa compétence théâtrale qui motive ses débuts et la première séquence d'Applause fait contraster de manière caractéristique le morcellement imaginatif du visible avec la continuité du son ; le même film emploie aussi un dialogue en contrepoint. On ne s'étonnera donc pas que la comédie musicale ait fourni à Mamoulian la matière la plus propre à recevoir ses trouvailles. Les enchaînements féeriques d'Aimez-moi ce soir, l'extrême liberté des mouvements d'appareil de Belle Jeunesse et l'exaltation d'un monde de fiction dans le pas de deux de la Belle de Moscou en donnent des exemples remarquables, tout comme le tissu poétique de telle séquence dans la Furie de l'or noir ou les idées ironiques du Joyeux Bandit. L'extrême attention portée par Mamoulian à la texture photographique de l'image — l'utilisation de la couleur dans Becky Sharp (adaptation de la Foire aux vanités, de Thackeray) en témoigne — lui permet aussi de conférer une véritable splendeur aux moments iconographiques forts de ses drames : la passion de la reine Christine, la transformation du docteur Jekyll, l'apparition de Zorro ou le romanesque espagnol d'Arènes sanglantes. Le mérite de ces passages tient non seulement au prestige de la figure mais à sa multiple valeur de suggestion.

En revanche, Mamoulian, trop exclusivement passionné par la positivité du visible, délaisse souvent la fonction narrative du film. Comme les arias de ces opéras qu'il a souvent portés à la scène, les séquences les plus savamment calculées de ses ouvrages cinématographiques cristallisent des motifs dramatiques aux dépens de leur dynamisme. C'est pourquoi les thèmes les plus convaincants sont ceux qui fixent un désir, en donnant au simulacre sa plénitude sensuelle : Jeanette MacDonald dans Aimez-moi ce soir et Cyd Charisse dans la Belle de Moscou, comme Greta Garbo dans la Reine Christine ou Miriam Hopkins dans Dr. Jekyll et Mr. Hyde sont ainsi qualifiées, avec une extraordinaire délicatesse, dans leur rapport avec leur costume et leur décor : comme objets, plutôt que comme personnages. De caractère entier et peu doué pour les compromis, Mamoulian s'est vu retirer, par les hiérarques d'Hollywood, la direction de Laura en 1944 (que tourna Preminger), de Porgy and Bess en 1958 (que réalisera à nouveau Preminger) et dut céder sa place à Mankiewicz sur le tournage de Cléopâtre en 1963.

Films  :

Applause (1930) ; les Carrefours de la ville (City Streets, 1931) ; le Docteur Jekyll et Mr. Hyde (Dr. Jekyll and Mr. Hyde, 1932) ; Aimez-moi ce soir (Love Me Tonight, id.) ; le Cantique des cantiques (Song of Songs, 1933) ; la Reine Christine (Queen Christina, id.) ; Résurrection (We Live Again, 1934) ; Becky Sharp (1935) ; le Joyeux Bandit (The Gay Desperado, 1936) ; la Furie de l'or noir (High, Wide and Handsome, 1937) ; l'Esclave aux mains d'or (Golden Boy, 1939) ; le Signe de Zorro (The Mark of Zorro, 1940) ; Arènes sanglantes (Blood and Sand, 1941) ; Qui perd gagne (Ring on Her Fingers, 1942) ; Belle Jeunesse (Summer Holiday, 1948) ; la Belle de Moscou (Silk Stockings, 1957).

MANCHETTES.

Parties latérales du film situées entre les perforations et le bord extérieur de la pellicule. Les numéros de bord ( PIÉTAGE) ou le son numérique SDDS sont inscrits en manchettes.

MANCINI (Henry)

compositeur et auteur de chansons américain (Cleveland, Ohio, 1924 - Los Angeles, Ca., 1994).

Pianiste et arrangeur chez Glenn Miller, il débute au cinéma à ce second titre pour Romance inachevée (A. Mann, 1954), écrit la chanson de La police était au rendez-vous (J. Pevney, 1956) et compose la partition de la Soif du Mal (O. Welles, 1958). Musicien brillant, charmeur et un tantinet ironique, il devra sa chance, après quelques films mineurs, à sa rencontre avec Blake Edwards (Diamants sur canapé, 1961). Il compose alors pour lui la partition de l'émission télévisée Peter Gunn (plus tard « extraite » pour le grand écran, 1967) et, surtout, celle de la Panthère rose (1964) et de ses suites, sans oublier les cartoons dont le motif d'introduction rend Mancini mondialement célèbre. Il a gagné deux Oscars, mais c'est comme auteur de chansons (Moon River dans Diamants sur canapé, et Days of Wine and Roses, du film de B. Edwards, 1963). Outre ses travaux avec Blake Edwards (la Party, 1968 ; Darling Lili, 1970 ; Elle, 1979 ; That's Life, 1986), il a signé d'entraînantes partitions pour Stanley Donen (Charade, 1963 ; Arabesque, 1966 ; Voyage à deux, 1967), pour Paul Newman (le Clan des irréductibles, 1971 ; la Ménagerie de verre, 1987), pour Ted Kotcheff (la Grande Cuisine, 1978), toujours aussi sophistiquées.