Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
K

KRˇSKA (Václav)

cinéaste tchécoslovaque (Písek 1900, Prague 1969).

Poète, écrivain, scénariste, il n'aborde le cinéma qu'à l'orée de sa quarantième année. Il participe en 1939 à la réalisation d'Un été de feu (Ohnivé léto) avec František Čap et à celle des Garçons sur la rivière (Kluci na řece, 1944) avec J. Slaviček. Le Fleuve enchanteur (Řeka čaruje, 1945) annonce un auteur lyrique attentif à la beauté de la nature et à la délicatesse des sentiments. Ses biographies romancées (celles du musicien Slavík, du peintre Aleš, de l'inventeur Božek, de l'écrivain Jirásek, du compositeur Smetana) sont baignées de lyrisme, tendance qui s'accompagne encore dans la Lune sur la rivière (Měsíc nad řekou, 1953) et la Brise argentée (Stříbrnˇy vítr, 1954). Krška après l'adaptation à l'écran de l'opéra Dalibor (1956) aborde un sujet contemporain : Hic sunt leones (Zde jsou lvi, 1960) mais des critiques violentes l'obligent à abandonner cette nouvelle direction. Il suit son chemin parallèlement à l'éclosion de la « nouvelle vague » et revient à ses thèmes favoris de la première période dans les Eaux printanières (Jarní vody, 1968).

KRÜGER (Eberhard, dit Hardy)

acteur allemand (Berlin 1928).

Il débute très jeune à l'écran, en 1943, mais c'est une dizaine d'années plus tard qu'il devient une vedette du cinéma allemand. Il tourne notamment dans Alibi (Alfred Weidenmann, 1955), Liane la sauvageonne (E. von Borsody, 1956), Avouez, docteur Korda (J.von Baky, 1958), Der Rest ist Schweigen, qui est une adaptation d'Hamlet (H. Käutner, 1959)... Sollicité par les studios britanniques, il travaille notamment sous la direction de Joseph Losey (l'Enquête de l'inspecteur Morgan, 1959). En France, il obtient un certain succès dans Un taxi pour Tobrouk (D. de La Patellière, 1961) et surtout dans les Dimanches de Ville-d'Avray de Serge Bourguignon (1962). Désormais vedette internationale, on le voit dans Hatari ! (H. Hawks, 1962), le Vol du Phœnix (R. Aldrich, 1966), le Franciscain de Bourges (C. Autant-Lara, 1968), la Tente rouge (M. Kalatozov, 1971). Il se consacre ensuite essentiellement à la production et à la réalisation de films sur l'Afrique et sa faune, destinés au marché de la télévision ; et on ne le reverra à l'écran qu'épisodiquement, par exemple dans Potato Fritz (P. Schamoni, 1975), Barry Lyndon (S. Kubrick, id.), Blue Fin (Carl Schultz, 1978, en Australie), The Inside Man (Tom Clegg, 1984).

KRUGER (Jules)

chef opérateur français (Strasbourg, Allemagne, 1891 - Clichy-la-Garenne 1959).

Technicien de talent de nombreux films, exerçant essentiellement durant la période qui a précédé la Seconde Guerre mondiale. Formé par Abel Gance, il fait preuve, avec Napoléon (1927), de grandes qualités esthétiques, et d'un sens de l'atmosphère qu'il affirmera tout au long de sa carrière. Fidèle à Julien Duvivier, il a collaboré à la Bandera (1935), la Belle Équipe (1936), Pépé le Moko (1937), la Charrette fantôme (1940), Untel père et fils (1945). On lui doit également les prises de vues de l'Argent (M. L'Herbier, 1929), la Fin du monde (A. Gance, 1931), les Croix de bois (R. Bernard, 1932), les Misérables (id., 1934), les Perles de la couronne (S. Guitry et Christian-Jaque, 1937), les Inconnus dans la maison (H. Decoin, 1942). Il a aussi travaillé en Grande-Bretagne : Vessel of Wrath (E. Pommer, 1938).

KRUGER (Otto)

acteur américain (Toledo, Ohio, 1885 - Los Angeles, Ca., 1974).

Après le classique apprentissage théâtral, il aborde le cinéma en 1923, mais doit attendre le parlant pour y travailler vraiment régulièrement. Il est alors, et reste jusqu'à la fin de sa carrière, un homme mince et élégant, entre deux âges, dont émanent noblesse et générosité, comme dans la Passagère (C. Brown, 1934), où il laissait Joan Crawford aimer Clark Gable et se retirait discrètement. Il a joué aussi les vieux sages, aveugles (Cinquième Colonne, A. Hitchcock, 1942) ou non (le Secret magnifique, D. Sirk, 1954), ou les canailles cyniques et immorales. Quand il se retire en 1964, après Vierge sur canapé (R. Quine), il est toujours le même, éternel, homme du monde plein de dignité.

KUBELKA (Peter)

cinéaste expérimental autrichien (Vienne 1934).

Un des principaux « ciné-artistes » européens de l'après-guerre, dont le rayonnement va assez tôt atteindre les États-Unis. Il commence par des études de musique et d'art à Vienne, puis de cinéma au Centro sperimentale de Rome. Son premier film, Mosaik im Vertrauen (1955), précède trois films « métriques », Adebar (1957), Schwechater (1958) et Arnulf Rainer (1958-1960), qui préfigurent le cinéma dit « structurel » de la fin des années 60 : leur structure est en effet calculée au photogramme près. Arnulf Rainer, alternance de photogrammes noirs ou blancs accompagnés ou non d'un son « blanc », est au cinéma ce que le carré blanc sur fond blanc de Malévitch est à la peinture.

Résultant d'un reportage de commande sur un safari en Afrique, Unsere Afrikareise (1961-1966) est en fait une construction musicale fondée sur les analogies et les contrastes des images et des sons.

Avec Pause (1977), l'œuvre de Kubelka ne dépasse pas en tout une heure. Elle a suffi à assurer la renommée d'un créateur qui, depuis 1966, donne de nombreux cours aux États-Unis et en Europe, et qui a organisé en 1976 à Paris l'exposition de films expérimentaux Une histoire du cinéma. Kubelka est cofondateur et codirecteur de la Cinémathèque de Vienne.

KUBRICK (Stanley)

cinéaste américain (New York, N. Y., 1928 - Childwickbury, Hertshire, Grande-Bretagne, 1999).

Il apparaît d'abord comme un héritier du film noir, dans la lignée de Lang, Siodmak ou Fuller. Le script serré, la lumière presque expressionniste de ses premiers longs métrages, et jusqu'à la singularité de l'entrepôt de mannequins où s'affrontent Jamie Smith et Frank Silvera dans le Baiser du tueur, justifient parfaitement l'opinion initiale qu'on se fait de Stanley Kubrick. On ne manquera pas, d'ailleurs, de découvrir, dans les œuvres à venir, des marques indubitables de cette violence expressionniste ou un peu baroque, de cette théâtralité de la mort - ne rappelons que l'assassinat de Quilty (Peter Sellers), dans Lolita, et les crimes d'Orange mécanique -, héritée peut-être d'une ascendance juive d'Europe centrale dont le cinéma américain s'est enrichi à partir de 1932. Mais Kubrick échappe très vite à l'enfermement dans un genre ; de plus, quel que soit celui auquel il se réfère - thriller, comédie de mœurs, péplum, science- (ou politique-) fiction -, il en subvertit les données et en détourne les fonctions selon les exigences de son propre imaginaire. En même temps qu'il applique à ses films une force créatrice capable de les arracher à toute orbe conventionnelle, il se libère lui-même de l'assujettissement aux grands studios. De fait, il a pratiqué un cinéma d'amateur (au niveau des moyens techniques et financiers), avec ses courts métrages, et même encore pour le Baiser du tueur (1955), avant d'engager une partie difficile mais sans concession avec les Majors. Il est un des premiers cinéastes américains des années 50 à avoir travaillé en marge et, à mesure que ses projets gagnaient en ambition, à avoir augmenté ses exigences. Ce qui a fini par paralyser aujourd'hui un Fleischer ou par compromettre l'indépendance (sinon la survie) d'un Coppola, Kubrick en a triomphé avec une extraordinaire obstination, un sens de la production inné (dans ses moindres détails comme dans ses plus larges perspectives). Lucas, par exemple, retiendra la leçon ; mais, ce qui ne s'apprend pas, c'est la puissance et l'originalité créatrices. On a contesté à Kubrick cette originalité, la notion même d'auteur, l'unité et l'authenticité de l'œuvre. On lui reproche ce dont on ne fait guère grief à tant d'autres : le recours à une œuvre littéraire (Lolita, de Nabokov ; 2001 : l'Odyssée de l'espace, de A. C. Clark ; Orange mécanique, de Burgess ; Barry Lyndon, de Thackeray.; Eyes Wide Shut d'après Arthur Schnitzler). Mais, surtout, il déconcerte et ne s'explique pas volontiers. Il semble pourtant qu'on puisse préférer, aux professions d'intentions, la richesse des œuvres : une douzaine de films a fait que Stanley Kubrick peut être considéré aujourd'hui comme un des cinéastes majeurs de la seconde moitié du siècle, quand bien même il cesserait demain de tourner.