Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

COULEURS (procédés de cinéma en). (suite)

Teintures et virages.

Le coloriage était relativement onéreux. (En 1906, quand on vendait encore les copies au mètre, les films coloriés se vendaient 3 F le mètre contre 2 F en noir et blanc.) On imagina donc d'autres moyens de procurer des effets colorés.

Une technique consistait à teinter uniformément l'image, soit par application uniforme de couleur sur le film, soit par l'emploi de films à support coloré dans la masse. (Vers 1930, Kodak proposait ainsi toutes sortes de supports teintés aux noms exotiques comme [en français dans le texte] : « fleur de lis », « nocturne », « caprice », « rose dorée », etc.) Par exemple, on teintait en bleu les scènes de nuit, en rouge les scènes d'incendie, etc.

Une autre technique faisait appel au virage, où l'image noir et blanc est convertie en image « couleur et blanc » par transformation chimique de l'argent en un sel d'argent coloré (sépia, bleu, vert, etc., selon la réaction chimique provoquée).

Teinture et virage (éventuellement combinés pour plus de raffinement) furent utilisés à grande échelle dans les années 20. Il était même exceptionnel qu'un film ne comportât pas une ou plusieurs séquences en couleurs, soit teintées ou virées, soit en couleurs « naturelles » par les procédés du genre Technicolor ou Prizma (voir plus loin). Avec l'apparition du parlant, qui apportait une tout autre dimension spectaculaire, les séquences teintées ou virées tombèrent en désuétude, même si l'on en trouve des exemples jusque dans les années 40, au profit des séquences en couleurs « naturelles », qui s'effacèrent elles-mêmes devant le tournage soit entièrement en noir et blanc, soit entièrement en couleurs. Certains films continuèrent d'employer l'alternance noir et blanc/couleurs, mais à des fins dramatiques : dans Bonjour tristesse (O. Preminger, 1958), le présent est en noir et blanc, les souvenirs en couleurs ; Nous nous sommes tant aimés (E. Scola, 1974) commence en noir et blanc et finit en couleurs, à l'instar de l'évolution du cinéma pendant la période évoquée ; le Magicien d'Oz (V. Fleming, 1939) alterne sépia et Technicolor selon que l'action se situe dans le réel ou dans le territoire d'Oz.

Si la teinture est aujourd'hui abandonnée, le tirage sur positif couleur, dans des conditions procurant l'impression visuelle d'un virage, d'un film tourné en noir et blanc est encore employé occasionnellement pour donner un cachet particulier à ce film. (Cf. Gervaise, R. Clément, 1956, ou la Traversée de Paris, Cl. Autant-Lara, id.)

Les procédés additifs.

Les procédés ci-dessus se limitaient à réaliser des effets colorés à partir d'un enregistrement noir et blanc. Parallèlement, des chercheurs s'employaient à enregistrer directement les couleurs « naturelles » de la scène filmée. Comme on ne disposait initialement que de films noir et blanc, les premières recherches s'orientèrent tout naturellement vers la synthèse additive des couleurs ( COULEUR).

Les procédés à images séparées.

Dès 1906, le Britannique Smith, associé par la suite à Urban, brevetait un procédé commercialisé en 1908 sous le nom de Kinemacolor. La caméra fonctionnait à 32 images/seconde, (le double de la cadence normale de l'époque) et, grâce à un filtre rotatif placé devant l'objectif, les images (noir et blanc) étaient enregistrées alternativement derrière un filtre rouge et un filtre vert. À la projection, on procédait de même : le spectateur observait donc, chaque seconde, 32 images alternativement rouges et vertes dont la synthèse s'opérait grâce à la persistance rétinienne. Malgré la fatigue visuelle due à cette synthèse alternée, malgré les franges colorées dues au déplacement du sujet entre l'enregistrement de deux images consécutives (parallaxe de temps), le Kinemacolor connut un assez vif succès, notamment en 1912 avec The Durbar of Delhi, reportage sur le couronnement du roi George V comme empereur des Indes. Deux ans plus tard, des querelles de brevets entraînèrent sa disparition.

D'autres procédés additifs bichromes apparurent ensuite, dont certains éliminaient la fatigue visuelle de Kinemacolor. Mais ils souffraient comme lui d'être seulement bichromes, et donc de ne restituer ( COULEUR) qu'une gamme très limitée de teintes. Nuit et Brouillard, d'Alain Resnais (1956), reproduit quelques plans d'un film 9, 5 mm tourné avec un procédé rustique, proposé aux amateurs dans l'entre-deux-guerres, basé sur le principe de la synthèse bichrome alternative.

Le premier procédé trichrome apparut en 1913 avec le Chronochrome Gaumont, ou encore Gaumontcolor. Une caméra spéciale, à trois objectifs munis de filtres rouge, vert et bleu, enregistrait simultanément trois images juxtaposées ; à la projection, on procédait en sens inverse, avec un projecteur spécial, lui aussi doté de trois objectifs munis de filtres. Si le Gaumontcolor restituait toutes les teintes, il était très délicat de superposer exactement les trois images sur l'écran ; en pratique, un compère installé près de l'écran devait retoucher en permanence le réglage des objectifs. De toute façon, il était impossible de réaliser cette superposition à la fois pour les premiers plans et pour les arrière-plans, puisque la prise de vues était effectuée par trois objectifs distincts, observant la scène sous trois angles distincts, d'où parallaxe d'espace. Exploité avant la guerre dans une salle parisienne et dans une salle new-yorkaise, le Gaumontcolor fut à nouveau exploité en 1919-20 au Gaumont-Palace de Paris (avec notamment un reportage sur le défilé de la Victoire du 14 juillet 1919), puis il disparut.

Les procédés ultérieurs de synthèse additive à images séparées éliminaient les deux défauts cités, en disposant le système séparateur à l'arrière de l'objectif d'où un point de vue unique et des images prises simultanément. On parvenait ainsi à inscrire côte à côte sur le film les « sélections » désirées. (On appelle sélection l'image noir et blanc enregistrée derrière un filtre « sélectionnant » telle ou telle couleur. À la projection, on procédait en sens inverse, un système optique assurait la superposition des trois images sur l'écran.