Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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MALDOROR (Sarah)

cinéaste française (Condom, France, 1939).

Après des études de théâtre et la participation à la création de la première troupe noire à Paris, « les Griots », Sarah Maldoror, d'origine guadeloupéenne, part étudier le cinéma à Moscou. Ses premières réalisations l'emmène vers l'Afrique, où elle tourne des films anti-colonialistes, très représentatifs du cinéma engagé des années 1970. Elle obtient dès 1969, avec Monagambée (CM), tourné en Algérie, le prix du meilleur réalisateur aux Journées cinématographiques de Carthage. Avec son premier long métrage, Des fusils pour Banta (1970), tourné en Guinée-Bissau, Sarah Maldoror prend le chemin du maquis et s'engage dans des productions difficiles, en marge des discours et des circuits officiels. Sambizanga (1972), tourné au Congo, lui vaut le Tanit d'or aux Journées cinématographiques de Carthage. Depuis lors, elle rencontre de grandes difficultés pour monter ses projets et n'a tourné qu'un troisième long métrage, en 1985 : le Passager du Tassili, une fois encore entre Paris et Alger. Inversant le cheminement habituel de la majorité des réalisateurs, elle s'est alors tournée vers le court métrage, et depuis près de trente ans, en a réalisé un grand nombre, beaucoup d'entre eux sur des thématiques sociales, littéraires, antillaises, voire les trois à la fois. Réalisé en 1995 en Guyane, Léon Gontran Damas, consacré à l'auteur du même nom, compagnon de route de Césaire et Senghor, s'est particulièrement distingué par la qualité de sa photographie en noir et blanc.

MALI.

Indépendante en 1960, la République du Mali crée dès 1962 un Office cinématographique national (OCINAM). Grâce à la coopération technique de la Yougoslavie, des actualités peuvent être tournées vers la fin de l'année suivante. Le parc des salles (trois en 1960) est peu à peu notablement augmenté et nationalisé, le Mali suivant en cela l'exemple de la Haute-Volta, sans parvenir cependant à desserrer l'étau des trusts franco-américains de distribution. En 1976, le pays, immense et rural, dispose de vingt-sept salles dont deux seulement ont une gestion privée. L'OCINAM, devenu, toujours sous tutelle du ministère de l'Information, le Centre national de production cinématographique (CNPC), produit des films éducatifs et, surtout, d'information touristique ou promotionnelle – et même un long métrage de fiction, C'est fini (A Banna, Kalifa Dienta, 1980). En fait, le cinéma malien est né dès 1971 avec deux moyens métrages : le Retour de Tieman, de Djibril Kouyaté, et Cinq Jours d'une vie, de Souleymane Cissé*. Ce dernier, en une douzaine d'années, se révèle un des meilleurs auteurs du cinéma africain noir, un cinéaste attachant, lucide et efficace (le Vent [Finyé], 1982 ; la Lumière [Yeelen], 1987; Waati, 1995). Alkaly Kaba, dans la Leçon (Wallanda, 1974), adaptation de son roman homonyme, puis avec Entre l'eau et le feu (Wamba, 1976), met en opposition monde et valeurs traditionnels et monde et dangers modernes, avec plus de naïveté que d'impact. Aux côtés des deux principales figures du cinéma malien que sont Souleymane Cissé et Cheick Oumar Sissoko (Nyamanton, 1987 ; Finzan, 1990 ; le Tyran, 1995 ; la Genèse, 1999), de nouveaux réalisateurs s'affirment et donnent toute sa vitalité à la production cinématographique de ce pays : Falaba Issa Traoré (Bamunan le pagne sacré, 1990), Adama Drabo (Ta Dona, 1991 ; Taafé Fanga, 1997), Mamo Cissé (Falato, 1989 ; Yelema, 1992 ; Yelema II, 1997) ou Abdoulaye Ascofaré (Faraw ! une mère des sables, 1997). Ces films jalonnent les étapes encore hésitantes de la production, entravée par le peu de moyens financiers et techniques et les embarras de la censure. Si de nombreuses répliques en français émaillent encore les dialogues, la langue bambara semble s'imposer peu à peu, au fil des nouvelles réalisations.

MALIAN (Guenrikh) [Genrih Surenovič Maljan]

cinéaste soviétique arménien (Telavi, Géorgie, 1925 - Erevan 1988).

Après avoir étudié à l'Institut théâtral d'Erevan, il débute comme réalisateur à la fin des années 50 (‘ les Gars de l'orchestre militaire ’ [Parni muzkomandy], 1960, CO G. Makarian). Il signe en 1963 ‘ la Route vers l'arène ’ (Put' na arenu, CO L. Isaakian) et en 1965 un épisode ('le Faux Mouchard') du film  ’Monsieur Jacques et les autres‘  (Mes'e Žak i drugie). Il se fait connaître d'une manière plus éclatante avec le Triangle (Treugol'nik, 1967), Nous et nos montagnes (My i naši gory, 1971),  ’Aïrik ’ /‘ le Père ’ (Ajrik, 1973), Naapet (id., 1977), Une gifle (Pochtchečina, 1980) et  ’Une goutte de miel‘  (Kaplja meda, TV, 1983), devenant l'un des metteurs en scène arméniens les plus réputés de sa génération, partagé entre le récit intimiste et la comédie haute en couleur.

MALICK (Terence)

scénariste et cinéaste américain (Waco, Tex., 1943).

Il collabore au New Yorker et enseigne la philosophie au MIT avant d'entrer à l'American Film Institute, où il signe un court métrage (Lanton Mills). Financé et réalisé dans des conditions précaires, la Balade sauvage (Badlands, 1974) révèle une sensibilité originale alliée à une maîtrise plastique exceptionnelle. Prenant à rebours l'angélisme hollywoodien, Malick déroule comme un conte de fées l'odyssée meurtrière d'un rebelle sans cause et de sa jeune compagne à travers le Middle West des années 50. Couple hors la loi mais conformiste, chimérique et terre à terre, innocent et monstrueux, que le cinéaste observe avec une ironie suave en se gardant de tout jugement moral comme de toute explication sociologique.

Il poursuit ses recherches photographiques et picturales dans les Moissons du ciel (Days of Heaven, 1978), admirable poème qui évoque tour à tour City Girl de F. W. Murnau, la Nuit du chasseur de Ch. Laughton et les toiles d'Edward Hopper ou Andrew Wyeth. Tourné dans les grandes plaines de l'Alberta en son Dolby et en lumière naturelle (particulièrement à l'heure « magique » entre chien et loup), le film oppose à la splendeur d'une faune et d'une nature vivantes les aspirations dérisoires de migrants échappés du ghetto industriel de Chicago. Saccagée par la folie des hommes, la prairie perdue figure l'Éden mythique. Comme dans la Balade sauvage, le commentaire off de l'héroïne, laconique, fataliste, délibérément décalé par rapport à l'action, tient les protagonistes à distance et impose à la fiction le registre poignant de l'illusion lyrique. Il faudra attendre vingt et un ans pour voir le troisième film de Terence Malick, la Ligne rouge (The Thin Red Line, 1998), longue période pendant laquelle il a pris ses distances et médité sur son art, tout en s'occupant de théâtre (il met en scène une adaptation de l'Intendant Sansho, en référence à Kenji Mizoguchi, autre influence cinématographique avouée de Malick). La Ligne rouge, tirée d'un roman de James Jones déjà adapté de manière quelconque par Andrew Marton en 1964, confirme pleinement la maîtrise des deux films précédents : on aura rarement vu un film de guerre aussi neuf, aussi désarçonnant. C'est, à travers une invention formelle somptueuse et torrentielle, l'aventure philosophique qui intéresse Malick, et non le corps à corps. Dans une démarche qui évoque Murnau, c'est l'éblouissement solaire, au sens plastique autant que moral, qui bouleverse les soldats et non une quelconque forme d'héroïsme. Le spectateur subjugué vit également cette aventure intérieure trois heures durant.