Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
I

INVENTION DU CINÉMA. (suite)

Quinze ans à peine après le Cinématographe, voici venu le temps de la légende.

Une invention collective.

Si quelques grandes figures comme Plateau, Stampfer, Muybridge, Marey, Edison, Dickson, Lumière, sans oublier Reynaud, émergent inévitablement lorsque l'on évoque l'invention du cinéma, nombreux furent les chercheurs qui apportèrent leur contribution à cette invention. À tous les noms cités au cours des paragraphes précédents, il faudrait ajouter bien d'autres noms : les Américains Eugene Lauste ou Edward H. Amet ; les Britanniques Birt Acres, Louis Aimé Le Prince, William Friese Greene, Wordswoth Donisthorpe ; en Allemagne, les frères Max et Emil Skladanowsky ; en France, Jules Dubosc, Auguste Baron, etc.

Par ailleurs, plusieurs pays peuvent faire état de démonstrations ou de projections publiques (Le Roy, Latham, Armat-Jenkins, Skladanowsky, etc.) antérieures aux premières séances publiques du cinématographe Lumière. Ces séances n'en constituèrent pas moins un événement capital, en raison de leur retentissement mondial. Si l'on veut « dater » la naissance du cinéma, on peut donc légitimement retenir le 28 décembre 1895. Encore faut-il être conscient que, si le Cinématographe fit sortir le cinéma de l'ère des pionniers, Edison ne joua pas un rôle moins important que les frères Lumière dans l'éclosion du 7e art.

INVERSIBLE, INVERSION.

Film inversible, développement inversible, synonyme de développement avec inversion des images (négatif/positif). Film inversible, film donnant directement sur la pellicule de prise de vues une image positive, de même nature que le sujet ou l'original (positif ou négatif) après un traitement par inversion : diapositives ou internégatif obtenu directement du négatif original sans établissement d'un interpositif.

Inversion gauche droite (ou droite gauche), inversion de mouvement, trucages de laboratoire ou réalisés en prise de vues directe provoquant une inversion du mouvement.

IOSSELIANI (Otar)

cinéaste géorgien (Tbilissi, Géorgie, 1934).

Il interrompt ses études musicales au conservatoire local, ainsi que sa formation scientifique à Moscou, pour entrer au VGIK, où il obtient son diplôme de réalisateur avec un court métrage, Avril (Aprel‘, 1961), qui ne sera pas distribué : il le qualifie de « conte moderne » et Jeanne Vronskaya écrit qu'on y voit deux personnes dont l'amour est détruit par le fait qu'elles deviennent esclaves des choses, parce que la routine quotidienne ruine les sentiments. Si le sens du film est conforme à cette appréciation, on peut déjà y lire, sous forme de parabole, l'une des constantes de la position intellectuelle du cinéaste, son souci de la qualité de la vie et des rapports humains : « S'asseoir autour d'une table, dire aux gens des choses agréables, boire et chanter ensemble, c'est ça, la culture », a-t-il déclaré. Cette volonté de sauvegarder et de pratiquer un certain art de vivre est caractéristique de son credo humaniste.

Après ce contretemps, il quitte provisoirement le cinéma puis y revient avec un court métrage, la Fonte (Čugun, 1965), tourné dans une fonderie et qui révèle un sens aigu de l'observation et une approche chaleureuse des individus : Georges Sadoul a été frappé à l'époque par « le ton personnel et neuf » qui « met l'accent sur les hommes (...) guettés par une caméra-œil attentive et pleine d'amour vrai ». On peut caractériser de la même façon les trois longs métrages de ce cinéaste qui considère Dovjenko comme son maître, filme la vie « sur le vif » comme Vertov et déclare que « tout est vrai » chez Vigo.

La Chute des feuilles (Listopad, 1967) marque sa révélation internationale : à travers les heurs et malheurs d'un timide employé de coopérative vinicole, il se livre à une mordante satire de la bureaucratie et du carriérisme et célèbre, avec tendresse et humour, les vertus de la vraie vie. Sa désinvolture et son refus de délivrer un « message » lui valent quelques ennuis avec les autorités mais il récidive avec Il était une fois un merle chanteur (Žil pevčij drozd, 1971), qui présente un « héros négatif » en la personne d'un musicien qui vit comme l'oiseau sur la branche et ne parvient pas à respecter les normes de la vie sociale. Ce conte moral, jugé trop peu édifiant en haut lieu, est interdit à l'exportation pendant plusieurs années, tout comme Pastorale (Pastoral ', 1976), qui poursuit dans la même veine réaliste et familière et pousse encore plus loin la dédramatisation en montrant des aspects de la vie quotidienne dans un village où séjournent des musiciens de la ville : le cadre social apparaît peu « positif » et le film ne propose rien d'exemplaire au spectateur, sinon ce qui ressemble à l'éducation sentimentale (et artistique) d'une jeune fille qui fréquente ces musiciens. Il faut apprécier cette ferveur discrète dans l'approche des êtres (« Si on aime les gens, on les enrichit »), ce naturel dans la description du quotidien (« Mon art doit être comme la vie »), cette rafraîchissante simplicité dans les images (du noir et blanc qui est comme une harmonie de gris). Il alterne documentaires : Euskadi (1982, sur le pays basque), Un petit monastère en Toscane (1988) et films de fiction : les Favoris de la lune, réalisé en France en 1984, un exercice de style plein d'humour, puis Et la lumière fut, parabole écologico-sociale, tourné en Afrique noire en 1989. En 1992, il signe la Chasse aux papillons, en 1994, un documentaire sur son pays natal : Seule, Géorgie, en 1997 Brigands, chapitre VII et en 1998 Adieu plancher des vaches où l'on retrouve la même image de marque du cinéaste, cette petite musique faussement nonchalante et cet humour plein de surprises parfois ironiques, parfois graves, qu'il distille depuis ses débuts dans des œuvres qui ne ressemblent à aucune autre.

IQUINO (Ignacio F.)

cinéaste et producteur espagnol (Valls, Tarragone, 1910 - Barcelone 1994).

Débutant en 1935, avec la reconstitution d'un fait divers spectaculaire (Al margen de la ley), il devient l'un des plus prolifiques réalisateurs et producteurs de l'après-guerre, avec des intérêts dans la distribution. Il tourne vite, avec peu de moyens et sans ambition, fréquentant tous les genres susceptibles de plaire au public péninsulaire : la comédie (El difunto es un vivo, 1941), le film policier (les Tueurs de Madrid [Brigada criminal], 1950), l'exaltation patriotique (El tambor del Bruch, 1948), le film religieux (El Judas, 1952), le film à protagoniste enfantin (El golfo que vió una estrella, 1953), l'espagnolade (Fuego en la sangre, 1953), puis ces sous-genres envahissants que sont les westerns spaghetti et les ersatz érotiques. Sa filmographie dépasse 75 mises en scène et comprend une cinquantaine de productions.