Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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JÉLIABOUJSKI (Youri) [Jurij Andreevič Željabužskij]

cinéaste soviétique (Tiflis [auj. Tbilissi, Géorgie] 1888 - Moscou 1955).

Élevé dans un milieu intellectuel et artistique (sa mère, Maria Fédorovna Andréiéva, célèbre actrice du Théâtre d'art, est l'amie intime de Gorki), il fréquente très jeune les leaders révolutionnaires. Il débute au cinéma en 1916 comme assistant d'Alexandre Volkov. Il filme des actualités durant la révolution de février 1917 et travaille ensuite dans diverses firmes privées comme scénariste et surtout comme opérateur. En 1918, il dirige le Collectif ouvrier et la production du studio Rouss avant même la nationalisation du cinéma. Après avoir collaboré à plus de vingt films, il est auteur complet en 1919, avec ‘la Petite Fille aux allumettes' (Devočka so spičkami). Polikouchka (Polikuška, 1922 ;  : 1919) de Sanine, dont Jéliaboujski signe les prises de vues tout en participant à la réalisation, salué par Lounatcharski, premier film soviétique vendu à l'étranger, est un gros succès. En 1919-20, Jéliaboujski tourne des agit-films d'éducation politique ou sociale, de vulgarisation scientifique ou technique. Il donne le meilleur de son œuvre de fiction entre 1924 et 1929, selon la « ligne tempérée », traditionaliste, « mi-soviétique mi-bourgeoise », du Mejrabpom-Rouss, également illustrée par Yakov Protazanov. Le mérite essentiel de Jéliaboujski est d'avoir introduit au cinéma le réalisme méthodique et introspectif du Théâtre d'art de Stanislavski. Dans Polikouchka, dans le Maître de poste, les créations d'Ivan Moskvine sont magistrales d'émotion et de vérité. En 1927, Jéliaboujski dirige les premiers dessins animés soviétiques. À l'arrivée du parlant, il retourne au documentaire. Il tourne pour l'armée pendant la Seconde Guerre mondiale et, la paix revenue, consacre ses films aux grands peintres soviétiques : Répine, Sourikov, Sérov. Il enseignait au VGIK depuis les années 30.

Films :

la Cigarière du Mosselprom (Papirosnica ot Mossel'prom, 1924) ; le Maître de poste (Kolležokij registrator, 1925) ; ‘la Victoire de la femme’ (Pobeda ženščiny, 1927) ; ‘Un homme est né’ (Čelovek rodilsja, 1928) ; ‘Défense d'entrer dans la ville‘ (V gorod vhodit ’nel'zja, 1929).

JENKINS (Charles Francis)

pionnier américain du cinéma (Dayton, Ohio, 1867 - Washington, D. C., 1934).

Intéressé dès le début des années 1890 par la synthèse du mouvement, il met au point en 1894-95, en association avec Armat, un des premiers projecteurs présentés en public. ( ARMAT.) Plus tard, Jenkins s'intéresse à la télévision. Auteur de nombreux brevets dans le domaine de l'image animée, il est à l'origine de la fondation de la SMPTE, dont il devient le premier président.

JENNINGS (Humphrey)

cinéaste britannique (Walberswick 1907 - île de Poros, Grèce, 1950).

Diplômé de Cambridge en 1929, ce fils d'architecte se révèle très tôt une des figures les plus riches, les plus brillantes de son milieu universitaire et du groupe d'écrivains et d'intellectuels qui écrivent dans Experiment. Le titre même de cette revue est comme une incitation : poète, peintre, décorateur de théâtre, Jennings prouve qu'il est curieux de tout, et bientôt du film en tant que matériau plastique ; il s'intéresse ainsi aux travaux du General Post Office Film Unit dès 1934, et John Grierson lui demande sa collaboration pour les effets de couleurs de Birth of a Robot (1936). Il est, avec David Gascoyne, l'un des introducteurs du surréalisme outre-Manche et subit en même temps l'infuence du mouvement idéologique Mass Observation. Le marxisme, moins comme théorie que comme révélateur des contradictions économiques et sociales, l'importance de l'ethnologie, la crise d'où l'Occident croit émerger contribuent à renforcer l'intérêt de Jennings pour le cinéma en tant que moyen d'observation, d'expression et d'analyse du monde, qu'il s'agisse du « temps libre » (Spare Time) ou d'une sorte de « portrait mosaïque » de l'âme anglaise, tel Family Portrait. L'ensemble de son œuvre (tournée entre 1939 et 1949), courts et moyens métrages, est consacré à la Grande-Bretagne en guerre, ou aux séquelles de celle-ci (en 1946, A Defeated People porte sur l'Allemagne détruite un regard d'où toute haine est absente, et bien près d'être fraternel). Le refus des conformismes, des idées générales, du documentaire comme illustration, caractérisent ces films qui, presque toujours, parviennent à renverser les principes du film de propagande : ils convainquent par l'expression lyrique ou tragique d'un matériau sélectionné, organisé, rythmé. Le plan est composé, l'ensemble soumis à une dynamique expressive. Jamais Jennings n'oublie qu'il est, d'abord, et peut-être avant tout, un peintre : c'est d'ailleurs ainsi que le ressentent plusieurs de ceux qui furent ses familiers. Encore qu'il n'ait pu tourner de longs métrages, le documentarisme britannique atteint avec Jennings à un niveau capable d'égaler Ruttmann, Flaherty ou Leni Riefensthal. Il meurt d'une chute du haut des falaises de Poros, en laissant une sorte de patchwork littéraire inachevé, qu'il avait intitulé Pandemonium. Ses amis gardent le souvenir fervent de « l'esprit le plus remarquable que nous ayons jamais rencontré » (Kathleen Raine). On regrette qu'il n'y ait plus de distribution de ses œuvres, d'autant que son influence n'est pas absente des films d'un Ken Loach, d'un Kevin Brownlow ou d'un Mike Leigh, voire de Bill Douglas.

Films 

Post Haste (1934) ; Locomotives (id.) ; The Birth of a Robot (1936) ; Penny Journey (1938) ; Spare Time (1939) ; Speaking From America (id.) ; The First Days / A City Prepares (CO : Harry Watt, Pat Jackson, id.) ; Her Last Trip / S. S. Ionian (id.) ; London Can Take It (CO : H. Watt, 1940) ; An Unrecorded Victory / Spring Offensive (id.) ; Welfare of the Workers (id.) ; The Heart of Britain (1941) ; Words For Battle (id.) ; Listen To Britain (CO : Stewart McAllister, id.) ; The Silent Village (1943) ; Fires Were Started / I Was a Fireman (id.) ; The True Story of Lilli Marlene (1944) ; The 80 Days (1945) ; A Diary For Timothy (id.) ; A Defeated People (1946) ; The Cumberland Story (1947) ; Dim Little Island (1949) ; Family Portrait (1950). N. B. Seul Fires Were Started atteint 60 min.