Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
E
E

EADY FUND.

Ministre adjoint des Finances en 1950, Sir Wilfred Eady a donné son nom à cette taxe parafiscale, perçue sur les billets vendus en Grande-Bretagne, et qui alimente un fonds d'aide au cinéma britannique, connu dès lors sous le nom de « Eady Fund » ou « Eady Money ». Les modalités de fonctionnement de ce fonds ont été constamment modifiées de 1950 à nos jours. Il intervient de trois manières : aide automatique aux films britanniques en proportion de leurs recettes ; aide sélective pour certains projets ; subventions.

EAGELS (Jeanne)

actrice américaine (Kansas City, Mo., 1890 - New York, N. Y., 1929).

Légende du théâtre (elle fut célèbre dans le rôle de Saddie Thompson de Rain d'après Somerset Maugham), c'est des baraques foraines qu'est issue cette star de Broadway. Jeanne Eagels a cependant peu tourné de films. Silhouette diaphane, belle, mais d'une maigreur tragique et poignante, déjà rongée par la drogue, qui la tuera, elle dégage dans la Lettre (The Letter, 1929), tournée, d'après Maugham, pour la Paramount par le Français Jean de Limur, une émotion qui dépasse le travail appliqué du réalisateur. Kim Novak l'incarna dans Un seul amour (G. Sidney, 1957).

Autres films 

Under False Colors (Van Dyke Brook, 1914) ; The World and the Woman (à la Biograph, 1916) ; Man, Woman and Sin (à la MGM, Monta Bell, 1927) ; Jalousie (Jealousy, J. de Limur, 1929).

EALING.

Célèbres studios de cinéma, situés dans la banlieue ouest de Londres. Bâtis au tout début des années 30 à l'initiative de Basil Dean, afin d'y tourner des films sonores pour sa compagnie Associated Talking Pictures, Ealing devient société de production et « marque de fabrique », à partir de 1938, sous la férule de Michael Balcon. Ce dernier forme une équipe de cinéastes (Walter Forde, Robert Stevenson, Penrose Tennyson, Charles Frend, Basil Dearden, Alberto Cavalcanti, Charles Crichton, Robert Hamer, Harry Watt, Henry Cornelius, Alexander Mackendrick, etc.) et de scénaristes (T. E. B. Clarke, William Rose, John Dighton, Sidney Gilliat) ; il s'attache des collaborateurs fidèles (Monja Danischewsky, Michael Relph), des comédiens qui ont déjà acquis une réputation nationale et internationale ou qu'il « découvre » (Will Hay, George Formby, Nova Pilbeam, Claude et Jack Hulbert, Jack Hawkins, Basil Radford, Joan Greenwood, James Robertson Justice, James Mason, Michael Redgrave, John Mills, Googie Withers, Stanley Holloway, Dirk Bogarde et bien sûr Alec Guinness). Balcon y invente un certain type de film britannique de qualité, où se côtoient psychologie, humour, réalisme et nationalisme discret. Tous les genres sont abordés à Ealing (une centaine de LM sont tournés en 17 ans) : films de guerre, policiers, films d'aventures ; mais ce sont les comédies Whisky à gogo (A. Mackendrick, 1949), Passeport pour Pimlico (H. Cornelius, id.), Noblesse oblige (R. Hamer, id.), Tueur de dames (Mackendrick, 1955) qui ont laissé le souvenir le plus marquant, celui des « Ealing comedies ». En 1955, la BBC achète Ealing. Une plaque est posée : « Ici, durant un quart de siècle, ont été créés de nombreux films illustrant la Grande-Bretagne et le caractère britannique. »

EASTMAN (George)

inventeur et industriel américain (Waterville, N.Y., 1854 - Rochester N.Y.,1932), fondateur de la firme Eastman Kodak.

Après une brève scolarité, il doit travailler très jeune. Employé de banque, il effectue des recherches pour perfectionner les plaques photographiques « sèches » au gélatino-bromure, qu'il commence à commercialiser en 1880. En 1884, il met au point les pellicules souples à support papier et lance avec un grand succès l'appareil Kodak. Il se tourne ensuite vers le support Celluloïd, et fabrique pour Edison et Dickson les films perforés qui assurent le fonctionnement du Kinetograph et du Kinetoscope. Jusqu'à la création, vers 1910, des usines Agfa et Pathé, Eastman détint le quasi-monopole mondial de la fabrication des films cinématographiques. (En 1924, Eastman rachète les usines Pathé.) C'est à la firme Eastman Kodak que l'on doit le 16 mm (1923), le 8 mm (1932), le Super 8 (1965) ainsi que divers procédés de cinéma en couleurs : Kodachrome, Kodacolor, Eastmancolor. ( COULEURS.) Eastman est également connu pour son œuvre philanthropique en faveur de l'enseignement, de l'histoire du cinéma et... de l'art dentaire.

EASTWOOD (Clint)

acteur et cinéaste américain (San Francisco, Ca., 1930).

Longtemps confiné dans des rôles mineurs par Universal, il est remarqué dans la série télévisée Rawhide (1959-1966), mais c'est en Europe, avec la trilogie westernienne de Sergio Leone (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, le Bon, la Brute et le Truand), qu'il s'impose comme « l'homme sans nom », mercenaire impassible et laconique appelé à jouer les anges exterminateurs. De retour aux États-Unis, il fonde en 1968 la Malpaso Company, qui produit la majorité de ses films. Attentif à donner leur chance aux nouveaux venus (le Canardeur, premier essai de Cimino, 1974) ou à ses assistants (James Fargo, Buddy Van Horn), il trouve, grâce à Don Siegel (Un shérif à New York, Sierra torride, les Proies, l'Inspecteur Harry, l'Évadé d'Alcatraz), un équilibre entre la surenchère irréaliste du « western spaghetti » et la précision sociologique du film de genre hollywoodien : individualiste forcené, jusque sous l'uniforme de la loi et de l'ordre, il révèle par sa violence les pulsions meurtrières d'un « système » aussi hypocrite que pourri. Il débute dans la mise en scène par un thriller original Un frisson dans la nuit (1971) et un western baroque qui est aussi une parabole fulgurante sur le pouvoir (l'Homme des hautes plaines, 1973), mais déroute son public, et ce ne sera pas la dernière fois, avec la romance délicate, tout en demi-teintes, de Breezy (1973). Après la Sanction (1975), qui dynamite par l'absurde les conventions du film d'espionnage, il tourne en dérision son image de « macho » invulnérable dans Josey Wales hors-la-loi (1976), l'Épreuve de force (1977) et Bronco Billy (1980). Il s'y situe résolument du côté des rêveurs, des perdants, des marginaux qui fuient dans l'imaginaire la déroute de toutes les valeurs. Puis il revient au film d'espionnage, cette fois antisoviétique, avec Firefox (1982) avant de tourner Honkytonk Man (1983), film d'initiation d'un adolescent (interprété par son fils Kyle) face à un oncle aventurier raté et chanteur de talent à l'agonie, que lui-même incarne. Il poursuit ensuite sa carrière de metteur en scène, producteur et acteur (le Retour de l'inspecteur Harry, 1983 ; Pale Rider, 1985) où l'on devine une ambition d'auteur de plus en plus affirmée tout en confortant auprès d'un public qui lui reste très fidèle lorsqu'il ne s'éloigne pas d'une image de marque stéréotypée sa présence « physique » : la Corde raide (Richard Tuggle, 1984) ; Haut les flingues (R. Benjamin, id.) ; la Dernière cible (Buddy Van Horn, 1988). Il réalise en 1988 Bird, évocation de la vie de Charlie Parker qui vaut à son interprète Forest Whitaker le Prix d'interprétation à Cannes, et en 1990 Chasseur blanc, cœur noir qui s'inspire d'un livre de Peter Viertel évoquant la figure complexe et ambiguë d'un réalisateur de cinéma, sosie d'un John Huston tournant African Queen. Mais la reconnaissance en tant que cinéaste (critique unanime, Oscars) lui vient avec Impitoyable, admirable western crépusculaire d'un classicisme épuré, où il trouve également l'un de ses meilleurs rôles. Par contre, il se met en retrait et laisse le rôle principal à Kevin Costner dans Un monde parfait : Eastwood cinéaste finit par dépasser les conventions d'un scénario habile mais prévisible pour créer quelques magnifiques visions (un cadavre souriant autour duquel tournoient des billets de banque). Depuis, même s'il alterne œuvres mineures et films-confessions plus personnels, sa qualité d'auteur ne fait plus de doute. Il atteint l'un des sommets de son inspiration avec Sur la route de Madison, transfiguration d'un roman de gare en mélo sublime, magnifiquement interprété par Meryl Streep et lui-même : il met en valeur son propre corps fatigué dans un mélange de complaisance masochiste et de tendresse qui obsède. Il ne joue plus dans Minuit dans le jardin du bien et du mal, intrigue policière à la fois perverse et magique (un passant y promène un chien invisible, une sorcière et un travesti troublant se baladent aux limites du vaudou) dont la séduction onirique n'est pas loin de certains chefs-d'œuvre du film noir (Laura, de O. Preminger). Apparemment plus destinés à ses admirateurs, les films suivants n'en restent pas moins émaillés de détails très personnels : le gentleman-cambrioleur esthète recopiant les chefs-d'œuvre de la peinture italienne de la Renaissance dans les Pleins pouvoirs, la course pour empêcher in extremis une exécution capitale dans Jugé coupable, ou la vision d'un cadavre abandonné dans l'espace à la fin de Space Cowboys.