Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
A

ANIMATION. (suite)

France.

Le Petit Soldat (1947), de Paul Grimault, d'un charme funambulesque et d'une irrévérence digne de son ami et scénariste Jacques Prévert, introduit dans le cinéma d'animation français le réalisme poétique et installe son réalisateur au rang international. Toujours avec Jacques Prévert, qui subvertit le conte d'Andersen, Paul Grimault se lance à partir de 1947 dans l'aventure du premier long-métrage de dessin animé en couleurs français, la Bergère et le Ramoneur. Le film est présenté en 1953 dans une version tronquée par son ancien associé André Sarrut. Paul Grimault la récuse et ne parvient à en donner la version définitive, le Roi et l'Oiseau, qu'en 1980. Le film devient, peu de temps après, un film-culte, toujours rediffusé depuis. Durant ces trente-cinq années de pérégrinations, Paul Grimault fonde un nouveau studio (1951) qui révèle une nouvelle génération de réalisateurs : Jacques Colombat, Jean-François Laguionie et Ihab Shaker (cinéaste égyptien). Parallèlement à l'activité de Paul Grimault se développent dans les années 50 et 60 d'autres initiatives. André Martin et Michel Boschet fondent un nouveau studio (1959), qui produit notamment la Joconde, d'Henri Gruel (1958). Le peintre Robert Lapoujade, admiré de Jean-Paul Sartre, aborde de manière originale l'animation à partir de 1960 (le Sourire vertical, 1972), ainsi que René Laloux, qui collabore peu de temps après avec le dessinateur Roland Topor. L'animation française, qui vit l'éclosion de petites unités de production artisanales et connaît un épanouissement stylistique, est riche aussi de plusieurs apports étrangers : Alexandre Alexeieff poursuit ses réalisations (le Nez, 1963), et les Polonais Walerian Borowczyk, Jan Lenica et Piotr Kamler ainsi que l'Américain Jules Engel entament une activité remarquée sur le territoire.

Italie.

Hormis les œuvres, en grande partie détruites par la guerre, du réalisateur abstrait, ami d'Henri Langlois, Luigi Veronesi, dont subsistent les Films no 4 et no 6 (1941), le cinéma d'animation italien connaît des tentatives timides avec le premier long métrage de dessin animé en couleurs, I Fratelli Dinamite, de Nino Pagot (1947) et auquel participe le futur créateur de la Linea, Osvaldo Cavandoli. Un second long métrage est réalisé par Anton Gino Domeneghi, la Rosa di Bagdad (1949). Tous deux tentent de s'éloigner des canons américains. Cependant une initiative de la télévision (la RAI), en inaugurant sa rubrique Carosello, va permettre l'émergence d'une génération de réalisateurs actifs.

Tchécoslovaquie.

Jiří Trnka, le père fondateur du cinéma d'animation tchèque, est à lui seul une symbolisation de l'évolution du cinéma d'animation après-guerre. Son itinéraire le prédestine à prendre sa place dans cet inventif concert. Peintre et décorateur, ayant étudié l'art des marionnettes, il fonde un studio d'animation dès 1945 et y réalise ses premiers dessins animés dont plusieurs précèdent le style épuré et moderne d'UPA. Mais, plus intéressé par les marionnettes, Jiří Trnka en définit en quelques années une scénographie très personnelle, référencée à l'héritage des peintures votives de Bohême du Sud. Ses récits lyriques et dramatiques, pantomimiques, où dominent les compositions originales de Václav Trojan, sont inspirés de contes populaires et de légendes classiques et font de ses mises en scène des chefs-d'œuvre de mouvements sculptés. Il réalise le premier long métrage de marionnettes animées en couleurs, l'Année tchèque (1947), avant d'être promu, par la nouvelle Démocratie populaire, directeur du studio nationalisé (jusqu'en 1965). Internationalement reconnu, Trnka impose un style et permet la réunion de multiples talents qui vont constituer l'« école tchèque » : Hermina Tyrlová, Jirí Brdecka, Zdenek Miler, Kámil Lhotak, Eduard Hofman... Ses disciples les plus connus sont Bretislav Pojar, qui perpétue la tradition de la marionnette animée, et Karel Zeman, dont l'invention est proche des premiers truquistes. En Slovaquie, le dessinateur et réalisateur Victor Kubal va jouer un rôle analogue à celui de Jiří Trnka.

URSS.

L'animation soviétique, très influencée par le Disney le plus académique, ne sort guère des fables édifiantes de style l'Antilope d'or ou la Reine des neiges, qui tiennent du livret de ballet officiel. Le Petit Cheval bossu (1947) — au texte totalement versifié —, d'Ivan Ivanov-Vano, devenu responsable du studio Soyouzdetmultfilm, rencontre un certain succès public.

Yougoslavie.

La Yougoslavie, terre de passage où existait une tradition de la caricature et dont le cinéma d'animation avait connu une première expression liée à l'école soviétique (années 20), doit la renaissance du genre à Fadil Hadzić. Directeur d'un périodique satirique, il réalise la Grande Rencontre (1949), moquerie politique, puis fonde, avec un appui gouvernemental, le studio de la Duga Film. Après des débuts tâtonnants, la Duga Film cède la place à partir de 1956 à Zagreb Film qui, pour des raisons économiques, encourage un principe d'animation limitée. Proches du style d'UPA, les premiers films du studio touchent un public international. Dušan Vukotić en réalise le premier, Un robot turbulent. Puis le journaliste et écrivain Vatroslav Mimica obtient le Prix du Festival de Venise avec l'Homme seul (1958). Enfin Vlado Kristl, exilé, rentre au pays et se joint à l'équipe avec qui il réalise notamment Peau de chagrin (1960). L'équipe réunie à Zagreb Film de 1957 à 1964 est connue sous le nom de « première école de Zagreb ». Son cinéma minimaliste annonce le tragique et l'incommunicabilité de la fin du siècle dans les Balkans.

Pologne.

Comme son histoire, le cinéma d'animation polonais est tourmenté depuis ses origines, qui sont toujours négligées : dès 1917, Féliks Kueskowski réalise le Flirt des chaises. Après-guerre, son principal protagoniste est le poète et réalisateur Zenon Wasilewski, qui fonde un studio et réalise le film de marionnettes À l'époque du roi Krakus (1947). Deux groupes émergent ensuite : le studio de Bielsko-Biala, spécialisé dans le dessin animé et le studio de Łodz, spécialisé dans la marionnette. Dans ce dernier, Wlodimierz Haupe et Halina Bielinska réalisent le premier long métrage polonais d'animation, Janosik (1954). La Pologne a surtout donné naissance à deux auteurs, Walerian Borowczyk et Jan Lenica, que leur amour pour le surréalisme a réunis pour Il était une fois (1957) et la Maison (1958), deux hommages à Miró et Max Ernst respectivement.