Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
K

KUNG-FU. (suite)

Toutefois, peu à peu au cours des années 80, les films qui échappent à la banalité et à la pauvreté de moyens deviennent de plus en plus rares au sein d'une production qui perd du terrain sur les marchés occidentaux. Les principaux auteurs et acteurs s'orientent vers des styles plus classiques comme le policier. Pratiquement seul Jackie Chan parvient à maintenir le genre en l'orientant vers la comédie. Cependant, son succès — et celui de Jet Lee aux États-Unis, notamment avec Rumble in the Bronx (Stanley Tong, 1995), qui fait de lui l'un des acteurs les plus connus dans le monde, prouve que le film de kung-fu n'a pas encore disparu. Si le genre est inéluctablement sur le déclin, il a influencé — et influence encore- profondément les cinémas occidentaux, comme le prouvent Matrix (Andy et Larry Wachowski, 1999), dont les scènes de combat sont chorégraphiées par Yuen Woo-ping, et le Pacte des loups (Christopher Gans, 2001).

Outre les films de Bruce Lee, citons : le Boxeur chinois (Wang Yu, 1970) ; la Rage du tigre (Chang Cheh, id.) ; l'Homme aux mains d'acier (Shaw Hao, 1972) ; la Main de fer (Cheng Chang Ho, 1973) ; Dragon rouge contre dragon noir (Hu Hsiao Tien, 1976) ; le Maître chinois (Yuen Woo-ping, 1978) ; les Démons du karaté (Liu Chia Liang, 1982) ; Police Story (Jackie Chan, 1985).

KURI (Yoji)

cinéaste d'animation japonais (Fukui 1928).

D'abord illustrateur et « cartoonist » dans de nombreux journaux et magazines, il publie son premier album en 1958. Il produit et réalise son premier dessin animé, Fashion, en 1960, puis fonde en 1961 sa compagnie indépendante, Kuri Jikken manga kobo, où il réalisera, par diverses techniques d'animation, toute une série de courts métrages remarqués pour leur férocité et leur sens de l'humour absurde, avec pour sujet essentiel la guerre des sexes : Love (1963), Aos (1964), la Chaise (Isu, id.), Samuraï (1965), les Œufs et Au fou ! (1966), la Salle de bains (1971), Parodie de Breughel (1975), Manga (1976), et maints autres. Il est également peintre, organisateur de « happenings », publicitaire pour la télévision, etc.

KURIHARA (Kisaburo, dit Thomas)

cinéaste japonais (préf. de Kanagawa 1885 - Tokyo 1926).

Afin d'aider sa famille, dont le père a fait faillite, il s'installe très tôt aux États-Unis, et s'inscrit dans une école d'acteurs de cinéma en 1912. Après avoir été figurant à l'Universal, il entre en 1913 à l'Oriental Productions de Thomas Ince, qui lui donne son nom d'artiste (« Thomas »). Il tient alors de véritables rôles avec ses confrères Sesshu [Sessue] Hayakawa, Yutaka Abe ou Frank Tokunaga (la Mer de feu, 1918). Frappé de maladie, il retourne au Japon en 1920 et devient metteur en scène à la Cie Taikatsu, avec le Club des amateurs (Amachua Kurabu), et la Séduction du serpent (Jasei no in), d'après Akinari Ueda. À cause de ses problèmes de santé, il tourne relativement peu de films mais forme de nombreux élèves, dont le réalisateur Tomu Uchida et l'acteur Tokihiko Okada. Il meurt à 41 ans.

KURNITZ (Harry)

scénariste américain (Philadelphie, Ca., 1909 - Los Angeles, Ca., 1968).

Appelé à Hollywood pour adapter son roman Fast Company (E. Buzzell, 1938), il s'y installe et enchaîne les projets. Il obtient un énorme succès avec See Here Private Hargrove (W. Ruggles, 1944), comédie militaire assez fine, bien menée par Robert Walker. Il continue à faire la navette entre Broadway et Hollywood, perdant un peu son temps et son talent en comédies parfois essoufflées (Comment voler un million de dollars ? W. Wyler, 1966), alors que le passé avait prouvé que la noirceur ne lui réussissait pas mal (The Web, M. Gordon, 1947 ; Témoin à charge, B. Wilder, 1958).

KUROSAWA (Akira)

cinéaste japonais (Tokyo 1910 - id. 1998).

Dernier fils d'une famille de sept enfants issue d'une authentique lignée de samouraïs, Akira Kurosawa, encore très jeune, est marqué par le suicide d'un de ses frères, Heigo, qui consacre ainsi sa révolte contre le père. Il termine ses études secondaires, puis s'inscrit dans une école de beaux-arts de Tokyo, l'académie Dushuka. Il y étudie surtout la peinture, classique et moderne, dont l'influence sera primordiale dans son œuvre (il dessinera d'ailleurs presque toujours les plans de ses films, notamment pour Kagemusha et Ran). Il pense alors faire une carrière de peintre, mais, en 1936, à la suite d'une annonce, il passe un concours aux studios PCL (qui allaient être absorbés par la Toho immédiatement après), et devient assistant réalisateur de Kajiro Yamamoto, tout en écrivant des scénarios pour d'autres réalisateurs de la Toho. En 1941, il travaille avec Yamamoto pour le film les Chevaux (Uma), dont il réalise lui-même certaines séquences en extérieurs. Il tourne ses premiers films en pleine guerre avec la Légende du Grand Judo (1943), qui, malgré certaines tendances nationalistes, fut amputé par la censure de plusieurs séquences jugées « trop sentimentales ». La séquence finale, un combat de judo à peine entrevu dans les hautes herbes battues par le vent, demeurera célèbre. Après le Plus Beau (1944), où l'auteur faisait preuve d'un regard personnel sur un sujet de commande (l'attitude morale d'ouvrières dans une usine d'optique de guerre), et une suite à son premier film, la Nouvelle Légende du Grand Judo (1945), Kurosawa adapte, avec des moyens très réduits, une pièce du répertoire kabuki et kyogen, les Hommes qui marchent sur la queue du tigre (id.), dont les séquences de la forêt préfigurent celles de Rashomon. Le premier film où Kurosawa exprime véritablement ses idées, et un sens généreux de l'humanisme, est Je ne regrette rien de ma jeunesse / Rien à regretter de ma jeunesse (1946), où l'actrice Setsuko Hara fait une composition remarquable en épouse fidèle aux idéaux de son mari jugé comme espion pendant la guerre : on y trouve déjà ce sens du rythme et du montage court qui marquera les films suivants. Après un mélodrame lyrique tourné dans le Tokyo d'après-guerre, Un merveilleux dimanche (1947), il réalise l'Ange ivre (1948), où, dans les bas-fonds de Tokyo, s'affrontent un « bon » médecin alcoolique (Takashi Shimura) et un « mauvais » gangster atteint de tuberculose (Toshiro Mifune) qu'il soigne contre sa volonté, sur fond de corruption. C'est le véritable début de la célèbre collaboration Kurosawa-Mifune, ce dernier volant la vedette à Takashi Shimura. Il le retrouvera dans presque tous les films de Kurosawa, jusqu'à Barberousse (1965). Dans Chien enragé (1949), Mifune incarne un policier cherchant à retrouver son pistolet volé, et l'on a comparé ce film au Voleur de bicyclette de De Sica. Mais c'est surtout pour le cinéaste l'occasion de peindre un tableau de Tokyo après la guerre, pendant un été torride, tout en imposant sa maîtrise technique (le combat final, comme celui de l'Ange ivre). Mifune devient alors l'acteur fétiche de Kurosawa et atteint à la célébrité en interprétant le rôle du bandit Tajomaru dans Rashomon (1950), film charnière de l'œuvre de l'auteur, qui remporte de façon inattendue le Lion d'or de la Mostra de Venise en 1951. Adapté de deux nouvelles de l'écrivain Ryunosuke Akutagawa, le film, construit en flash-back successifs, propose une vision pirandellienne du monde, où chaque personnage, y compris le mari mort, donne sa version des événements dans une affaire de viol située dans le Japon médiéval. La virtuosité de l'opérateur Kazuo Miyagawa et les audaces du montage n'y sont que les instruments d'une conception éthique résumée à la fin par un bonze reprenant espoir dans l'humanité après avoir trouvé un enfant abandonné sous la porte de Rasho (qui donne son titre original au film). En outre, le public occidental y découvrait, à part Mifune, certains des plus grands acteurs japonais de l'époque : Machiko Kyo, Masayuki Mori, et Takashi Shimura dans le rôle du bûcheron.