Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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TCHKHEIDZÉ (Revaz [Rezo]) [Revaz Davidovič Čheidze]

cinéaste soviétique (Kutasi, Géorgie, 1926).

Il étudie, en compagnie de Tenguiz Abouladze, le métier d'acteur à l'Institut d'art dramatique de Tbilissi, de 1943 à 1946, avant de partir pour Moscou suivre les cours du VGIK dans la classe de Youtkevitch et de Romm. Il en sort diplômé en 1953 et débute comme metteur en scène en cosignant avec Abouladze l'Âne de Magdana (Lurdža Magdany, 1955). L'un comme l'autre deviendront les principaux artisans du renouveau du cinéma géorgien au cours des années 50. Tchkheidzé réalise successivement : ‘ Dans notre cour ’ (Naš dvor, 1956), ‘ Maïa de Tskhneti ’ (Majja iz Chneti, 1960), ‘ le Trésor ’ (Klad, 1961), ‘ la Voie des mers ’ (Morskaja tropa, 1963), le Père du soldat (Otec soldata, 1964), ‘ Notre jeunesse ’ (Nu i molodëz‘ , 1969), ‘ les Plants/les Arbustes ’ (Sažency, 1973), ‘ Terre, voici ton fils ’ (Tvoj syn, zemlja, 1980), Don Quichotte (Don Kihot, TV, 1988). ▲

TCHOUKHRAÏ (Grigori) [Grigorij Naumovič Čuhraj]

cinéaste soviétique (Melitopol, Ukraine, 1921).

Il sort diplômé du VGIK (classes de Youtkevitch et de Romm) en 1953. Son coup d'essai est déjà un coup de maître : le Quarante et Unième (Sorok pervyj, 1956, prix spécial à Cannes en 1957 pour « son scénario original, sa qualité humaine et sa grandeur romanesque ») est un poème lyrique d'amour et de mort (déjà tourné par Protazanov en 1927), marqué par le romantisme sentimental et plastique qui va être un trait caractéristique de la première partie de son œuvre. La Ballade du soldat (Balada o soldate, 1959, prix Lénine, également primé à Cannes) est une description épique, mais antihéroïque, des malheurs de la guerre. Dans Ciel pur (Čistoe nebo, 1961), il dresse un amer et courageux réquisitoire contre les préjugés en vigueur durant la période stalinienne à l'encontre des anciens prisonniers de guerre, accusés de lâcheté devant l'ennemi. Il était une fois un vieux et une vieille (Žilibyli starik so staruhoj, 1965), malgré une certaine sentimentalité, est une sensible et émouvante étude psychologique. Il change de genre avec la Mémoire (Pamjat ', 1970), où il se livre à une quête en direct, parmi les gens de divers pays, des souvenirs laissés, trente ans après, par la bataille de Stalingrad. ‘ Le marécage ’ (Trjasina, 1977) et ‘ La vie est belle ’ (Žizn prekrasna, 1980, en coproduction italienne) semblent avoir été des échecs qui l'ont conduit à un certain éloignement de la mise en scène. Depuis 1965, il a dirigé et animé un Studio expérimental, créé dans le cadre de Mosfilm et qui a donné naissance à une intéressante vague de films de débutants. Il a également réalisé un documentaire à la mémoire de Mark Donskoï, Je vous apprends à rêver (Ja nauču vas mečtat‘ , 1985). ▲

TCHOURIKOVA (Inna) [Inna Mihajlovna Čurikova]

actrice soviétique (Belebeï, Bachkirie, 1943).

Elle campe dans quelques films des silhouettes malicieuses (Je m'balade dans Moscou, G. Danelia, 1963) ou excentriques (Trente-Trois, id., 1966), interprète des rôles de composition dans des pièces de théâtre pour enfants, lorsqu'elle est remarquée par le cinéaste Gleb Panfilov qui lui offre le rôle de Tatya Tetkina dans Pas de gué dans le feu (1968). Devenue l'épouse du réalisateur elle apparaîtra désormais dans tous ses films, passant avec une déconcertante aisance de la naïveté courageuse à l'autorité inflexible. Les journalistes occidentaux la comparent à Anna Magnani ou à Giulietta Massina en référence à un visage mobile, expressif, peu soucieux de singer les canons de la beauté standardisée, mais en fait Inna Tchourikova ne ressemble qu'à elle-même. À la fois rêveuse, fragile, faussement désarmée, brûlante d'émotion et de tendresse, elle s'impose dans le Début (1970), Je demande la parole (1975), le Thème (1979), Valentina (1981), Vassa (1982), la Mère (1990), tous de Panfilov, Romance du front (P. Todorovski, 1984), la Côte d'Adam (Rebro Adama, Viatcheslav Krichtofovitch, 1991), l'Année du chien (God sobaki, Semion Aronovich, 1994) et Riaba, ma poule (A. Mikhalkov-Kontchalovski, id.) comme une actrice extrêmement originale, capable de séduire même lorsqu'elle n'a pas le rôle le plus flatteur et d'imposer à tous ses partenaires un jeu très précis, très intériorisé, en un mot passionnel.

TÉCHINÉ (André)

cinéaste français (Valence-d'Agen 1943).

Venu au cinéma par la cinéphilie et la critique, il tourne une œuvre marginale et ambitieuse, Paulina s'en va, construite autour de l'image de la comédienne Bulle Ogier. Réalisé en 1969 et présenté la même année au festival de Venise, ce premier film n'est sorti qu'en 1975, trop tard. Entre-temps, Téchiné s'était orienté vers des structures plus traditionnelles, romanesques, enrichies ou alourdies de références aux genres et aux auteurs dont il s'était nourri : empreinte de Brecht (Souvenirs d'en France), de l'expressionnisme (Barocco) ou du roman noir (Hôtel des Amériques). Les films de Téchiné sont alors élégants, contemporains sinon mondains (il a donné un petit rôle à Roland Barthes dans les Sœurs Brontë), mais il leur manque peut-être la marque d'une vraie personnalité. Bon directeur d'actrices (Jeanne Moreau, Isabelle Adjani, Isabelle Huppert, Catherine Deneuve), sans doute demeure-t-il homme de goût et de culture plus que créateur d'univers. Curieusement, c'est dans un moyen métrage pauvre, la Matiouette ou l'Arrière-Pays, réalisé pour la télévision dans un bourg du Sud-Ouest, que la sensibilité de l'auteur affleure avec une fraîcheur, une évidence cette fois incontestables. En 1985, il obtient le prix de la mise en scène au festival de Cannes pour Rendez-vous. La même violence âpre et lyrique, soutenue par une brillante mise en scène, inspire ses films suivants qui l'imposent au seuil des années 90 comme l'un des metteurs en scène français les plus opiniâtres à suivre un itinéraire obsessionnel, un cinéaste qui n'hésite pas à s'aventurer sur des terrains jusqu'alors peu défrichés tout en gardant une grande élégance narrative dans la facture de ses films, ce qui lui permet de conquérir le grand public comme les critiques (en 1994, les Roseaux sauvages remporteront à la fois le prix Louis-Delluc et le César du meilleur film).