Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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FEYDER (Jacques Frédérix, dit Jacques)

cinéaste français d'origine belge (Ixelles 1885 - Prangins, Suisse, 1948).

Sa famille — d'officiers, d'écrivains, de peintres — le destinait à la carrière militaire. Il s'y essaie sans conviction, échoue, change de nom et opte pour le théâtre. Il y rencontrera Françoise Rosay. Au cinéma, dès 1912, il est figurant puis acteur pour Méliès, Jasset, Feuillade, Gaston Ravel. Ce dernier patronne ses débuts de réalisateur chez Gaumont, en 1915. Entre 1915 et 1917, Feyder tourne quinze films généralement comiques, dont trois à partir de scénarios de Tristan Bernard, « bâclés en quinze jours, dit-il, à grandes journées de quinze heures où l'on mettait la main à tout ». Juillet 1917 : il épouse Françoise Rosay ; fin 1917, il est mobilisé dans l'armée belge. 1918 -début 1919, théâtre aux armées. Libéré, Feyder inaugure son œuvre véritable avec une comédie de court métrage, la Faute d'orthographe (1919), riche d'humour et déjà de subtilités d'écriture visuelle. Elle passe inaperçue. Vingt mois plus tard, cependant, c'est la gloire internationale. L' Atlantide (1921), certes, bénéficie de l'énorme succès du livre de Pierre Benoit, mais elle n'en est pas indigne. Ses images sahariennes exhalent la même magie documentaire que Flaherty vient de révéler avec Nanouk, et, par un étonnant mélange de « modern style » et de « sécession », Feyder confère une crédibilité saisissante aux rêveries ironico-fantastiques du roman. Crainquebille (1923), qui suit l'Atlantide, établit définitivement le réalisme de Feyder, « réalisme psychologique étayé sur une croyance obstinée dans la réalité du monde extérieur » (Grémillon). Paris y est saisi à vif, comme il l'était chez Feuillade, et la vérité des caractères, des sentiments, restituée par la fraîcheur de l'interprétation autant que par l'intelligence de la transposition visuelle. Ainsi Feyder s'affirme-t-il d'emblée pour ce qu'il sera tout au long de sa carrière : le continuateur, l'artisan d'une certaine tradition française faite de rigueur classique, d'amour du concret, d'intérêt non formaliste pour les recherches formelles. Ainsi nomme-t-il Visages d'enfants (1923-1925) un film que d'autres, plus immodestes, auraient baptisé « Âmes d'enfants ». Celui-ci n'est pas achevé quand la firme Vita, de Vienne, engage Feyder comme directeur artistique de ses studios nouvellement équipés. En Autriche, mais aussi en Hongrie, il tourne l'Image d'après un scénario original de Jules Romains. La firme autrichienne fait faillite. Feyder termine Visages d'enfants et revient travailler en France. Gribiche (1926), qui donne la vedette à Françoise Rosay, est de la veine de la Faute d'orthographe, populisme et (grâce à Lazare Meerson) arts déco en plus. Il annonce les Nouveaux Messieurs (1928-29) et sa satire (aimable) de la bourgeoisie française. Après Carmen (1926), qui vaut surtout par la force émotionnelle de ses décors (réels ou reconstitués), le cinéaste réalise à Berlin une Thérèse Raquin (1928) saluée comme un chef-d'œuvre d'atmosphère, de style plastique et de réalisme. Le film, qui marquera un Marcel Carné, est perdu. 1928 : Feyder est naturalisé français. Il établit pour Jean Grémillon le scénario et le découpage de Gardiens de phare. 1929 : quand sortent les Nouveaux Messieurs, retardés par la censure, la crise du parlant est ouverte. Feyder accepte l'offre de tourner à Hollywood. La MGM lui confie le dernier film muet de Greta Garbo (le Baiser, 1929), puis les versions allemande et suédoise de son premier parlant (Anna Christie, de Clarence Brown), enfin quelques films ou versions étrangères sans relief. Déçu, il revient à Paris (août 1931). Deux années encore de déboires, et il produit, coup sur coup, trois œuvres magistrales : le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1935), la Kermesse héroïque (id.). Le triomphe mérité de la troisième — film d'histoire, de peinture, de culture — éclipse injustement la richesse et la profondeur des deux autres, par lesquelles Feyder ouvre la voie à ce qui sera bientôt le « réalisme poétique » français. À ce courant, qu'il a inventé, il n'apportera malheureusement plus rien. Le Chevalier sans armure amorce son déclin, dès 1937. Le monde de Feyder, qu'on a dit à bon escient « pirandellien », est dominé par l'ambivalence des êtres, des sentiments, des lieux mêmes. L'enracinement y est difficile ou impossible (lui-même a tourné dans douze pays ; quinze de ses films — sur 22 — ont été produits hors de France). Le désert, les énormes solitudes y exaltent l'amour qu'en même temps ils interdisent (on le voit dans l'Atlantide, l'Image, le Grand Jeu, la Loi du Nord). Le même fait, la même personne, le même attachement deviennent plusieurs faits, plusieurs personnes, plusieurs attachements dissemblables. Le personnage le plus souvent interprété par Françoise Rosay en est le meilleur exemple, chez qui l'amour maternel n'est jamais donné, « naturel », mais toujours conquis plus ou moins bien, sur l'amour tout court.

Films  :

le Ravin sans fond (CO R. Bernard, 1918) ; la Faute d'orthographe (1919) ; l'Atlantide (1921) ; Crainquebille (1923) ; Visages d'enfants (SUI, 1923-1925) ; l'Image (Das Bildnis, AUT, 1923-1925) ; Gribiche (1926) ; Carmen (id.) ; Thérèse Raquin (Du sollst nicht ehebrechen, ALL, 1928) ; les Nouveaux Messieurs (1928-29) ; le Baiser (The Kiss, US, 1929) ; Si l'Empereur savait ça (id., 1930) ; Fils de Radjah (Son of India, id., 1931) ; Daybreak (id., id.) ; le Grand Jeu (1934) ; Pension Mimosas (1935) ; la Kermesse héroïque (id.) ; le Chevalier sans armure (Knight Without Armour ; GB, 1937) ; Fahrendes Volk (1938, ALL., et sa version franç. : les Gens du voyage, id.) ; la Loi du Nord, la Piste du Nord (1942, 1939) ; Une femme disparaît (SUI, 1942) ; Macadam (CO Marcel Blistène, 1946).

FIELD (Alice Fille, dite Alice)

actrice française (Alger 1905 - Paris 1969).

On la voit dans Villa Destin (M. L'Herbier, 1921), dans Visages voilés, âmes closes (H. Roussell, 1924), mais le talent de cette actrice, aussi douée pour la comédie que pour le drame, ne parvient jamais à s'épanouir que dans des films sans grand intérêt. Elle est trépidante dans Théodore et Cie (P. Colombier, 1933), garce dans Cette vieille canaille (A. Litvak, id.) et Campement 13 (A. Constant, 1940) ; elle débite beaucoup de théâtre filmé et l'après-guerre ne l'utilise plus que dans des rôles secondaires (Au p'tit zouave, G. Grangier, 1950).