Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SURRÉALISME.

Mouvement littéraire, le surréalisme est né en France sur un terreau préparé par d'autres avant-gardes qui l'avaient de peu précédé – en particulier Dada*. Attitude de jeunes poètes et de peintres, mouvement organisé autour de revues et structuré jusqu'au plan politique autour d'André Breton, le surréalisme a réfléchi sur le cinéma au-delà de comportements non conformistes et du goût prononcé de Breton, Aragon, Soupault et Desnos pour les films burlesques et les feuilletons. Si le cinéma surréaliste au sens strict ne comprend qu'un petit nombre d'œuvres, plusieurs personnalités qui ont marqué le cinéma ont participé aux activités du groupe autour de 1930 (Buñuel en premier lieu, mais aussi Prévert et ses proches) ou ont été influencées par cette approche : Jean Vigo, Jean Painlevé, Georges Franju et bien d'autres, plus tard et dans de nombreux pays.

Contestant les avant-gardes formalistes de leur époque (Epstein, L'Herbier, Chomette, Gance), attirés par les potentialités du cinéma bien plus que par ses réalités, les surréalistes ont publié de nombreux scénarios qui n'ont jamais été tournés (sauf – cas exceptionnel – deux textes de Philippe Soupault en Allemagne par Walter Ruttmann). Ce sont les peintres issus de Dada qui sont passés à l'acte les premiers : en France, Picabia avec René Clair, Man Ray et, en Allemagne, Hans Richter. Le premier film authentiquement surréaliste aux yeux des experts est la Coquille et le Clergyman, réalisé par Germaine Dulac d'après Antonin Artaud, celui qui avait écrit : « Si le cinéma n'est pas fait pour traduire les rêves, le cinéma n'existe pas. » Les surréalistes, prenant la défense d'Artaud face aux écarts de la réalisatrice (qui, il est vrai, avait introduit quelques tics de l'avant-garde formelle honnie), sabotèrent la première projection et condamnèrent le film pour longtemps.

Un chien andalou, qui doit autant – comme on l'a découvert par la suite – au vigoureux non-conformisme du groupe d'étudiants madrilènes dont faisaient partie Buñuel et Dalí qu'à l'influence directe du surréalisme parisien, a été considéré d'emblée comme le film porte-drapeau des aspirations du groupe, qui ensuite élevèrent au rang de chef-d'œuvre de l'« amour fou » et de la subversion l'Âge d'or du même Buñuel. Cet essai percutant avait été financé par un aristocrate mécène, Charles de Noailles, qui avait déjà permis la réalisation du Mystère du château de dés, tourné par Man Ray avec les membres du groupe dans sa villa construite à Hyères par l'architecte Mallet-Stevens. Noailles finança ensuite – avant la crise qui faillit le ruiner – le premier film de Cocteau : le Sang d'un poète, qui, malgré les dénégations, fait des emprunts évidents au surréalisme, ce qui lui valut les ricanements de ceux qui, déjà, détestaient son auteur.

Le cinéma surréaliste a connu des prolongements épars dans plusieurs œuvres (celle de Richter, par exemple, avec Rêves à vendre, celle de Henri Storck, celle de Franju jusque dans certains de ses longs métrages, celle de Resnais, etc.) et dans plusieurs contrées, notamment la Belgique (le pays du peintre Paul Delvaux et du cinéaste André Delvaux, du peintre René Magritte, dont on possède plusieurs synopsis, et de l'écrivain Marcel Mariën, qui réalise en 1960 l'Imitation du cinéma), à Prague où se réunissait malgré le régime un groupe surréaliste autour de Jan Švankmajer, dans plusieurs pays d'Amérique latine, sans oublier les États-Unis...

Si, dans la fiction, l'influence du surréalisme, consciente ou inconsciente, est toujours vivante, et son héritage, complexe –, car non fossilisé, il a entretenu des rapports très précis avec le documentaire, comme l'a bien souligné Buñuel dès 1932 en réalisant Terre sans pain. Jean Painlevé, qui a fréquenté les surréalistes en même temps que les laboratoires scientifiques, en offre une autre preuve, confirmée par certains essais d'Henri Storck ou de Luc De Heusch et les courts métrages les plus célèbres de Franju, le Sang des bêtes et Hôtel des Invalides.

SURTEES (Bruce)

chef opérateur américain (Los Angeles, Ca., 1937).

Fils d'un autre grand chef opérateur, Robert L. Surtees, Bruce Surtees est surtout lié à Don Siegel (les Proies, 1971 ; l'Inspecteur Harry, id. ; le Dernier des géants, 1976 ; l'Évadé d'Alcatraz, 1979) et à Clint Eastwood (Un frisson dans la nuit, 1971 ; Josey Wales hors-la-loi, 1976 ; Honkytonk Man, 1982 ; Pale Rider, 1985) à qui il a apporté son aisance à manier l'écran large et les longues focales. Sa photo, qui fait la part belle aux extérieurs de nature, laisse sourdre la menace dans le lointain, derrière la beauté élégiaque qui s'installe au premier plan. Il obtient un Oscar pour l'image en noir et blanc de Lenny (B. Fosse, 1984). Depuis qu'il s'est séparé d'Eastwood en 1985, il semble moins actif et peu sollicité par les productions de prestige.

SURTEES (Robert)

chef opérateur américain (Covington, Ky., 1906 - Carmel, Ca., 1985).

C'est à la MGM, pendant les années 40 et 50, que Robert Surtees s'est affirmé comme un maître aussi bien du noir et blanc (les Ensorcelés, V. Minnelli, 1952) que de la couleur (Mogambo, J. Ford, 1953). Sa photo est claire et ses couleurs bien tranchées, comme dans les Girls (G. Cukor, 1957). Dans les années 60 et 70, il atténue sa palette, obtenant de remarquables effets de pastels (Un été 42, R. Mulligan, 1971 ; les Cow-boys, M. Rydell, 1972 ; l'Autre, Mulligan, id.) et excellant dans les reconstitutions d'époque (l'Arnaque, G. Roy Hill, 1973 ; la Kermesse des aigles, id., 1975). Il a obtenu trois Oscars pour les Mines du roi Salomon (Compton Bennett et A. Marton, 1950), les Ensorcelés (Minnelli, 1952) et Ben Hur (W. Wyler, 1959). Son fils, Bruce Surtees, est également chef opérateur.

SURVAGE (Leopold Friedrich Sturzwage, dit)

peintre français d'origine russe (Moscou, Russie, 1879 - Paris, France, 1968).

Étudiant aux Beaux-Arts de Moscou, il découvre Matisse et vient s'installer en 1908 à Paris. Il a très vite, l'un des premiers, l'idée d'une peinture animée, « analogue » à la musique. Entre 1912 et 1914, il peint 104 des « 1 000 ou 2 000 » images abstraites nécessaires au film qu'il projette. Apollinaire, enthousiaste, publie dans les Soirées de Paris (juillet-août 1914) son manifeste le Rythme coloré, mais la guerre décourage Gaumont de donner suite au projet.