Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
V

VAN DYKE (Woodbridge Strong Van Dyke II, dit W.S.) (suite)

Parallèlement, il s'affirme comme un réalisateur d'une rapidité exceptionnelle, surnommé « One Shot Woody » (Woody une prise) en raison de sa propension à ne faire qu'une prise par plan. Il se spécialisa dans les tournages difficiles (le Trafiquant Horn [Trader Horn], 1930) et devint le « docteur » le plus souvent appelé au chevet de films malades. Inconnu du générique, il donne à plus d'une œuvre défaillante la cohésion et le rythme qui lui manquaient. Car Van Dyke, alors peu soucieux des sujets qu'il filme, est un conteur hors pair, vif, alerte, traçant son personnage d'un trait sûr, menant son intrigue avec une clarté exemplaire et, toujours, technicien et plasticien remarquable (sa collaboration avec l'opérateur Clyde De Vinna sera particulièrement fructueuse). Presque tous ses films présentent de l'intérêt ; et tous procurent le plaisir qui naît de l'efficacité, et de la « vérité » propre au conteur. Qu'il s'agisse d'ailleurs de policiers nerveux (le Cas de l'avocat Durand [Penthouse], 1933 ; l'Ennemi public no 1 [Manhattan Melodrama], 1934), parfois colorés de comédie (l'Introuvable [The Thin Man], 1934 ; Nick, gentleman détective [After the Thin Man], 1936), de fantaisies nuancées (Jours heureux [Hide-Out], 1934 ; Souvent femme varie [Forsaking All Others], id.) ou trépidantes (Loufoque et compagnie [Love on the Run], 1936), de mélodrames intimistes (On lui donna un fusil [They Gave Him a Gun], 1937) ou spectaculaires (San Francisco, 1936), de splendides reconstitutions historiques (Marie-Antoinette, 1938), etc. Sa finesse, sa vivacité ont plus d'une fois décapé un produit figé par le système du studio. Sans jamais avoir signé de très grands films, il n'en a jamais raté un seul. Il s'est avéré irremplaçable et, à sa mort, c'est toute une conception du cinéma qui disparaît avec lui.

VANECK (Pierre)

acteur français (Lang Son, Indochine [auj. Viêt-nam], 1931).

Sa première apparition cinématographique dans Marianne de ma jeunesse (J. Duvivier, 1955) fixe immédiatement son image de jeune premier romantique. Image contre laquelle il essaie de lutter, d'abord dans Celui qui doit mourir (J. Dassin, 1957), ensuite dans des réalisations de Pierre Kast (la Morte-Saison des amours, 1961) ou Carlos Vilardebo (les Îles enchantées, 1966), qui remportent des succès d'estime. En dépit de sa participation à des œuvres comme les Amours célèbres (M. Boisrond, 1961) ou Paris brûle-t-il ? (R. Clément, 1966), Pierre Vaneck prend peu à peu ses distances à l'égard du cinéma : l'Ironie du sort (É. Molinaro, 1973), l'Année des méduses (Christopher Frank, 1984), Sweet Country (M. Cacoyannis, 1987), Comme au ciel (Svo á jördu sem á himni, Kristin Jóhannesdóttir, 1992), Vent d'est (R. Enrico, 1993).

VAN EFFENTERRE (Bertrand)

cinéaste et producteur français (1946).

Il fut l'assistant de Jean Eustache, Jacques Rivette et Alain Tanner. Comme eux, il est devenu un auteur exigeant dont l'œuvre n'a malheureusement pas rencontré l'accueil qu'elle mérite auprès du public. Erica Minor (1974), le premier film de cet excellent portraitiste, met en scène trois figures de femmmes, représentatives de la génération d'après 68. Le deuxième, Mais où est donc Ornicar ? (1978), également interprété par Brigitte Fossey, s'inscrit dans la même lignée et témoigne des mêmes préoccupations stylistiques et thématiques. L'échec public de ces deux films et des deux suivants (le Bâtard, 1983, adapté d'Erskine Caldwell ; Côté cœur, côté jardin, 1984) semble avoir donné un sérieux coup de frein à la carrière de Van Effenterre. Devenu producteur, il n'abandonne pourtant pas la mise en scène et signe en 1990 Tumultes, pénétrante étude psychologique d'un huis clos familial, et Poisson-lune en 1993. Scénariste de ses films et notamment de Mes petites amoureuses (J. Eustache, 1974), il est également producteur au-delà de ses propres travaux : Biquefarre (G. Rouquier, 1984), Double messieurs (J.-F. Stévenin, 1985), Histoires d'Amérique (Ch. Akermann, 1988), Après la tempête (Joele Van Effenterre, 2001).

VANEL (Charles)

acteur français (Rennes 1892 - Cannes 1989).

Au palmarès du cinéma français, il vient en tête pour la longévité, sa carrière ayant commencé en 1912, dans un film de Robert Péguy (qui signait alors Marcel Robert) : Jim Crow. Il avait débuté au théâtre en 1908 avec le regret de ne pouvoir devenir marin. Son amour pour la mer explique peut-être sa présence dans certains films d'intérêt variable : Pêcheurs d'Islande (J. de Baroncelli, 1924), Nitchevo (id., 1926), Feu ! (id., 1927), le Passager (id., 1928), la Femme du bout du monde (J. Epstein, id.), l'Or du Cristobal (Jacques Becker et Jean Stelli, 1940), le Bateau à soupe (Maurice Gleize, 1947). Ayant affiné son jeu au temps du muet, installé sur l'écran sa solide présence et bénéficié des enseignements que la société Albatros, composée de Russes blancs, lui dispensait au hasard de films tels que l'Enfant du carnaval (I. Mosjoukine, 1921), la Maison du mystère (A. Volkov, 1922) ou la Proie du vent (R. Clair, 1927), Vanel va, au cours de ses 70 ans de cinéma, faire preuve d'une éblouissante diversité dans le choix et la composition de ses rôles. Éclectisme qui s'appuie paradoxalement sur ses dons de sobriété, voire d'impassibilité : son apparence monolithique est démentie par l'éclat de l'œil où se concentre la vie intense de son personnage. Il arrive ainsi, à un âge avancé, à animer des statues émouvantes que surmonte son visage minéral, crevassé de mille rides, mais où l'œil brille toujours. Ainsi, les années le voient tour à tour grand bourgeois (l'Assaut, Pierre-Jean Ducis, 1936 ; Courrier Sud, P. Billon, 1937 ; Abus de confiance, H. Decoin, id. ; Carrefour, K. Bernhardt, 1938 ; les Roquevillard, J. Dréville, 1943), paysan (la Nuit merveilleuse, J.-P. Paulin, 1940 ; la Ferme du pendu, Dréville, 1945), ouvrier au chômage (la Belle Équipe, J. Duvivier, 1936), policier de tous les temps et de tous les pays (les Misérables, R. Bernard, 1934 ; la Loi du Nord, Feyder, 1942 ; la Main au collet, A. Hitchcock, 1955 ; les Diaboliques, Clouzot, id. ; Le Gorille vous salue bien et la Valse du Gorille, Bernard Borderie, 1958 et 1959), truand minable ou de haut vol (la Flamme, R. Hervil, 1925 [dont il reprendra le rôle en 1936 sous la direction de Berthomieu] ; Paname n'est pas Paris, Malikoff, 1927 ; Faubourg Montmartre, R. Bernard, 1931 ; le Grand Jeu, Feyder, 1934 ; Les affaires sont les affaires, Dréville, 1942 ; le Salaire de la peur, H.-G. Clouzot, 1953). Il exalte le sacrifice des combattants de 14 (les Croix de bois, Bernard, 1932), vante les vertus du colonialisme (S. O. S. Sahara, Baroncelli, 1938 ; Légions d'honneur, Gleize, id.), s'installe avec aisance parmi les réminiscences de la Russie des tsars (Michel Strogoff, Baroncelli, 1935 ; les Bateliers de la Volga, Wladimir Strijewski, 1936 ; Troïka sur la piste blanche, Dréville, 1937 ; la Brigade sauvage, L'Herbier et Dréville, 1939). Le petit monde de l'aviation, enfin, lui procure deux de ses plus émouvantes créations (l'Équipage, A. Litvak, 1935 ; Le ciel est à vous, Grémillon, 1944). En Allemagne, il incarne Napoléon dans Waterloo (Karl Grune, 1928) et tourne avec Waschneck. De 1948 à 1950, il part pour l'Italie le temps d'une demi-douzaine de films au nombre desquels Au nom de la loi (P. Germi, 1949). Il y retourne pour la Steppa (A. Lattuada, 1962) ; la Plus Belle Soirée de ma vie (E. Scola, 1972) et pour les deux films de Rosi : Cadavres exquis et les Trois Frères, qui lui permettent de camper, avec un extraordinaire naturel, Vanel tel qu'en lui-même — et pourtant, dans chacun de ces rôles, il est autre. En France, il est l'interprète de Gréville (Le diable souffle, 1947), Guitry (Si Versailles m'était conté, 1954), Clouzot (le Salaire de la peur, 1953 ; les Diaboliques, 1954 ; la Vérité, 1960), Duvivier (l'Affaire Maurizius, 1954), Buñuel (la Mort en ce jardin, 1956), Chenal (Rafles sur la ville, 1958), Melville (l'Aîné des Ferchaux, 1963), Leterrier (Un roi sans divertissement, id.), Rouffio (Sept Morts sur ordonnance, 1975), Chabrol (Alice ou la Dernière Fugue, 1977), Patricia Moraz (le Chemin perdu, 1980), Mocky (les Saisons du plaisir, 1988). Dans Si le soleil ne revenait pas (C. Goretta, 1987), il incarne avec panache un vieux rebouteux et prophète de malheur. Ce sera l'une des dernières apparitions à l'écran d'une des plus solides gloires du cinéma français. À deux reprises, à la fin du muet et au début du parlant, il abordera le métier de réalisateur, qui le fascine, et tourne Dans la nuit (1929), histoire cruelle, et Au coin joli (1932), adaptation d'une pièce jouée au Grand-Guignol qui reparaîtra en 1935 sous un titre nouveau : le Coup de minuit.