Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
C

COMÉDIE MUSICALE. (suite)

Elle conserve une importance particulière en raison de sa fécondité et de sa cohérence. Il est impossible de comprendre les habitudes narratives de Hollywood sans réfléchir sur le jeu du récit et du spectacle qui s'y dessine. Sur les fonctions significatives et esthétiques du corps et du geste, son témoignage est irremplaçable. Dans l'utilisation du costume et du décor au cinéma, son mérite consiste à avoir dépassé de manière révélatrice les exigences du fonctionnement narratif. Son histoire, enfin, est prodigieusement riche en variations sur les rapports du mouvement humain et de la caméra, de l'espace cinématographique et de la topographie référentielle, du corps et du décor. De plus, la comédie musicale hollywoodienne a su développer un unique esprit : l'éloge du libre exercice humain la conduit à une défense de l'individualité, mais surtout à exiger de la personne une pleine manifestation dans le spectacle, dût-il déborder les limites d'un caractère. Voilà une frivolité qui n'a rien à voir avec l'insignifiance.

COMENCINI (Luigi)

cinéaste italien (Salò 1916).

Pendant qu'il poursuit des études d'architecture au Politecnico de Milan (il sera diplômé en 1939), Comencini s'intéresse déjà au cinéma : avec Lattuada et un autre ami, Mario Ferreri, il recueille de vieux films et crée une collection privée qui sera à l'origine de la Cinémathèque italienne. Il donne aussi des critiques de cinéma dans la revue Corrente (de 1938 à 1940) et dans l'hebdomadaire Tempo illustrato (de 1939 à 1940). En 1942, il est l'assistant de Perilli pour La prima donna. Après la guerre, tout en n'abandonnant pas le journalisme, Comencini commence à réaliser des courts métrages, notamment Bambini in città (1946), qui obtient le prix du meilleur film de l'année. En 1947, il entreprend le tournage de son premier long métrage, De nouveaux hommes sont nés (Proibito rubare, 1949), sur l'enfance délinquante à Naples. Auteur de plus d'une trentaine de films, Comencini a longtemps fait figure de cinéaste de seconde catégorie à l'éclectisme suspect ; ce n'est que dans les années 70 que l'on a commencé à reconnaître son importance et à souligner la grande cohérence qui caractérise son œuvre, mis à part un certain nombre de films qu'il a réalisés en acceptant clairement les contraintes du marché. Après une série de films mineurs d'où émergent les sombres Volets clos (Persiane chiuse, 1951) et la Traite des Blanches (La tratta delle bianche, 1952), les souriants Pain, amour et fantaisie (Pane, amore e fantasia, 1953) et Pain, amour et jalousie (Pane, amore e gelosia, 1954) et, surtout, le délicat et profond Tu es mon fils (La finestra sul Luna Park, 1957), Comencini réalise au début des années 60 plusieurs films majeurs : la Grande Pagaille (Tutti a casa, 1960), sans doute la plus lucide analyse des événements tragiques de l'été 1943 qu'ait donnée le cinéma italien ; À cheval sur le tigre (A cavallo della tigre, 1961) ; Il commissario (1962) ; la Ragazza (La ragazza di Bube, 1963). Ces quatre films, chacun à sa manière, proposent une analyse pénétrante et lucide de la société italienne à divers moments de son évolution historique. Après quelques œuvres commerciales, Comencini retrouve en 1967 sa veine la meilleure avec l'Incompris (Incompreso), un drame de l'enfance d'une grande sensibilité. Pleinement maître de ses moyens, il tourne alors une série de films qui sont autant de réussites : Senza sapere niente di lei (1969), Casanova, un adolescent à Venise (Infanzia, vocazione e prime esperienze di Giacomo Casanova veneziano, id.), les Aventures de Pinocchio (Pinocchio, 1972), l'Argent de la vieille (Lo scopone scientifico, id.), Un vrai crime d'amour (Delitto d'amore, 1974), Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? (Mio Dio come sono caduta in basso ?, id.), le Grand Embouteillage (L'ingorgo, una storia impossibile, 1979), Eugenio (Voltati Eugenio, 1980). Comencini réalise également pour la télévision deux grandes enquêtes, I bambini e noi (1970) et L'amore in Italia (1978), deux enquêtes qui sont, pour ainsi dire, les matériaux de base que le cinéaste exploitera dans les films de fiction qu'il tournera par la suite. Avec les années, la démarche de Comencini s'est faite de plus en plus pessimiste et, si des films comme la Femme du dimanche (La donna della domenica, 1975) et Qui a tué le chat ? (Il gatto, 1977) peuvent égarer l'analyse, le Grand Embouteillage et Eugenio remettent les choses en perspective : Comencini est un moraliste amer qui pose sur la condition humaine un regard profondément désenchanté ; peu de cinéastes ont aussi fortement souligné le profond désarroi de la société contemporaine. Dans une œuvre d'une lucidité exemplaire, les films sur l'enfance reviennent comme un leitmotiv depuis La finestra sul Luna park ; ils marquent parfois la volonté de ne pas perdre tout espoir. Il faut porter aussi au crédit du cinéaste le constant souci de signer des films qui puissent intéresser le public et, quelle que puisse être la gravité de leur propos, une incitation à réfléchir à partir d'un spectacle attrayant.

Autres films :

L'imperatore di Capri (1949) ; Heidi / Son tornata per te (1953) ; La valigia dei sogni (1954) ; la Belle de Rome (La bella di Roma, 1955) ; Mariti in città (1957) ; Mogli pericolose (1958) ; Und das am Montagmorgen (1959) ; Le sorprese dell'amore (id.) ; Tre notti d'amore (épisode Fatebenefratelli, 1964) ; La mia signora (épisode Eritrea, id.) ; les Poupées (Le bambole, épisode Il trattato di eugenetica, 1965) ; Don Camillo en Russie (Il compagno Don Camillo, id.) ; le Partage de Catherine / Une fille qui mène une vie de garçon (La bugiarda, id.) ; Les Russes ne boiront pas de Coca-Cola (Italian Secret Service, 1968) ; la Fiancée de l'évêque (Quelle strane occasioni, un épisode, 1977) ; l'Imposteur (Cercasi Gesù, 1982) ; le Mariage de Catherine (Il matrimonio di Caterina, id.), Cuore (1984) ; La storia (1986) ; Un garçon de Calabre (Un ragazzo di Calabria, 1987) ; la Bohême (1988) ; Joyeux Noël, bonne année (Buon natale, buon anno, 1989) ; Tenero è il tramonto (1990) ; Marcellino (Marcellino pane e vino, 1991).▲