Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
N

NOIR AMÉRICAIN (cinéma). (suite)

Le cinéma indépendant noir renaît dans les années 60 et 70 sous l'effet de la politisation de la communauté. Il est beaucoup plus radical que son prédécesseur. Deux hommes popularisent ce « mouvement » hors des frontières américaines : Melvin Van Peebles (la Permission, 1968 ; Sweet Sweetback's Baaadasssss Song, 1971) et Bill Gunn (Ganga and Hess, 1973). À New York, l'ex-acteur William Greaves développe une véritable école de cinéma direct (Still a Brother, 1967 ; Ali the Fighter, 1971). Entre 1968 et 1970, Greaves devient le producteur exécutif du Black Journal, une émission mensuelle de télévision conçue et réalisée par des Noirs, produite par la National Education Television (NET) et relayée par quelque deux cents stations. De très nombreux techniciens et futurs cinéastes se forment là. Citons, parmi les plus doués de la nouvelle génération, Warrington Hudlin (Street Corner Stories, 1977 ; Colour, 1982).

D'autres réalisateurs comme Larry Clark (Passing Through, 1977) ou Charles Burnett (Killer of Sheep, 1977 ; My Brother's Wedding, 1983), établis en Californie, travaillent plus la fiction. Larry Clark et Haïlé Gerima (un Éthiopien émigré aux États-Unis) utilisent avec brio les sonorités de la musique de jazz, mêlent allégorie et lyrisme à des éléments documentaires, travaillent à même le support pour transformer le rendu des couleurs. On dénombre aujourd'hui environ deux cents cinéastes indépendants disséminés dans le pays, tournant pour la plupart en 16 mm voire en super-8 en majorité des courts ou des moyens métrages. Deux grandes tendances clivent ces groupes : le « Roots Movement », qui prône un ressourcement dans la culture et les valeurs africaines (I and I, the Wind of Change, Ben Calwell, 1977 ; One, Pamela Jones, 1978), et le « cinéma du ghetto », qui crée des fictions du quotidien (les œuvres de Charles Burnett ; Joe's Bed-Stuy Barbershop : We Cut Heads [1983], Nola Darling n'en fait qu'à sa tête [1986], Do the Right Thing [1989] de Spike Lee* ; et Bless Their Little Hearts, de Billy Woodberry, 1983). Haïlé Gerima, auteur de Child of Resistance (1972), Bush Mama (1975), Ashes and Embers (1982) sur le sol américain, réussit, de par ses origines africaines, à fondre ces deux tendances dans ses créations. On note, ces dernières années, un fort afflux de femmes cinéastes : Pamela Jones, Julie Dash, Sharon Larkin, Caroll Blue. Certaines d'entre elles accèdent au long métrage : Michelle Parkerson (But Then, She Is Betty Carter, 1980), Debra Robinson et, surtout, Kathleen Collins (The Cruz Brothers and Miss Malloy, 1980 ; Losing Ground, 1982). Un nouveau venu, Charles Lane, dans Side Walk Stories (1989), se souvient avec une ironie malicieuse et beaucoup de poésie des charmes du burlesque des années 20.

La maîtrise des grands médias étant problématique, les cinéastes indépendants noirs diffusent eux-mêmes leurs films dans les bibliothèques, les festivals, les campus universitaires... Des organismes spécifiques de distribution existent : African Film Society (San Francisco), Black Film Institute (Washington), Black Filmmaker Foundation (New York). Le financement de ces œuvres se fait, entre autres, par l'intermédiaire des fondations : National Art Endowment, Council of Arts par exemple. Au début des années 90 on note un fort développement du cinéma noir américain qui aborde de front les problèmes des ghettos, du racisme et de la violence. Parmi les cinéastes les plus talentueux on citera Spike Lee, Mario Van Peebles, (New Jack City, 1991), John Singleton (Boys'N the Hood, id.).

NOIRET (Philippe)

acteur français (Lille 1931).

Ses débuts au cinéma dans la Pointe courte (A. Varda, 1956) ont fait l'effet d'un accident dans une carrière jusque-là consacrée au théâtre (TNP) et au cabaret (avec Jean-Pierre Darras). Cinq ans plus tard, Philippe Noiret a commencé à promener sa silhouette faussement bonhomme dans tous les horizons du cinéma français, alternant les rôles de comédie (pour Yves Robert notamment, qui lui confie l'interprétation d'Alexandre le bienheureux à la désinvolture savoureuse) avec des compositions plus élaborées, ambiguës ou inquiétantes. L'œil insondable ou embué, facilement mal rasé, un peu ventru, débraillé sans gêne, bourgeois s'il le faut, il fait montre de souplesse, d'intelligence et à l'occasion d'émotion.

Il a été le père tourmenté et ramassé sur sa volonté de comprendre son fils meurtrier dans l'Horloger de Saint-Paul (B. Tavernier, 1974). Il a nourri d'humanité un Régent lucide et sans illusions dans Que la fête commence (id., 1975). Il a rendu crédible la rage destructrice du médecin tranquille qui engage sa guerre personnelle contre les nazis qui ont massacré sa famille (le Vieux Fusil, R. Enrico, 1975, César du meilleur acteur).

Dans un registre plus souriant, on l'a vu en helléniste débonnaire secoué par la pétulance d'un commissaire de police, incarné par Annie Girardot, dans deux comédies dirigées par Philippe de Broca (Tendre Poulet, 1978 ; On a volé la cuisse de Jupiter, 1980).

Trois Frères (F. Rosi, 1981), où il est un magistrat italien confronté à l'expérience du terrorisme, puis Coup de torchon (Tavernier, id.), probablement sa composition la plus élaborée (un policier colonial abruti qui s'identifie à Dieu), l'installent parmi la demi-douzaine de comédiens dont le talent et la popularité peuvent garantir le « montage » financier d'un film européen.

La palette de Philippe Noiret s'enrichit encore au cours des années 80. Il tourne beaucoup et sait parfaitement s'adapter à toutes les situations sans s'enfermer dans le registre étroit d'un personnage type. Il est remarquable dans le rôle du docteur Fadigali, le vieux médecin de Ferrare amoureux d'un jeune étudiant (les Lunettes d'or, G. Montaldo, 1987) ; dans celui de Savinien de Kerfadec, le comte breton qui tente en vain de départager avec sagesse et lucidité les jeunes esprits échauffés par la révolution et la chouannerie (Chouans !, Ph. de Broca, 1988) ; dans celui de Mazarin du Retour des Mousquetaires (R. Lester, 1989) ; celui de l'obstiné commandant Della Plana qui dirige un bureau de recherche et d'identification des tués ou disparus de la guerre de 14-18 (la Vie et rien d'autre, Tavernier, 1989, César du meilleur acteur), ou celui du vieux projectionniste amoureux de sa cabine de projection et de son public dans Cinema Paradiso (G. Tornatore, id.).