Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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KOULECHOV (Lev) [Lev Vladimirovič Kulešov] (suite)

Le collectif Koulechov se disperse en 1926. Koulechov a réalisé son premier chef-d'œuvre avec lui, le second sans lui. Dura Lex (1926), qui reconstitue admirablement le Klondike près de Moscou, tient à la fois du Vent (de Sjöström) par la puissance des éléments, par son unité dramatique, et de la Passion de Jeanne d'Arc (de Dreyer) par son extraordinaire science du découpage et de l'interprétation. Le Grand Consolateur (1933) a la complexité et la subtilité d'un film de Resnais. Koulechov transpose son matériau sur trois niveaux : le réel, l'inventé, le raconté. Son et musique en assurent la continuité, la fluidité profonde, le jeu des acteurs étant réglé soit sur un métronome, soit sur le play-back. Contraint tantôt à l'inaction, tantôt à des besognes alimentaires, le plus souvent à l'enseignement (il devient directeur du VGIK en 1944), Koulechov aura été le Christophe Colomb du cinéma, payé, comme Colomb, d'ingratitude. Ce qu'ils ont découvert — l'Amérique l'un, le montage l'autre —, on n'avait en effet nul besoin d'eux pour l'exploiter.

Films :

le Projet de l'ingénieur Pright (Proekt inženera Prajta, 1918) ; Chant d'amour inachevé (Pesn'ljubi nedopetaja, id., CO : Vitold Polonski) ; Chroniques (Hronika, 1919-20) ; Sur le front rouge (Na krasnom fronte, 1920) ; les Aventures extraordinaires de Mister West au pays des Bolcheviks (Ncobyčajnye priključenija Mistera Vesta v strane Bol 'ševikov, 1924) ; le Rayon de la mort (Luč smerti, 1925) ; Dura Lex / Selon la loi (Po zakonu, 1926) ; la Journaliste (Zurnalistka [Vaša znakomaja], 1927) ; le Joyeux Canari (Veselaja kanarejka, 1929) ; Deux-Bouldi-Deux (Dva-Bul'di-Dva, 1930) ; Quarante Cœurs (Sorok Serdec, id.) ; Horizon (Gorizont, 1933) ; le Grand Consolateur/Encre rose (Velikij utešitel‘ , id.) ; les Sibériens (Sibirjaki, 1940) ; Descente dans un volcan (Slučaj v vulkane, 1941, consultant du réalisateur E. Chreïder) ; le Serment de Timour (Kljatva Timura, 1942) ; Nous, de l'Oural (My s Urala, 1944, CO : Aleksandra Khokhlova).

KOULIDJANOV (Lev) [Lev Aleksandrovič Kulidžanov]

cinéaste soviétique (Tbilissi, Géorgie, 1924).

Élève de Guerassimov pendant ses études au VGIK — qu'il achève en 1954 —, il débute dans la réalisation avec ‘ les Dames ’ d'après Tchekhov (Damy, 1955 ; CO : G. Oganisian), suivi de ‘ ça a commencé ainsi ’ (Eto načinalos ' tak... 1956 ; CO : Y. Seguel). Il poursuit sa collaboration avec Seguel dans la Maison où je vis (Dom, v kotorom ja živu, 1957), qui obtient en URSS un franc succès populaire. Dans la même veine, il tourne la Maison natale (Otčij dom, 1959), Quand les arbres étaient grands (Kogda derev'ja byli bol‘ šimi, 1962) et ‘ le Carnet bleu ’ (Sinjaja tetrad‘ , 1964). Il signe en 1969 une version assez académique de Crime et Châtiment (Prestuplenie i nakazanie) puis ‘ Une minute dans les étoiles ’ (Zvezdnaja minuta, 1973) et ‘ les Années de jeunesse de Karl Marx ’ (Karl Marks-molodye gody ; TV , 1980). Il devient professeur à son tour au VGIK tout en assumant les fonctions de premier secrétaire de la direction de l'Union des cinéastes et député du Soviet suprême. Au début des années 90, il revient à la mise en scène et signe ‘ Sans peur de mourir ’ (Umirat' ne strašno, 1991) et ‘ les Myosotis ’(Nezabudki, 1994).

KOUNDOUROS (Nicos)

Cinéaste grec (Aghios Nikolaos, Crète, 1926).

Ce Crétois fait des études aux Beaux-Arts d'Athènes (peinture et sculpture). Opposant au régime, il fait son service militaire sur l'île-symbole de la déportation politique, Makronissos. À son retour, il décide d'aborder le cinéma, comme bien avant lui, Laskos ou Grigoriou*, sans formation technique. Il tourne d'abord un sujet de Margherite Liberakis, la Cité magique (Mayiki poli, 1954) dans le ton du réalisme poétique à la Carné. L'Ogre d'Athènes (O Drakos, 1956) reste son chef-d'œuvre et un film charnière du cinéma grec. Fortement inspiré par le néo-réalisme italien, Koundouros y met en scène les éternels perdants de la vie, confrontés au mythe d'une improbable réussite. Le film, conspué par la droite comme par la gauche, est un échec commercial. Suivent les Hors-la-loi (I Paranomi, 1958) et la Rivière (To Potami, 1960), composé, à l'origine, de quatre histoires différentes s'emboîtant dans un montage complexe mais que la production reduisit à un film a sketches. Les Petites Aphrodites (Mikres Afrodites, 1963), inspiré de Daphnis et Chloé et teinté d'un esthétisme archaïsant, lui vaut une renommée fugitive. Le Visage de la Méduse, qu'il tourne en 1966, sera largement remanié par l'auteur et prendra le titre définitif de Vortex (id. 1971). À la chute de la dictature, il filme deux grands concerts de chants de résistance (les Chants du feu/ Ta tragoudia tis fotias, 1975). Avec 1922, il signe une fresque violente et ironique sur la guerre greco-turque et l'exode hellène (la version de 1978 est remaniée en 1981). Il réalise ensuite Bordello (id, 1985), Byron, la balade d'un possédé (Byron, i balada enos daimonismenou, 1992) et Les Photographes (I fotografi, 1998).

KOUYATÉ (Sotigui)

acteur burkinabé (Ouagadougou 1945).

Après avoir joué au théâtre en Afrique, il se tourne vers le cinéma et interprète ses premiers rôles dans des films tels que FVVA : femme, villa, voiture, argent (1972) et Toula ou le Génie des eaux (1973), tous deux de Mustapha Alassane, puis confirme son statut d'acteur majeur du cinéma africain dans le Médecin de Gafiré (1983) de Mustapha Diop. C'est à la demande de Peter Brook qu'il arrive en France en 1984 et entame une nouvelle carrière, de dimension internationale, tant au théâtre (mis en scène par Peter Brook justement, dans le Mahabharata et l'Homme qui prenait sa femme pour un chapeau) qu'au cinéma. Il joue alors dans des films tels que Black Mic-Mac (Thomas Gilou, 1987), Y'a bon les Blancs (Marco Ferreri, 1988), Un thé au Sahara (Bernardo Bertolucci, 1989), IP5 (Jean-Jacques Beineix, 1990), Tombés du ciel (Philippe Loiret, 1993). Il retrouve l'Afrique avec une série de films essentiels : Wendémi (Pierre Yaméogo, 1993), Saraka-Bô (Denis Amar, 1996). Sotigui Kouyaté est aussi le père de Dany Kouyaté, cinéaste, dans les films duquel il joue parfois (Keïta, l'héritage du griot, 1995). En 2000, il interprète le premier rôle du film de Rachid Bouchareb, Little Sénégal, qui, le portant de l'Afrique en Amérique sur le chemin de la traite négrière, lui offre, par ses jeux de correspondances, une parfaite synthèse de sa carrière.