Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BRÉSIL. (suite)

Effondrement et reprise de la production.

Lorsque le président Fernando Collor liquide d'un trait de plume Embrafilme et la législation en vigueur (1990), il ne cède pas uniquement à la revanche vis-à-vis de l'intelligentzia et à l'idéologie néolibérale. Il donne le coup de grâce à une cinématographie déjà minée par le rétrécissement du parc des salles et du marché, résultat d'un modèle économique incapable d'intégrer la majorité de la population. Sans crédits de l'État, sans protection, la production chute et atteint le niveau zéro. Les telenovelas produites par Globo semblent appelées à régner sans partage sur l'imaginaire collectif. Cependant, une lente restructuration est perceptible dès 1993, grâce à un organisme municipal, Riofilme, initialement destiné à la distribution locale, et à une loi de l'audiovisuel. Le succès inattendu de Carlota Joaquina, princesa do Brazil (Carla Camurati, 1994), une farce historique digne des chanchadas d'antan, amorce une réconciliation avec le public, désormais confiné dans les centres commerciaux ou les multiplexes bâtis grâce aux investissements américains. Cependant, Central do Brasil (Walter Salles*, 1998), primé à Sundance et à Berlin, est un des rares titres à faire l'unanimité de la critique et des spectateurs. Ce film témoigne également d'une nouvelle donne : le cinéma brésilien ne peut plus exister à l'intérieur de ses frontières – pourtant les plus vastes de l'Amérique Latine –, il a fortement besoin d'appuis, en Europe ou aux États-Unis (voire, les deux). La reprise de la production révèle une diversité de paysages, caractères et dramaturgies, au-delà d'une commune exigence de qualité, à laquelle la télévision et la publicité ne sont pas étrangères. Si le financement par des entreprises à la recherche de bénéfices fiscaux et de notoriété, ne favorise guère les propos caustiques (Cronicamente inviável, Sergio Bianchi, 1999) ou les expériences austères (Sertão das memórias, José Araújo, 1997), la jeune génération parvient néanmoins à renouveler le regard porté sur les contrées mythiques du Nordeste (Baile perfumado, Paulo Caldas et Lirio Ferreira, 1997 ; Eu, tu, eles, Andrucha Waddington, 2000), et sur les conflits urbains (Como nascem os anjos, Murilo Salles, 1996 ; Um céu de estrelas, Tata Amaral, 1997). Après avoir construit des studios dignes de Hollywood, la Globo investit pour la première fois dans le cinéma et diffuse sur le câble une chaîne consacrée aux films brésiliens : Auto da Compadecida (Guel Arraes, 2000), d'après Ariano Suassuna, est distribué dans les salles après avoir été diffusé sur les ondes hertziennes. Les professionnels de la profession, réunis en congrès (2000), espèrent négocier de nouvelles règles du jeu pour l'ensemble de l'audiovisuel et éviter ainsi que la stimulante reprise ne s'avère un énième cycle sans lendemains.

BRESSANE (Júlio)

cinéaste brésilien (Rio de Janeiro 1946).

Il est un des initiateurs, avec Rogério Sganzerla, du mouvement udigrudi (underground) ou marginal, expression de la contestation et du désespoir de la génération postérieure au Cinema Novo. Expérimentalisme et dérision à outrance restent ses constantes. Il enrichit son œuvre par un dialogue avec la culture brésilienne aussi bien dans son versant populaire (la musique) que dans ses références littéraires ou érudites (Machado de Assis, le père Vieira).

Films :

Cara a Cara (1967) ; O Anjo Nasceu (1969) ; Il a tué sa famille et est allé au cinéma (Matou a Família e Foi ao Cinema, id.) ; Família do Barulho (1970) ; Barão Olavo o Horrível (id.) ; Cuidado Madame ! (id.) ; A Fada do Oriente (id.) ; Memórias de um Estrangulador de Loiras (1971) ; Crazy Love (id.) ; Lágrima Pantera (1972) ; O Rei do Baralho (1973), O Monstro Caraiba (1975) ; A Agonia (1978) ; O Gigante da América (1979) ; Cinema Inocente (id.) ; Tabú (1982) ; Brás Cubas (1985) ; Os Sermões (1989), O Mandarim (1995), Miramar (1997), São Jerônimo (1999).

BRESSON (Robert)

cinéaste français (Bromont-Lamothe 1901 - Droué-sur-Drouette 1999).

D'abord peintre, il vient au cinéma et réalise en 1934 un moyen métrage « d'un comique fou », Affaires publiques, « trois journées d'un dictateur imaginaire », selon ses propres définitions. Puis il figure au générique des Jumeaux de Brighton (C. Heymann, 1936) et de Courrier Sud (P. Billon, 1937) en tant que coscénariste et coadaptateur, mais Michel Estève, son meilleur biographe, écrit que sa participation à ces deux films n'aurait été que symbolique. Il collabore en 1939, pendant quelques jours seulement, à l'adaptation d'un projet de René Clair, Air pur, que la guerre empêchera de réaliser. Ce n'est qu'en 1943, après plus d'un an de captivité en Allemagne, qu'il réalise son vrai premier film, les Anges du péché.

Robert Bresson occupe une place tout à fait à part dans le cinéma français : il est inclassable et ne peut être rattaché à aucune école, à aucun mouvement. C'est un artiste solitaire, silencieux, secret. Il a publié, sous le titre Notes sur le cinématographe, un recueil d'aphorismes où il expose ses principes artistiques avec sincérité et certitude. C'est un perfectionniste, aussi bien dans son expression verbale que dans ses méthodes de travail ; il s'applique à ne jamais désigner le 7e art autrement que par le terme cinématographe, le cinéma n'étant pour lui que du « théâtre photographié ». Il y a, écrit-il, « deux sortes de films : ceux qui emploient les moyens du théâtre (acteurs, mise en scène, etc.) et se servent de la caméra afin de reproduire ; ceux qui emploient les moyens du cinématographe et se servent de la caméra afin de créer ». On lui doit aussi cette définition, où l'on trouve un écho de la formule d'Abel Gance, cet autre artiste exclusif : « Le cinématographe est une écriture avec des images en mouvement et des sons. »

La plupart des admirateurs de Bresson s'accordent à voir dans Pickpocket (1959) son film le plus pur et le plus parfait. Mais ce film est l'aboutissement d'une évolution caractéristique vers le dépouillement et l'abstraction. Ses deux premiers films, les Anges du péché (1943) et les Dames du bois de Boulogne (1945), relèvent encore de l'esthétique et de la dramaturgie dominantes dans la production française de l'époque (et de toujours) : emploi d'acteurs professionnels (dont la plupart sont aussi des acteurs de théâtre) ; recours à des dialogues littéraires (dus à Jean Giraudoux dans le premier, à Jean Cocteau dans le second) ; pratique d'images très élaborées et très dramatisées par la mise en œuvre d'éclairages savants (elles sont dues, dans les deux cas, à Philippe Agostini, grand spécialiste de la photographie esthétisante).