Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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TAVOULARIS (Dean)

décorateur américain (1932).

Remarquable décorateur prêt à relever tous les défis, Dean Tavoularis est l'irremplaçable alter ego de Francis Ford Coppola. Depuis le Parrain (1972), le cinéaste lui demande les choses les plus folles et, infaillible, le décorateur fait merveille. Ses réussites sont d'ores et déjà des classiques. Il recrée à la demande la Petite Italie ou La Havane du temps de Batista (le Parrain II, 1974), un loft glacé ou une chambre d'hôtel à la fois luxueuse et blafarde (Conversation secrète, 1974), un temple bouddhiste envahi par les ténèbres (Apocalypse Now, 1979). Il aborde avec le même bonheur le réalisme terre à terre (Gardens of Stone, 1987), la nostalgie ambrée par le souvenir (Peggy Sue s'est mariée, 1986), le chromo des cartes postales (Outsiders, 1983) ou le noir et blanc presque surréaliste (Rusty James, id.). Sa création la plus folle et qui donne le mieux la mesure de son génie, c'est le Las Vegas symbolique, reconstitué en studio, à la fois zébré de néons multicolores et rongé par le sable du désert, dans Coup de cœur (1981), un travail comparable à la réussite de Rochus Gliese quand il reconstituait pour Murnau la ville de l'Aurore (1927).

TAYLOR (Alma)

actrice britannique (Londres 1895 - id. 1974).

Cecil M. Hepworth, célèbre pionnier de l'industrie cinématographique britannique, l'engage comme star enfant dans la série Tilly Tomboys (1909). Jeune première d'une grande beauté, elle tourne dans de nombreux films de la Hepworth Manufacturing Co : Oliver Twist (1912), Paying and Penalty (1913), Engagement of Convenience (1914), Blind Fate (id.), Sweet Lavender (1915), Comin ’ Thro ’ the Rye (1916)... Elle perd une grande partie de son prestige avec l'arrivée du parlant en jouant dans de médiocres « Quickies », comme Deadlock (George King, 1931), Bachelor's Baby (Harry Hughes, 1932). Elle semble mettre un terme à sa carrière en 1936 (Everybody Dance, Charles Reisner), mais Herbert Wilcox provoque son retour à l'écran avec Voyage en Birmanie (1954). Elle accepte des rôles secondaires dans Stock Car (Wolf Rilla, 1955), la Page arrachée (Lost, Guy Green, 1956) et Fric-frac à gogo (Blue Murder at St. Trinian's, Frank Launder, 1957).

TAYLOR (Elizabeth, dite Liz)

actrice américaine (Londres, Grande-Bretagne, 1932).

En quatre décennies, sa carrière s'avère l'une des plus éclatantes et des plus complètes de l'histoire d'Hollywood. Liz Taylor serait-elle, selon le titre de l'une de ses biographies, « la dernière star » ? — l'ultime produit de l'âge d'or des grands studios ? Les rôles ont épousé les âges et les apparences. Rien de répétitif dans sa filmographie, au contraire de l'exploitation systématique d'une image (Jayne Mansfield, Lauren Bacall). Elle est de la trempe des Hepburn ou des Bette Davis, capable de jouer l'endroit et l'envers, de parier avec des risques et, de fait, elle a franchi les années avec une volonté farouche, sans se laisser ni enfermer ni réduire, laissant tomber derrière elle chaque stéréotype qu'on lui a fait endosser. À neuf ans, sa mère la pousse vers les studios Universal, mais c'est la MGM qui reprend la balle : Liz est choisie pour « sauver Lassie » (le chien Pal), vedette et mascotte de la firme. Après quoi elle devient, aux yeux embués du public, « la petite fille qui aimait son cheval » dans le Grand National (C. Brown, 1944). On a oublié que Liz, « puppy love » de porcelaine aux prunelles violettes et aux boucles brunes, pouvait recommencer Shirley Temple : c'est qu'elle fait mieux, elle accepte les héroïnes de son âge à mesure que le temps passe. L'adolescente de Mon père et nous (M. Curtiz, 1947), entre William Powell et Zasu Pitts, s'épanouit dans Une place au soleil, avec Montgomery Clift, sous la direction avisée de Stevens, en 1951. Conjonction singulière et lumineuse que celle de ces deux acteurs que la complicité amicalement amoureuse, la confiance — inestimable luxe dans ce métier — lient aussitôt jusqu'à la mort de Clift. C'est, aussi, le premier grand rôle de Liz Taylor, le démarrage de sa véritable carrière. Mais il lui faut tourner huit films encore avant que Stevens accomplisse un autre exploit, en 1956, lui donnant pour partenaire un autre aérolithe, James Dean. Géant est le début d'une série de la chance. Quinze ans plus tard, ce sera le virage de la mégère. L'éblouissante jeunesse aura passé, pas encore la beauté.

De Géant à Cléopâtre (J. L. Mankiewicz, 1963) — film catastrophique qui a failli changer la face de la Fox ou la lui faire perdre, à commencer par le cachet de Liz Taylor, le plus lourd accordé à ce jour —, l'actrice, plus sensuellement chatoyante que jamais, déploie toutes les ressources d'un talent instinctif apparemment inépuisable. Mais, merveille malheureuse ou dominatrice, c'est chez son partenaire que presque toujours apparaît la faille et, lorsqu'elle est vaincue, elle l'est avec superbe. Et c'est bien l'instinct qui joue avec des ruses et des brutalités de fauve de luxe, que ce soit « sur un toit brûlant » ou face à César. Une force l'habite, visible sous l'extrême mobilité de l'expression, et rend ses batailles avec Brando (n'oublions pas Reflets dans un œil d'or, J. Huston, 1967), Newman ou Burton, sexuellement exacerbées et d'autant plus saisissantes que l'époque (retenue par la censure et les mœurs) se bornait davantage à suggérer qu'à montrer. Même des films de second ordre et un peu plus tardifs y gagnent, dans la demi-teinte passionnelle ou le boulevard, une qualité dramatique, signés Stevens, encore (avec Warren Beatty), ou Brian C. Hutton, avec Michael Caine et Suzannah York. Le « théâtre » filmé marque d'ailleurs, dès 1966, un tournant et vaut à Liz Taylor son deuxième Oscar (elle rattrape ainsi Vivien Leigh et Bette Davis) ; comme le premier — pour la Vénus au vison —, avec Qui a peur de Virginia Woolf ?, ce n'est pas un bon film qui est distingué : mais tapageur, oui. Qui plus est, la pièce d'Edward Albee, dont il n'est que l'adaptation, paraît trop franchement coïncider avec les querelles du couple Taylor-Burton pour ne pas choquer. Aux drames conjugaux d'une actrice mariée six ou huit fois s'ajoutent les ravages physiques de l'alcool et du vieillissement. On croit alors la star finie : courte et enveloppée, ensachée dans des robes de soie qui ne la contiennent pas plus qu'elle ne contrôle son langage, vulgaire et endiamantée, épouse (un temps assez bref) de sénateur ou remariée à Burton, elle fait front, pourtant, et, à 49 ans, décide de monter pour la première fois sur les planches dans un rôle illustré, entre autres, par Ann Bancroft et Bette Davis, celui des Petits Renards de Lillian Hellman. C'est un succès d'estime. Mais sa filmographie décline peu à peu, après un passage à la sophistication dans Boom ! et Cérémonie secrète (J. Losey, 1968). Liz Taylor est bien l'étonnante incarnation de ce qu'on appelle un « monstre sacré ».