Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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SONORE. (suite)

Pendant ce temps, le magnétophone et le disque ont connu un nouveau progrès, avec l'enregistrement numérique, nettement plus fidèle que l'enregistrement analogique traditionnel. Au cinéma, les enregistreurs numériques (audio-numériques) sont d'abord employés en post-production (enregistrements et mixages multipistes), puis en production avec les enregistreurs portables DAT (digital audio tape). L'évolution rapide des mémoires informatiques (disques durs) conduit, à partir des années 90, à enregistrer directement sur ce type de support, en auditorium (enregistrement, doublage et post-synchronisation), ainsi que pour procéder au montage des bandes son en montage virtuel. En 2000, le son analogique n'est plus guère utilisé, au cinéma, que pour la piste analogique des copies d'exploitation, le plus souvent en stéréophonie. Cette piste est maintenue sur les copies 35 mm pour leur conserver leur universalité et pour remplacer la piste numérique en cas de défaillance de la chaîne sonore numérique.

Le bouleversement du parlant.

L'arrivée du parlant eut de profonds retentissements artistiques, techniques, économiques.

D'abord — et c'est évidemment le point principal — le spectacle changeait de dimension. Une ère nouvelle commençait, où devenait par exemple possible ce genre auparavant inimaginable : la comédie musicale, qu'illustrèrent très vite — chacun dans son style — les cinémas américain et allemand. La première fournée de films sonores, tournés à la hâte pour exploiter le procédé, fut sans doute médiocre, et elle déçut sans doute une partie du public. Mais, rapidement, l'on sut maîtriser ce nouveau moyen d'expression. Pensons à Hallelujah de King Vidor (1929), l'Ange bleu de Joseph von Sternberg (1930), la Patrouille de l'aube de Howard Hawks (id.), Sous les toits de Paris de René Clair (id), Scarface de Hawks (1932) En fait, si certains cinéastes surent rapidement se dégager de la tentation du théâtre filmé, de nombreux films furent pendant longtemps basés sur l'idée que « puisque le cinéma parle, faisons-le parler ».

S'il y eut donc de brillantes exceptions, l'arrivée du son se paya, pendant plusieurs années, par une régression du langage de l'image. Cela provenait des contraintes de tournage liées à la prise de son. (Ces contraintes étaient caricaturales avec le Vitaphone, où tout montage sonore était exclu, ce qui imposait de filmer en continu des scènes de la durée des disques, soit environ 10 minutes, durée de la bobine standard de 300 m.) Pendant plusieurs années, caméra et opérateur durent être enfermés dans une cabine insonore : ce n'était évidemment pas favorable à la mobilité de l'appareil. C'est seulement avec l'apparition des caméras silencieuses, à partir de 1932-33, que la caméra retrouva une certaine liberté Et c'est seulement dans les années 60, avec les caméras portables autosilencieuses ( CAMÉRA), que le cinéma retrouva vraiment la liberté du mouvement.

Ce furent également, en bonne partie, les contraintes de la prise de son qui poussèrent le cinéma à s'enfermer dans les studios, alors que le cinéma muet recourait abondamment aux extérieurs ou aux décors naturels.

L'arrivée du parlant soulevait par ailleurs, bien évidemment, un problème de langue, problème qui touchait particulièrement le cinéma américain, habitué à ce qu'une bonne partie de ses recettes proviennent de l'exportation. L'on proposa d'abord des versions originales sous-titrées. Mais, pas plus qu'aujourd'hui (et pourtant le public a, entre-temps, bien évolué), ce système ne pouvait permettre une pénétration en profondeur à l'étranger. On imagina les versions multiples, tournées en plusieurs langues, plan après plan, avec autant d'équipes de comédiens que de langues. Lourde, onéreuse, finalement peu satisfaisante pour le public, cette méthode fut rapidement abandonnée au profit du doublage.

S'il bouleversa le spectacle cinématographique, le parlant bouleversa aussi l'économie du cinéma. Le coût des films s'accrut notablement, ce qui impliquait des sociétés de production puissantes, et des recettes accrues pour amortir l'investissement, d'où — pour attirer le public — le recours aux vedettes, d'où une nouvelle augmentation des coûts. Au bout du compte, le parlant déboucha sur un mouvement de concentration économique, tant dans la production que dans l'exploitation.

On n'oubliera pas enfin l'élévation à 24 images par seconde de la cadence des films, au lieu de 16 images par seconde du muet, pour parvenir à une qualité minimale de restitution du son.

Le son sur disque.

On le mentionne essentiellement pour mémoire, puisqu'il a disparu avec le Vitaphone. (L'enregistrement sur disque demeura en revanche couramment employé, jusqu'à l'arrivée du magnétophone, pour la prise de son des actualités.) [ PRISE DE SON.] Le son, c'est-à-dire les variations de la pression de l'air est ici transcrit par des variations de la largeur d'un sillon gravé à la surface du disque. (La transcription par variation de la profondeur du sillon fut très vite abandonnée.) Avant l'apparition de l'amplification électrique, l'aiguille de lecture, mue par le sillon, faisait vibrer un petit diaphragme circulaire qui restituait le son de la même façon que le fait aujourd'hui la membrane d'un haut-parleur. Même si l'on améliorait le rendement en plaçant le diaphragme à l'embouchure d'un pavillon judicieusement évasé, la puissance de restitution sonore demeurait modeste. Aujourd'hui, les vibrations de la pointe de lecture sont transformées, par divers procédés, en petites variations électriques, amplifiées dans l'amplificateur pour alimenter le ou les haut-parleurs.

Avec le procédé DTS, utilisant des disques numériques synchronisés avec le défilement du film à partir d'une piste photographique enregistrée entre les images et la piste analogique, le disque est revenu un support d'actualité au cinéma pour la reproduction en 5.1.

Le son optique.

Le son optique analogique (on devrait dire photographique) est enregistré sur une piste marginale (largeur 2,5 mm en 35 mm) selon un procédé qui permettra de faire varier l'éclairement d'une cellule photoélectrique lors de la reproduction au moyen d'un lecteur sonore. Le son peut être transcrit soit par des variations de transparence de la piste photographique, soit par des variations d'élongation d'une surface d'opacité (densité) constante. Le premier procédé, connu sous le nom de densité variable, employé au début du cinéma sonore a été totalement abandonné dans les années 50 car difficile à maîtriser au stade du laboratoire et incompatible avec les films en couleur. Le procédé à élongation variable, reste toujours utilisé de nos jours, y compris en multicanal. La lecture du son implique le défilement continu du film ; comme la projection de l'image nécessite, elle, un mouvement d'avance intermittente, il faut ménager un certain décalage entre le son et l'image. ( PROJECTION.)