Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
S

SUÈDE. (suite)

La crise du cinéma suédois.

En 1972, une réforme du cinéma voit le jour. Elle change la ligne d'action de l'Institut afin de relancer la production ; elle oblige à trouver les moyens financiers avant de tourner le film. Les primes à la qualité décernées annuellement sont réduites en valeur. Les nouveaux scénarios sont particulièrement encouragés. Le public commence à refuser de suivre les visions très personnelles des plus jeunes réalisateurs. Beaucoup d'entre eux appliquent la théorie du cinéma d'auteur à l'extrême, refusant toute participation des producteurs ou même d'écrivains extérieurs à leur travail. Durant quelques années, la télévision suédoise coopère avec l'Institut en produisant de nouveaux films.

La situation devient grave. Sandrew abandonne la production. Les exportations, autrefois l'orgueil du cinéma suédois, sont pratiquement nulles. Bergman est poursuivi par de zélés fonctionnaires des impôts et décide de continuer sa carrière à l'étranger. Le cinéma suédois essaie à grand-peine de sortir de cet abîme grâce notamment au succès commercial phénoménal de deux comédies dont le héros est Lasse Aberg, un comédien alliant les qualités de Tati et de Jerry Lewis. De nouveaux cinéastes participent au nouvel effort. Ainsi l'actrice Gunnel Lindblom* avec Sally et la liberté (1981), qui est son deuxième film, ou Kay Pollak avec l'Île des enfants (1980), une étude complexe de l'adolescence. Tage Danielsson et Hans Alfredsson tournent également quelques œuvres estimables. Malgré tout, le cinéma suédois n'est plus à la mode comme auparavant. Alors que les cinéastes suédois ont des facilités et des opportunités en Europe, l'inspiration et le véritable talent font défaut. Le rôle du scénariste est négligé, et des producteurs compétents comme Bengt Forslund se voient freinés dans leur élan. Certains réalisateurs de Stockholm supportent avec difficulté la tutelle de l'Institut du film suédois (réorganisé de nouveau en 1982 et financièrement soutenu par une taxe portant sur la vente de cassettes vidéo vierges).

Bergman revient tourner, en 1981, Fanny et Alexandre sur quatre plateaux et avec cent techniciens. Œuvre isolée d'un auteur mondialement reconnu qui revient « au bercail » ou nouvelle étape dans l'évolution d'une cinématographie à la recherche de ce qui a fait son originalité et sa grandeur ? Le cinéma suédois traverse désormais une crise. Crise d'auteurs peut-être. Crise morale (et financière) sans doute. Quelques réussites isolées : Amorosa (Mai Zetterling, 1986), Ma vie de chien (Lasse Hallström, id.), les Frères Mozart (Suzanne Osten, id.), le Chemin du serpent (Bo Widerberg, id.), Hip ! Hip ! Hurrah ! (Kjell Grede, 1987), Nuits d'été (Gunnel Lindblom, id.), Terre des rêves (Jan Troell, 1988), masquent très probablement l'incertitude devant laquelle se trouve le cinéma suédois : la génération qui devrait succéder à celle des Widerberg, Troell et autres Zetterling tarde à apparaître. Le public boude les productions ambitieuses et se tourne (mais le phénomène est mondial) vers les productions américaines. Une solution ? Intensifier les coproductions scandinaves. À l'aube des années 90, le message semble avoir été compris par tous. Néanmoins, certains observateurs persistent à décrire une crise d'identité, tant dans la définition d'un « style suédois » que dans le rapport avec l'évolution de l'Europe. Fréquemment engagés dans les thématiques historiques, sociales, écologiques, les cinéastes les plus expérimentés continuent de se faire entendre : Suzanne Osten réalise l'Ange gardien (Skyddsängeln, 1990), Seulement toi et moi (Bara du och jag, 1994), Kjell Grede Bonsoir monsieur Wallenberg (God afton, Herr Wallenberg,1990), Jan Troell El Capitano (id., 1991) ; le grand directeur de la photographie Sven Nykvist tourne Oxen en 1991, Vilgot Sjöman entreprend un film sur Alfred Nobel, et Bo Widerberg, après un long silence, revient au cinéma en 1995 (Lust och fägring stor), tandis que le documentariste Stefan Jarl passe à la fiction en 1990 avec Des gens bien (Goda människor). Le fils de Sven Nykvist, Carl Gustav (né en 1953), avec la Femme sur le toit (Kvinnorna påtaket, 1989), et celui de Bergman, Daniel (né en 1962), avec les Enfants du dimanche (Söndagsbarn, 1993), se sont affirmés en quelques films. Per Åhlin (né en 1931) est parvenu à monter des longs métrages d'animation. Liv Ullmann*, qui a tourné au Danemark et dans son pays, la Norvège, a réalisé en Suède Infidélité (2000), d'après Ingmar Bergman.

L'actrice Ann Zacharias, bien connue en France où elle a travaillé plusieurs années, a réalisé à Stockholm en 1987 le Test (Testet), un film en langue française. Moins connu à l'étranger, Gőran du Rées (né en 1947) a réalisé plusieurs longs métrages très personnels, dont Tag ditt liv (1995). Après une longue interruption dans sa carrière, Roy Andersson* s'est fait remarquer en 2000 en France et aux États-Unis notamment avec Chansons du deuxième étage. Parmi les noms nouveaux, on pourra retenir : Hakan Alexandersson (né en 1940), venu au cinéma (Werther, 1990) après une longue carrière à la télévision, Marie-Louise Ekman (née en 1944), artiste peintre au talent cinématographique original, qui a réalisé notamment l'Ami secret (Den hemliga vännen, 1990), Jon Lindström, né en Finlande en 1948, avec le Rêve de Rita (Drömmen om Rita, 1994), ou encore Henry Meyer avec l'Apprenti voleur (Stortjuvens pojke, 1993), Hilda Hellwig (Dockpojken, 1994) et Kristian Petri (Entre deux étés [Sommaren, 1995]), Kjell-Åke Andersson (l'Oratorio de Noël [Juloratoriet], 1996 ; Secrets de famille [Familjehemligheter], 2000), Lukas Moodysson (Fucking Åmål, 1999), Reza Bagher — d'origine iranienne — (les Ailes de verre [Vingar av glas], 2000).

Il faut signaler enfin que le cinéma suédois a révélé, depuis 1950, des acteurs (Gunnar Björnstrand*, Max von Sydow*, Per Oscarsson*, Thommy Berggren*) et des actrices (Anita Björk*, Eva Dahlbeck*, Bibi Andersson*, Harriet Andersson*, Ingrid Thulin*, Gunnel Lindblom*, Liv Ullmann*) de tout premier plan.