Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BARDEM (Juan Antonio)

cinéaste espagnol (Madrid 1922).

Fils d'un couple de comédiens, il suit des études d'ingénieur puis de cinéma. Il est frappé par la découverte du néoréalisme italien, qui guide ses premiers pas dans la mise en scène. Alors que le national-catholicisme domine encore le cinéma espagnol, il est un des premiers, avec Luis García Berlanga, à essayer d'ouvrir une brèche dans le système étroitement contrôlé par le franquisme. Ensemble, ils réalisent Esa pareja feliz (1951) ; ensuite, Bardem collabore au scénario de Bienvenue Mr. Marshall et Novio a la vista (Berlanga). Le premier film dont il est l'auteur complet, Cómicos (1953), en partie autobiographique, démontre des qualités, confirmées par Mort d'un cycliste (1955) et Grand'Rue (1956), qui lui valent une consécration internationale. L'activité de Bardem s'exerce également sur d'autres plans : cofondateur de Objetivo (1953), une des premières revues spécialisées indépendantes, il anime aussi les Conversations de Salamanque (1955), rassemblant tous ceux qui entendent transformer le cinéma espagnol ; il préside la maison de production Uninci lorsqu'elle produit Viridiana (L. Buñuel, 1961). Il est arrêté plusieurs fois pour son appartenance au parti communiste. Malgré cela, il se fait élire au syndicat officiel. Ses premiers films révèlent une capacité d'observation sociale, gauchie par une démarche trop « cérébrale  », voire didactique, qui le porte à l'emphase. Les croissantes difficultés rencontrées pour mener à bien ses projets le font rechercher des coproductions internationales ou tourner à l'étranger, le résultat se révélant souvent médiocre. Figé dans une conception académique du cinéma, sa progressive désinvolture compromet même ses compétences techniques. Les sujets sociopolitiques choisis après la mort de Franco ne suffisent pas à lui faire remonter cette pente (El puente et les Sept Jours de janvier), il ne fait plus alors qu'illustrer laborieusement la ligne de réconciliation nationale du PCE.

Films :

Esa pareja feliz (CO L. G. Berlanga, 1951) ; Cómicos (1953) ; Felices Pascuas (1954), Mort d'un cycliste (Muerte de un ciclista, 1955), Grand'Rue (Calle Mayor, 1956), la Vengeance (La venganza, 1958), Sonatas (1959), A las cinco de la tarde (1960) ; Los inocentes (1962) ; Une femme est passée (Nunca pasa nada, 1963) ; les Pianos mécaniques (1965) ; El último día de la guerra (1969) ; Variétés (1971) ; l'Île mystérieuse (CO H. Colpi, 1972) ; La corrupción de Chris Miller (id.) ; El poder del deseo (1976) ; El puente (1977) ; les Sept Jours de janvier (Siete días de enero, 1978) ; l'Avertissement (Predupreždenie, BULG, URSS, RDA, 1982) ; Lorca, mort d'un poète (Lorca, muerte de un poeta, six épis., TV, 1988), El joven Picasso (TV, 1993), Resultado final (1998).

BARDOT (Brigitte)

actrice française (Paris 1934).

Issue de la « bonne bourgeoisie » (ce qui lui sera reproché quand elle effarouchera sa classe d'origine), elle étudie la danse dès l'enfance et fait un peu de théâtre. Ayant posé pour des journaux féminins (1950), elle débute à l'écran en vedette dès son deuxième film, dont l'audience est aussi modeste que le budget. Mais, remarquée par Marc Allégret et le producteur Raoul Lévy, elle devient une valeur commerciale : en 1956, quand Et Dieu créa la femme (premier film de Vadim, son premier mari) provoque un scandale et la rend célèbre. C'est la fulgurante apparition d'une sensualité juvénile et sans complexes. D'entrée de jeu, « B. B. » (comme on l'appelle déjà) occupe, nue et bronzée, toute la longueur du Scope.

En fait, elle a été invitée en Italie et en Grande-Bretagne avant même d'être fameuse en France. Ses coiffures sauvages, sa moue, son sourire et son allure lui ont drainé un public disparate, où les lycéens côtoient des intellectuels chevronnés : Jean Cocteau, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras lui consacrent des articles. Sa renommée mondiale bouleverse les canons reçus à l'époque en matière de séduction. Son indépendance de comportement y ajoute une aura de perversité qu'elle n'a pas cherchée. Incarnation sans vrai précédent de la femme-enfant, elle suscite des hargnes égales aux admirations, mais ses imitatrices sont innombrables. Pendant une dizaine d'années, le mot bardolâtrie ne sera pas excessif pour désigner cet état d'esprit diffus, non sans oppositions, aggravées du fait que la foule fait peur à cette antivamp. Elle essaie de se réconcilier avec la « morale » (Babette), et Louis Malle tente de démythifier son ascension (Vie privée) : c'est peine perdue. La comédienne connaît ses limites : souvent touchante (par instinct), peu douée pour le drame, elle ne manque ni de fantaisie ni d'humour, et sa grâce éclaire encore ses films les plus médiocres. Dans d'autres conditions de production, elle aurait sans doute pu déployer un abattage dont ses shows à la TV ont témoigné. Trop fréquemment dirigée par des cinéastes qu'elle n'inspirait pas (sauf Vadim, quelquefois Boisrond, plus tard Deville), elle a visiblement préféré son existence à sa carrière. Elle a su prendre en 1973 une retraite bien calculée (après Don Juan 73, où elle incarne... Don Juan, et Colinot Trousse-Chemise) et elle n'y a mis aucune prétention. Elle a proposé une nouvelle silhouette de la jeune femme vouée à l'air et au soleil, porteuse d'un érotisme candide dans sa provocation, où ce qui subsiste des anciens fétichismes se déleste d'une noirceur démodée. Cette libération de l'image a annoncé la libération des mœurs, même si les générations suivantes ne s'y sont pas reconnues. Il reste de ses films (seul Et Dieu créa la femme fait peut-être exception) des morceaux choisis narrant l'histoire d'un corps, d'un visage et donc d'une âme, qui sont ceux-là et nuls autres. Bien loin d'être, comme on l'a dit, un fantasme du supposé inconscient collectif (l'imagination populaire ne travaille de nos jours que sur un modèle déjà fourni), l'effigie à laquelle elle s'est absolument identifiée, quitte à l'abandonner ensuite, ne porte que son nom. Aussi survit-elle dans la mémoire non comme une star traditionnelle, ni comme le sex-symbol qu'en fit la publicité, mais comme un emblème très particulier de la fascination cinématographique.