Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BERGMAN (Ingmar) (suite)

Films  :

Crise (Kris, 1946) ; Il pleut sur notre amour (Det regnar på vår kärlek, id.) ; Bateau pour les Indes / l'Éternel Mirage (Skepp till Indialand, 1947) ; Musique dans les ténèbres (Musik i mörker, 1948) ; Ville portuaire (Hamnstad, id.) ; la Prison (Fängelse, 1949) ; la Soif / la Fontaine d'Aréthuse (Törst, id.) ; Vers la joie (Till glädje, 1950) ; Cela ne se produirait pas ici (Sånt händer inte här, id.) ; Jeux d'été (Sommarlek, 1951) ; l'Attente des femmes (Kvinnors väntan, 1952) ; Monika / Un été avec Monika / Monika et le désir (Sommaren med Monika, 1953) ; la Nuit des forains (Gycklarnas afton, id.) ; Une leçon d'amour (En lektion i kärlek, 1954) ; Rêves de femmes (Kvinnodröm, 1955) ; Sourires d'une nuit d'été (Sommarnattens leende, id.) ; le Septième Sceau (Det sjunde inseglet, 1957) ; les Fraises sauvages (Smultronstället, id.) ; Au seuil de la vie (Nära livet, 1958) ; le Visage (Ansiktet, id.) ; la Source (Jungfrukällan, 1960) ; l'Œil du diable (Djävulens öga, id.) ; À travers le miroir (Såsom i en spegel, 1961) ; les Communiants (Nattvardsgästerna, 1963) ; le Silence (Tystnaden, id.) ; Toutes ses femmes / À propos de toutes ses femmes (För att inte tala om alla dessa kvinnor, 1964) ; Persona (id., 1966) ; Stimulantia (épisode : Daniel, 1967) ; l'Heure du loup (Vargtimmen, 1968) ; la Honte (Skammen, id.) ; le Rite (Riten, 1969), Une passion (En passion, id.) ; Mon île Fåro [DOC] (Fåro dokument, 1970) ; le Lien (Beröringen / The Touch, 1971, SUE-US) ; Cris et Chuchotements (Viskningar och rop, 1972) ; Scènes de la vie conjugale (Scener ur ett äktenskap, 1973) ; la Flûte enchantée (Trollfljöten, 1975) ; Face à face (Ansikte mot ansikte, 1976) ; l'Œuf du serpent (Das Schlangenei / The Serpent's Egg, 1977, ALL-US) ; Sonate d'automne (The Autumn Sonata, 1978, GB-NOR) ; Mon île Fårö (Fårö dokument, 1979, [DOC] 1979) ; De la vie des marionnettes (Aus dem Lebender Marionetten, 1980) ; Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander, 1982), Après la répétition (After the Rehearsal, 1983) ; le Visage de Karin (Karin Ansikte, 1983-1985, CM), En présence d'un clown (Larmar Och Gör Sig Till, 1998).

BERGMAN (Ingrid)

actrice suédoise (Stockholm 1915 -Londres 1982).

Ingrid Bergman débute à dix-sept ans au Théâtre royal de Stockholm, où elle décroche rapidement des rôles de premier plan. Prise sous contrat par la Svenskfilmindustri en 1933, elle fait sa première apparition à l'écran dans ‘ le Comte de Munkbro ’ et s'impose comme vedette dès son cinquième film, ‘ Du côté du soleil ’. Elle cultive les genres les plus divers, avec une préférence marquée pour la comédie sentimentale et le mélodrame, qui exaltent son aura de jeune première fraîche et spontanée. Dès 1935, elle est considérée comme une des découvertes les plus prometteuses du cinéma suédois et mène l'essentiel de sa première carrière sous l'égide de Gustav Molander, qui la dirige dans le Visage d'une femme et Intermezzo.

Alerté sur sa réputation, David O. Selznick l'appelle à Hollywood en 1939, pour lui faire tourner, aux côtés de Leslie Howard, un fidèle remake de ce dernier film. Pygmalion ambitieux, éminent découvreur d'actrices, il mise avec intelligence sur son image établie : naturel, probité, pureté, énergie. L'essai s'avère concluant. Ingrid Bergman s'établit à Hollywood, où sa carrière se poursuivra durant six ans, modelée de façon directe ou occulte par Selznick, et largement influencée par le curieux mélange de romantisme et de puritanisme propre au producteur d'Autant en emporte le vent. Ingrid Bergman s'insurge cependant très tôt contre les goûts et les exigences de son mentor. Elle réclame des rôles plus âpres, dont le premier est celui d'Ivy, la barmaid de Docteur Jekyll et Mr. Hyde (1941). Elle alterne dès lors systématiquement les rôles pervers et vertueux, passant de l'Intrigante de Saratoga aux Cloches de Sainte-Marie, de la Maison du Dr Edwardes aux Enchaînés, d'Arc de triomphe à Jeanne d'Arc. Elle révèle son côté noir dans la Proie du mort, Docteur Jekyll et Mr. Hyde, Arc de triomphe et les Amants du Capricorne, qui tissent autour d'elle des univers piégés, en font la victime de longs cauchemars, une hédoniste apathique, vouée à la déchéance.

À l'inverse, Pour qui sonne le glas, la Maison du Dr Edwardes et les Cloches de Sainte-Marie éclairent le pôle positif du personnage bergmanien, en célèbrent l'idéalisme et le caractère solaire, qui séduisait Selznick. (Notons ici la passion de Bergman pour Jeanne d'Arc, figure clé qu'elle incarnera deux fois à la scène et autant à l'écran.)

Refusant le partage entre la noirceur gothique et un angélisme sans nuance, Casablanca et les Enchaînés assument avec une subtilité plus européenne l'indécision morale du personnage bergmanien. L'héroïne est ici écartelée entre deux antagonistes masculins, déracinée, jetée dans un contexte cosmopolite trouble. Elle est le jouet de forces qui la dépassent, la protagoniste ambivalente de drames historiques, où l'égoïsme et la raison politique ne sont jamais clairement distincts, où sacrifice ne signifie plus nécessairement rédemption.

À la fin des années 40, Ingrid Bergman est l'actrice européenne la plus populaire d'Hollywood. Moins mythique que ses rivales immédiates, Garbo et Dietrich, sa malléabilité, son goût de la composition, un contact suivi avec le théâtre (elle remporte un Tony pour Joan of Lorraine) lui ont permis d'acquérir une indépendance considérable.

La période Rossellini s'ouvre en 1949 sur un « scandale » retentissant, dérisoire, qui révèle les liens affectifs entre Ingrid Bergman et le public américain. Jetée de force dans une nouvelle carrière, l'actrice va s'essayer avec le réalisateur à explorer des lignes narratives plus ouvertes. Pourtant, les films de cette période (dont trois relatent, curieusement, la désagrégation d'un couple) constituent moins une réfutation de la mythologie hollywoodienne d'Ingrid Bergman qu'une dénaturation de celle-ci. Tous exploitent, en effet, son récent passé cinématographique : la tentation de la sainteté, dans Europe 51, renoue avec l'inspiration de Jeanne d'Arc, l'enfer conjugal de Stromboli et la Peur avec les épreuves de Hantise et des Amants du Capricorne. Mais le jeu de l'actrice, toujours très construit, s'accommode mal des méthodes d'un réalisateur en quête d'un incertain compromis entre naturalisme et drame bourgeois. Il se dessèche, trahit une tension, une tendance inédite à l'hystérie.