Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
K

KUBRICK (Stanley) (suite)

La singulière unité de l'œuvre, qu'enrichissent les correspondances ou les rappels d'écriture d'un film à l'autre, un extraordinaire code de représentation aux signes, aux cadrages, aux éclairages qui ne cessent en se répondant de trouver une métamorphose nouvelle, poursuit, et dans des champs toujours différents, l'homme égotiste et arrogant, imaginatif et lâche, l'homme immuable, aussi acharné destructeur qu'inlassable bâtisseur. La fin de l'aventure spatiale, inexpliquée, peut aussi bien promettre une régénérescence de Bowman (Keir Dullea) sous les espèces du fœtus né du Père mort au-delà de l'infini... Comme l'affranchissement de l'enfant de Spartacus, que Laughton fait citoyen romain... Ou encore la provocante et énigmatique fin ouverte de Eyes Wide Shut (le « fuck » prononcé par Nicole Kidman). Si on évoque la régénérescence du jeune Malcolm McDowell, et la conclusion en boucle d'Orange mécanique, on en jugera selon sa foi. De toute manière, Kubrick, inventeur de formes, ingénieur d'images, chorégraphe de l'espace et de nos terreurs déterrées et mises à nu, a réussi à déplacer l'axe épique du cinéma et à réintroduire, par l'horreur et par la splendeur, un baroque inégalé dans la représentation de nos erreurs et de nos ambitions.

Films  :

Day of the Fight (CM, 1950) ; Flying Padre (CM, 1951) ; Fear and Desire (1953) ; le Baiser du tueur (Killer's Kiss, 1955) ; Ultime Razzia (The Killing, 1956) ; les Sentiers de la gloire (Paths of Glory, 1957) ; Spartacus (id., 1960) ; Lolita (id., 1962) ; Dr Folamour (Dr Strangelove, or How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb, 1963) ; 2001 : l'Odyssée de l'espace (2001 : A Space Odyssey, 1968) ; Orange mécanique (A Clockwork Orange, 1971) ; Barry Lindon (id., 1975) ; Shining (The Shining, 1979) ; Full Metal Jacket (id., 1987) ; Eyes Wide Shut (id., 1999).

KUČERA (Jaroslav)

chef opérateur tchèque (Prague, 1929).

Il étudie à la FAMU de Prague jusqu'en 1953, travaille avec Kachyňa et Jasný sur les documentaires que ceux-ci signent ensemble au début des années 50 puis pour Vojtech Jasný seul (les Nuits de septembre, 1957 ; Désir, 1958 ; la Procession à la Vierge, 1961 ; Un jour un chat..., 1963). Lorsque la Nouvelle Vague tchécoslovaque prend son essor, Kučera devient un opérateur très prisé : le noir et blanc du Premier Cri (J. Jireš, 1964), des Diamants de la nuit (J. Němec, id.) ou de la Fête et les invités (id., 1966) l'inspire tout autant que la couleur des films que signe Vera Chytilova (qui devient son épouse). En effet, le lyrisme naturel de Kučera sait s'acclimater au baroquisme moqueur et impertinent des Petites Marguerites (V. Chytilova, 1966) et aux envolées surréalistes des Fruits du paradis (id., 1969). Son talent reste inchangé au cours des années 70, même si les films auxquels il collabore n'ont plus tout à fait la même aura. Il travaille avec Oldřich Lipský et surtout avec Karel Kachyña. On le retrouve dans Temps prolongé de Jaromil Jireš en 1984 puis dans les Yeux bleus de Reinhard Hauff.

KUCHAR (Mike et George)

cinéastes expérimentaux américains (New York, N. Y., 1942).

Jumeaux, ils grandissent dans le Bronx et se gavent très tôt de films hollywoodiens. Les films 8 mm qu'ils tournent dès l'âge de douze ans avec des voisins ou des amis en portent la marque, plus ironique que fascinée. The Wet Destruction of the Atlantic Empire (1954), The Naked and the Nude (1957) ou A Tub Named Desire (1960) sont ainsi des mélos farcesques enracinés dans la vie ordinaire du Bronx. Après 1961, les deux frères font chacun leurs films. Ceux de Mike (Sins of the Fleshapoids, 1965 ; Fragments ; The Didgeridoo, 1972, etc.) sont parfois plus esthètes que ceux de George, plus fidèle, lui, à leurs premières réalisations (A Woman Distressed, 1962 ; Hold me While I'm Naked, 1966 ; Eclipse of the Sun Virgin, 1967 ; Unstrap me, 1968 ; The Sunshine Sisters, 1973, etc.).

KUHN (Rodolfo)

cinéaste argentin (Buenos Aires 1934 - Valle de Bravo, Mexico, Mexique, 1987).

Il débute avec le nuevo cine et présente un constat de faillite morale de toute une génération dans Los jóvenes viejos (1961). Pajarito Gómez (1965) s'attaque aux vedettes préfabriquées par une société du spectacle. Après une carrière irrégulière, il s'exile en 1976. Parmi ses autres œuvres il faut encore citer Noche terrible (1967), La hora de María y el pájaro de Oro (1976) et El Se~nor Galindez (1984).

KULIK (Seymour, dit Buzz)

cinéaste américain (New York, N. Y., 1923 - Los Angeles, Ca., 1999).

Formé au cinéma publicitaire, il réalise de très nombreux films en direct et en studio, à la télévision, où se déroule presque toute sa carrière. Après des débuts sans éclat au grand écran en 1961 avec The Explosive Generation, ses qualités traditionnelles, sa manière proche du documentaire et son sens des scènes d'action servent mieux le policier (L'assassin est-il coupable ? [The Warning Shot], 1967 ; la Mutinerie [Riot], 1969 ; le Fauve [Shamus], 1973) que le film historique : Pancho Villa (Villa Rides, 1968). C'est à lui que Steve McQueen confie la réalisation de son film testament : le Chasseur (The Hunter, 1980).

KUMAI (Kei)

cinéaste japonais (Minami-Asumi-Gun, préfecture de Nagano 1930).

Il fait ses débuts à l'orée des années 60 avec des films semi-documentaires qui s'attachent notamment à la description de l'univers des « laissés pour compte » de la modernisation du Japon moderne : l'Affaire Teigin : la longue mort (Teigin jiken : shikeishu, 1964), l'Archipel du Japon (Nihon retto, 1965), le Soleil de Kurobe (Kurobe mo Tauyo, 1968). Devenu indépendant en 1969, il réalise des films de qualité qui abordent des thèmes historiques ou contemporains : Bordel no 8 à Sandakan (Sandakan hachiban shokan bokyo), réalisé en 1974 avec l'actrice Kinuyo Tanaka en ancienne prostituée émigrée en Malaisie, est l'une de ses plus grandes réussites. Suivent notamment : Mademoiselle Ogin (Oginsama,1978) ; la Mer et le poison (Umi to dokuyaku, 1986, d'après un roman de Shusaku Endo) ; la Mort du maître de thé (Sen no Rikyu-Honkakubo Ibun, 1989, avec Toshiro Mifune) ; les Passions du Mont Aso (Shikibu monogatari, 1990) ; la Mousse lumineuse (Hikarigoke, 1992) ; le Fleuve profond (Fukai kawa, 1995, encore d'après Shusaku Endô). En 1997, Kei Kumai réalise Aimer (Aisuru), faisant d'une soignante de lépreux dans un institut l'image de la femme idéale, puis en 2000 Été noir du Japon/Ombre dans la lumière (Nippon no kuroi natsu-enzai) où il aborde à nouveau l'un de ses thèmes de prédilection : les affaires criminelles et la justice.