Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DAVES (Delmer) (suite)

Plus que dans ses autres ouvrages, et même si les drames de la jeunesse que l'amitié pour Jack Warner l'a poussé à tourner à la fin de sa carrière ne sont pas négligeables (Ils n'ont que 20 ans est une œuvre personnelle, parfois même audacieuse dans sa rage anti-bigote et la Soif de jeunesse recèle bien des beautés plastiques), c'est dans ses westerns que s'exprime l'originalité de Daves. Ils admettent une mise en œuvre plus vigoureuse du paysage ; leur construction narrative se réduit plus facilement à une parabole, et Jubal reprend Joseph et ses frères comme la Colline joue sur les thèmes de l'Éden ; ils rêvent enfin plus librement sur la bonté des sauvages (la Flèche brisée), tout en se nourrissant de recherche historique (Cow Boy). Avec la Colline des potences, western gothique, à la manière de la littérature anglo-saxonne du XIXe siècle, son chef-d'œuvre est peut-être les Passagers de la nuit où son goût pour la métaphore (et sa capacité à la filer jusqu'au bout) est porté au sommet : Daves y raconte un accouchement, une renaissance, l'homme aimé prenant peu à peu le visage que la femme, une artiste, lui crée. Bien entendu, il n'est pas négligeable que ce soit ainsi Humphrey Bogart qui naisse sous les doigts de Lauren Bacall.

Films :

la Route des ténèbres (Pride of the Marines, 1945) ; la Maison rouge (The Red House, 1947) ; les Passagers de la nuit (Dark Passage, id.) ; Ombres sur Paris (To the Victor, 1948) ; la Flèche brisée (Broken Arrow, 1950) ; l'Oiseau de paradis (Bird of Paradise, 1951) ; les Gladiateurs (Demetrius and the Gladiators, 1954) ; l'Aigle solitaire (Drum Beat, id.) ; l'Homme de nulle part (Jubal, 1956) ; la Dernière Caravane (The Last Wagon, id.) ; Trois Heures dix pour Yuma (3.10 to Yuma, 1957) ; Cow Boy (1958) ; l'Or du Hollandais (The Badlanders, id.) ; la Colline des potences (The Hanging Tree, 1959) ; Ils n'ont que vingt ans (A Summer Place, id.) ; la Soif de la jeunesse (Parrish, 1961) ; l'Amour à l'italienne (Rome Adventure, 1962) ; la Montagne des neuf Spencer (Spencer's Mountain, 1963) ; Youngblood Hawke (1964).

DAVIES (Marion Cecilia Douras, dite Marion)

actrice américaine (New York, N. Y., 1897 - Hollywood, Ca., 1961).

Cette jolie blonde aux yeux clairs, pétillante de malice, a souffert de la « grande chance » de sa vie. Quand Ziegfeld, chez qui elle était chorus-girl, lui assura une place de choix dans ses spectacles, le magnat de la presse William Randolph Hearst la remarqua, en tomba amoureux et décida d'en faire une star à sa propre gloire. Toute sa vie, il entretint fabuleusement la comédienne, guidant et soutenant sa carrière de sa considérable puissance. Orson Welles donna sa version de la chose dans Citizen Kane, ce qui a encore joué contre Marion Davies, que l'on assimila bien vite à Susan Alexander, la cantatrice sans talent, épouse de Kane. Il est vrai que Hearst imposa à Marion Davies beaucoup de rôles qui ne lui convenaient pas et qui sont autant d'ébauches des fantasmes érotiques du nabab : énormes productions historiques où la jeune femme apparaissait soit en ingénue victorienne, soit en travesti, sa féminité dissimulée sous les uniformes à brandebourgs : Beverly of Graustark (S. Franklin, 1926). Mais Marion aimait faire le clown et, quand son tyrannique mentor lui laissait le loisir de jouer dans une comédie, elle brillait intensément de verve et de joie de vivre. Peu de comédiennes jouèrent aussi franchement qu'elle la carte du burlesque dans ces deux classiques que sont Une gamine charmante et Mirages (1928, tous deux de King Vidor) : elle s'y moquait d'elle-même et des autres avec un plaisir féroce. Dans ce registre, ses possibilités étaient immenses, comme l'atteste sa composition fine et nuancée de la vieille fille en puissance réveillée par l'amour dans la Galante Méprise (Franklin, 1927). Elle était également à son avantage dans When Knightwood Was in Flower (R.G. Vignola, 1922), Little Old New York (S. Olcott, 1923), The Fair Co-Ed (S. Wood, 1927), Peg of My Heart (R.Z. Leonard, 1932). Mais, hélas, son protecteur étouffa sa personnalité et Marion s'enferma dans une solitude de plus en plus grande et dans l'alcoolisme. Ayant terminé sa carrière en 1936, elle se retira pour s'occuper de Hearst. Il mourut en 1951, elle lui survécut dix ans, s'étant enfin mariée quatre ans après sa mort.

DAVIES (Terence)

cinéaste britannique (Liverpool 1945).

Cinéaste du murmure, Terence Davies a séduit et touché avec Distant Voices, Still Life (1988), audacieuse et attentive chronique d'une famille britannique modeste, portée par l'enchaînement des chansons d'époque et où la parole se diluait dans une bande son remarquablement travaillée. The Long Day Closes (1993) n'est autre que le deuxième chapitre de cette chronique, toujours aussi juste, mais où l'idée de mise en scène tourne quelque peu au procédé. En 1995, il signe The Neon Bible avec Gena Rowlands, film formellement tenu mais un peu froid, qui transporte la nostalgie de l'univers de Davies aux États-Unis. Il s'enfonce plus loin dans le passé en adaptant avec une remarquable retenue Edith Wharton dans Chez les heureux du monde (The House of Mirth, 2000), œuvre lente et glacée, plastiquement resplendissante, dissection au scalpel du cruel « jeu social » américain du début du siècle, et de laquelle il sourd un mal de vivre poignant.

DAVIS (Ruth Elizabeth Davis, dite Bette)

actrice américaine (Lowell, Mass., 1908 - Neuilly-sur-Seine 1989).

Bette Davis, jeune comédienne aux grandes ambitions et au physique ingrat, avait essuyé déjà un certain nombre de rebuffades au théâtre quand elle décida, courageusement, de tenter sa chance au cinéma. Arrivée à Hollywood en 1931, elle trouva le moyen d'être brièvement sous contrat à l'Universal, où elle tourna de petits rôles. Mais, finalement, les dirigeants du studio l'écartèrent, pensant qu'elle n'avait aucun sex-appeal. Effectivement, ses films de cette époque (Seed, John M. Stahl 1931 ; Waterloo Bridge, James Whale 1931) nous montrent une sorte de petite vieille mal fagotée et excessivement discrète.

Mais l'acteur britannique George Arliss, alors grande vedette de la Warner Bros, la remarqua et fut convaincu de ses possibilités. Grâce à lui, elle obtint un bout d'essai à la Warner Bros, qui entraîna un rôle assez consistant et remarqué, avec Arliss, dans The Man Who Played God (John G. Adolfi, 1932) : le talent nerveux et inhabituel de Bette Davis s'y révélait. Cette année-là, sa carrière prit forme et se décida. En l'espace de quelques mois, elle eut une nouvelle grande chance, grâce à un autre transfuge théâtral prestigieux, Ruth Chatterton, dans The Rich Are Always With Us (Alfred E. Green), deux bons rôles de complément (Mon grand, W. Wellman ; Une allumette pour trois, M. LeRoy) et surtout une nouvelle personnalité. Elle était désormais l'objet des attentions maniaques des coiffeurs et costumiers du studio : plus blonde, plus mince, plus élégante, ses grands yeux lourds fascinaient étrangement. La Warner Bros avait décidé d'en faire une nouvelle Constance Bennett, se fiant à tort à une vague similitude physique. Cette même année, Michael Curtiz sentit ce qu'elle avait d'unique, et lui donna deux personnages à sa mesure : dans Ombres vers le sud, elle créait une séductrice du Sud, frigide et vipérine, qui fit sensation et qui annonçait les nombreuses prestations sulfureuses qu'elle allait donner par la suite, étrangement toutes liées au sud des États-Unis. Dans Vingt Mille Ans sous les verrous, elle était une victime des circonstances, sensible et émouvante, qui annonçait l'autre direction que sa carrière allait prendre. Ces deux films affirmaient son talent sans ambages, et la Warner Bros décida, en 1933, qu'elle était mûre pour être star : une nouvelle fois, on la mit aux mains des coiffeurs, maquilleurs, costumiers, qui devaient lui donner du glamour, et Robert Florey la dirigea dans une comédie dramatique, Ex-Lady. Échec. Bette Davis revint aux seconds rôles.