Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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ŠVANKMAJER (Jan)

cinéaste, graphiste, plasticien tchèque (Prague 1934).

Il étudie à l'Académie des beaux-arts (1950-1954) et à la Faculté du théâtre (département des marionnettes) d'où il sort diplômé en 1958. Ses premiers courts métrages, en dédicace au maniérisme pragois des XVIe-XVIIe siècles, reprennent, en l'altérant, la tradition de la marionnette animée (le Dernier Truc de M. Schwarzewald et de M. Edgar, [Posledni trik pana Schwarzewaldea a pana Edgara]1964) ou mettent en scène le mythe d'une Prague magique (Historia Naturae suita, 1967). À partir de 1970, il participe aux activités du groupe surréaliste de Prague, très actif. Se qualifiant de « surréaliste sarcastique », en opposition au « surréalisme lyrique » de Breton, il met en œuvre, dans les créations qui suivent, un imaginaire qui, en interrogeant le désir, subvertit la structure sociale. Se réclamant à la fois de Charley Bowers et de Luis Bu~nuel, admirateur de Lewis Carroll (Jabberwocky, 1971) et d'Edgar Allan Poe (la Chute de la maison Usher (Zánik domu Usherů, 1980) ; le Puits, le Pendule et l'Espoir (Kyvadlo, jáma a naděje, 1983), il crée une œuvre où l'objet occupe une place centrale dans ses mises en scènes et où l'animation côtoie la prise de vues réelles. Persona non grata, il interrompt un temps ses réalisations pour y revenir en 1977 avec le Château d'Otrante (Otrantský zámek). Les Possibilités du dialogue (Možnosti dialogu, 1982), jeu de fusion véloce et diabolique où le passage du différencié à l'uniforme est au centre du propos, le consacre internationalement. En 1988, il se confronte de nouveau à l'œuvre de Lewis Carroll avec son premier long métrage Alice (Něco z Alenky) où, jouant avec ironie, distanciation et malice de son matériau, il parvient à rejoindre l'esprit carrollien. Après Jeux virils (Mužné hry, 1989), Obscurité, lumière, obscurité (Tma, světlo, tma,1989), la Fin du stalinisme en Bohême (Konec stalinismu v Čechach, 1990), il réalise successivement trois nouveaux longs métrages : Faust (1994), les Conspirateurs du plaisir (1996) et Otesanek (2001).

Autres films :

Johann Sebastian Bach-Fantaisie en sol mineur, 1964 ; Et cœtera, 1966 ; le Jardin [Zahrada], 1967; Une semaine tranquille à la maison [Tichý týden v domě], 1969 ; Don Šajn, 1970 ; Journal de Leonard [Leonardův denik], 1973; la Cave [Do pivnice], 1982).

SWAIM (Robert, dit Bob)

cinéaste français d'origine américaine (né en 1943).

Venu à Paris en 1965 pour poursuivre ses études d'anthropologie, il devient cameraman et réalise des documentaires et de nombreux films publicitaires. Ses courts métrages sont remarqués (le Journal de M. Bonnafous, 1970 ; Autoportrait d'un pornographe, 1972), et il tourne une aventure du détective Nestor Burma, créé par l'écrivain Léo Malet, la Nuit de Saint-Germain-des-Prés (1977), inaugurant ainsi une série qui se poursuivra à la télévision française. Il réalise un autre policier (la Balance, 1982), puis tourne aux États-Unis Escort Girl (Half Moon Street, 1986) et Masquerade (id., 1988). En 1997 il tourne en France le Défi.

SWAIN (Mack)

acteur américain (Salt Lake City, Utah, 1876 - Tacoma, Wash., 1935).

Vieux routier du music-hall, il aborde le cinéma en 1913 et s'impose bientôt dans les comédies de Mack Sennett à la Keystone. Ce géant massif et plutôt rustre, aux sourcils orageux et à la brusquerie incontrôlée, permet aux gagmen de l'opposer à l'apparente fragilité de Charlot. À la fin de 1914, Mack Swain échappe au rôle de faire-valoir et décide de tenter sa chance dans quelques séries burlesques où il incarne Ambrose, un moustachu tapageur et lubrique. Au moment où sa carrière semble décliner, Charlie Chaplin lui offre des rôles mémorables dans le Pèlerin (1923) et surtout la Ruée vers l'or (1925), où il est le chercheur d'or géant Big Jim McKay qui, dans un délire causé par la faim, prend Charlot pour un poulet et finit par partager avec lui ses godillots en guise de plat de résistance. L'acteur — quelque peu prisonnier de tics propres au cinéma comique — apparaît dans plusieurs films moins caricaturaux comme Kiki (C. Brown, 1926), The Torrent (M. Bell, id.), Mockery (B. Christensen, 1927), The Beloved Rogue (A. Crosland, id.), le Dernier Avertissement (P. Leni, 1929). Il se retire en 1932.

SWANSON (Gloria Josephine Mae Swanson, dite Gloria)

actrice américaine (Chicago, Ill., 1899 - New York, N. Y., 1983).

À l'âge de quatorze ans, sa tante lui fait visiter les studios Embassy à Chicago. Par simple curiosité, elle accepte de faire de la figuration. On lui offre divers petits rôles — notamment dans Charlot débute, le premier film Essanay de Chaplin en 1915, The Fable of Elvira and Farina and the Meal Ticket (film dans lequel son nom apparaît pour la première fois à l'écran, id.), Sweedie Goes to College (id.), The Broken Pledge (id.) et A Dash of Courage (1916), ces trois petites bandes avec un comédien (Wallace Beery) dont elle s'éprend et qu'elle épouse. Union malheureuse et très brève. Mais les deux acteurs ont néanmoins eu le temps de partir pour Hollywood, où Gloria Swanson se fait engager à la Keystone par Mack Sennett (malgré une légende tenace, il semble qu'elle n'ait jamais fait partie de la troupe des Bathing Beauties), mais elle quitte bientôt cette compagnie pour la Triangle, car elle ne désire pas se spécialiser dans la comédie. Elle veut devenir une actrice dramatique. En 1918, elle est l'interprète de Society for Sale (F. Borzage), Her Decision (J. Conway) et You Can't Believe Everything (id.), mais c'est Cecil B. De Mille qui lui apporte la renommée. Dans Après la pluie le beau temps (1919), For Better for Worse (id.), l'Admirable Crichton (id.), l'Échange (1920), Something to Think About (id.), Le cœur nous trompe (1921), elle peaufine son image de marque : élégance, sophistication, un zeste d'audace sensuelle qui cache un moralisme prudent, une présence indéniable qui lui apporte une célébrité soudaine — et durable. Il y a de l'extravagance dans les scénarios qu'elle tourne pour Sam Wood (The Great Moment, 1921 ; le Droit d'aimer [Beyond the Rocks], 1922 ; Her Gilded Cage, id. ; le Calvaire de Madame Mallory [The Impossible Mrs. Bellew], id. ; la Huitième Femme de Barbe-Bleue [Bluebeard's Eighth Wife], 1923), Allan Dwan (Zaza, id. ; Scandale [A Society Scandal], 1924 ; Tricheuse, id. ; Larmes de reine [Her Love Story], id. ; le Prix de la vertu [Wages of Virtue], id. ; Vedette, 1925), Léonce Perret (Madame Sans-Gêne, 1925), comme il y a de l'extravagance dans ses toilettes, dans ses mariages (après avoir tourné en France Madame Sans-Gêne, elle réapparaît à Hollywood au bras du marquis de la Falaise de la Coudraye). Elle fonde sa propre compagnie — financée par Joseph P. Kennedy, son amant à l'époque, père du futur président des États-Unis — en 1927 et se lance dans une aventure dispendieuse : le tournage de Queen Kelly (E. von Stroheim, 1928). L'entreprise, superbement baroque, ne pourra jamais être achevée. Gloria Swanson congédie le metteur en scène, dont le génie s'accommode plutôt mal des contraintes financières, tente de le remplacer par Edmund Goulding, mais doit finalement s'avouer vaincue. Elle mettra vingt ans à payer ses dettes, avouera-t-elle plus tard. Le film sera vu dans une version écourtée en Europe, mais ne sera jamais distribué en France. Pourtant, il reste le témoignage le plus éclatant du talent de l'actrice, qui y interprétait une timide couventine enlevée par un prince débauché et livrée à la fantaisie sadomasochiste d'une reine extravagante et corrompue. Ce prologue inspiré avait entraîné Gloria Swanson loin des conventions décoratives des films de De Mille. Le débraillé et le tapageur semblent paradoxalement fort bien convenir à cette star, par ailleurs si élégante et si délicate. Dans Sadie Thompson (R. Walsh, 1928), elle est une prostituée haute en couleur, pleine de vitalité et d'humanité, dotée d'un humour dévastateur. Elle chante dans son premier film parlant (The Trespasser, Goulding, 1929) et revient à la comédie dans Quelle veuve ! (What a Widow !, Dwan, 1930) et Indiscret (L. McCarey, 1931). Après Cette nuit ou jamais (Tonight or Never, M. LeRoy, id.), Perfect Understanding (Cyril Gardner, GB, 1933) et Music in the Air (J. May, 1934), elle abandonne le cinéma, travaille pour la radio et le théâtre, gère ses affaires. En 1941, Father Takes a Wife (Jack Hively) lui donne l'occasion d'un premier come-back sans suite. C'est Billy Wilder, en 1950, qui lui rend son aura. Boulevard du crépuscule lui permet de jouer avec un magnétisme sans égal le rôle de Norma Desmond, la star déchue. Non sans cruauté, le réalisateur l'entoure d'un valet qui n'est autre qu'Erich von Stroheim et de silhouettes illustres (C. B. De Mille, B. Keaton, Anna Q. Nilsson, H. B. Warner). L'évocation du vieil Hollywood émeut davantage peut-être que le récit lui-même, qui évoque les amours tragiques d'une vedette du muet et d'un scénariste sans talent. Après ce sublime chant du cygne, Gloria Swanson a le tort d'apparaître dans deux films sans intérêt, dans les années 50, voire de jouer son propre rôle, fugitivement, dans 747 en péril (J. Smight, 1974).