Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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OLIVEIRA (Manoel Candido Pinto de Oliveira, dit Manoel de) (suite)

Bénéficiant d'une subvention de la Fondation Gulbenkian, Manoel de Oliveira tourne, en 1971, son troisième long métrage, le Passé et le Présent (O Passado e o Presente), le premier volet de sa tétralogie des « Amours frustrées ». Tiré d'une pièce de Vicente Sanches, se déroulant de nos jours dans un milieu bourgeois, le Passé et le Présent est un film dans lequel le metteur en scène utilise encore mouvements de caméra et plans rapprochés pour créer des « effets de réel » ; ce huis clos entre quelques personnages qui se déchirent rappelle un peu l'Ange exterminateur, de Luis Buñuel (1962). En 1974, Oliveira tente de mettre en fiction la pièce de José Régio, Bénilde ou la Vierge Mère (Benilde ou a Virgem-Mãe). La nature irréductible de l'œuvre ne se prête pas à cet exercice.

Le cinéaste adapte, en 1978, Amour de perdition (Amor de Perdição), un livre de Camilo Castelo Branco : l'histoire, à la fin du XVIIIe siècle, d'un amour impossible entre deux jeunes gens appartenant à des familles ennemies. Refusant toute approche romanesque du sujet, Oliveira, transposant les structures de l'œuvre, tente d'expliquer au spectateur la mentalité portugaise de l'époque. Avec ce film, l'artiste découvre que le langage est souverain, qu'il est émotion et mouvement, qu'il est déjà en soi mise en scène. Francisca (1981), composé d'après un roman d'Augustina Bessa Luís, Fanny Owen, clôt le cycle des « Amours frustrées ». Situés vers 1850, les tableaux du film nous décrivent les étapes de la liaison mouvementée entre José Augusto et Fanny qu'un certain cynisme, propre à une bourgeoisie déjà décadente, rend invivable. Un masochisme révélateur de la psychologie portugaise au cours des âges parcourt les quatre opus de la tétralogie. En 1983, avec Nice, à propos de Vigo, Oliveira jette un regard rétrospectif sur ses débuts, ceux de sa période documentaire liés à son court métrage Douro, Faina Fluvial et interprète un « texte » : À propos de Nice (1930), le film de Jean Vigo, contemporain de ses premiers pas dans le septième art. En même temps qu'il adapte le Soulier de satin, de Paul Claudel (Sapato de cetim, 1985), œuvre dans laquelle il retrouve en écho son propre chant des amours contrariées et une latinité fondamentale, Oliveira tourne des moyens métrages consacrés à Lisbonne et à ses souvenirs puis réalise Mon cas (1986), « film jubilatoire consacré à l'un des sujets les plus universels qui soient : l'homme qui se plaint de son sort et qui trouve toujours son cas plus intéressant que les autres ».

Octogénaire alerte et malicieux, Oliveira signe en 1988 les Cannibales (Os Canibais), un opéra inspiré d'un conte portugais du XIXe siècle dont le livret et la musique sont dus à João Paes et qui joue avec insolence de plusieurs gammes (l'excès, le rire, la peur). En 1990, le réalisateur dans Non ou la Vaine gloire de commander (Não ou a vã Glória de Mandar) se propose, en suivant le récit qu'un sous-lieutenant fait à ses compagnons d'armes lors d'une patrouille dans la brousse africaine au cours de la dernière guerre coloniale portugaise, de retracer l'épopée mythique de son pays à travers les grandes défaites de son histoire. Après une adaptation de la Divine Comédie (1991), il signe le Jour du désespoir (O Dia do Desespero, 1992), le Val Abraham (Vale Abraão, 1993), sans doute la plus originale transposition à l'écran de Madame Bovary, la Cassette (A Caixa, 1994), le Couvent (O Convento, 1995), avec Catherine Deneuve et John Malkovich, Party (1996), Voyage au début du monde (Viagem ao Principio do Mundo, 1997), Inquiétude (1998), la Lettre (A carta, 1999), Parole et Utopie (Palabra e Utopia, 2000), Je rentre à la maison (Vou para Casa, 2001). Oliveira examine et teste toutes les potentialités, tous les styles de sa discipline, recherchant, arrivé au seuil de sa vie, comme Dreyer et Ozu, une certaine épure : la transparence ontologique du cinéma.

OLIVER (Edna May Nutter, dite Edna May)

actrice américaine (Boston, Mass., 1883 - Los Angeles, Ca., 1942).

Un physique sec comme un coup de trique et un visage revêche et allongé font de la jeune Edna May Oliver une spécialiste des emplois de « vieille » virago. Elle vient au cinéma en 1923, mais n'est vraiment connue du public qu'à l'orée du parlant. Elle a la vedette dans Fanny Folley, Herself (Melville Brown, 1931) et dans quelques autres films, mais ce sont les seconds rôles qui lui apportent la renommée. D'une abondante carrière, on mettra en lumière la complicité qui la lie à George Cukor et qui lui donne l'opportunité de deux grandes créations : tante March (les Quatre Filles du docteur March, 1933) et tante Betsey Trottwood (David Copperfield, 1935), adorables mégères au cœur tendre. Elle sortit rarement de cet emploi (A Tale of Two Cities, J. Conway, 1935 ; Sur la piste des Mohawks, J. Ford, 1939), mais le public la retrouvait avec joie et l'aimait.

OLIVERA (Héctor)

cinéaste et producteur argentin (Olivos, Buenos Aires, 1931).

Partenaire de Fernando Ayala au sein de la maison de production Aries et, à ce titre, collaborateur de Roger Corman, il signe sa première mise en scène en 1967 (Psexoanálisis). Il atteste son métier et son flair pour les sujets politiquement sensibles à un moment donné de l'histoire avec La Patagonia rebelde (1974), évocation d'une sanglante répression commise par les militaires argentins au début du siècle. Plus actuels, mais moins convaincants, sont La noche de los lápices (1986) et El caso María Soledad (1992). Il cultive aussi la comédie (La nona, 1978) et réussit une synthèse entre ses deux manières avec Une sale petite guerre (No habrá más penas ni olvido, 1983), satire grinçante sur les disputes internes du péronisme, d'après un roman d'Osvaldo Soriano. Il compte d'autres adaptations littéraires : El muerto (1975, d'après Borges) et Una sombra ya pronto serás (1993, également d'après Soriano).

OLIVIER (sir Laurence Kerr)

acteur et cinéaste britannique (Dorking 1907 - Ashurst, Sussex, 1989).

Fils d'un clergyman, il est encore à l'école quand, au cours d'une représentation du Jules César de Shakespeare, il est remarqué par la grande comédienne Ellen Terry qui avoue son enthousiasme : « Le petit garçon qui interprète Brutus est déjà un grand acteur. » Il n'a que quinze ans lorsqu'il joue — le rôle de Katharine ! — dans la Mégère apprivoisée après avoir appris d'Elsie Fogerty quelques-uns des secrets de l'art scénique. Sa fougue et son talent lui permettent d'être engagé par la compagnie du Birmingham Repertory, dirigée par sir Barry Jackson et dont il va suivre la destinée de 1926 à 1929 avant d'apparaître pour la première fois à Broadway, en 1929, dans Murder on the Second Floor et pour la première fois à l'écran, en 1930, dans la version anglaise du film allemand Hokuspokus de Gustav Ucicky. Au cours des années 30, son habileté à « comprendre » et à interpréter Shakespeare se dessine : en 1935, il rencontre John Gielgud, l'autre « monstre sacré shakespearien » de son temps ; en 1937, il est inoubliable dans Henry V (Old Vic Theatre) et l'année suivante dans Coriolan. Au cinéma, son ascension est moins fulgurante : on sent déjà cette méfiance à l'égard d'un art où son magnétisme s'exerce avec moins d'efficacité immédiate que sur les planches. La RKO puis la Fox l'attirent en Amérique mais lui réservent quelques déceptions — ainsi se voit-il remplacé par John Gilbert comme partenaire de Greta Garbo dans la Reine Christine (R. Mamoulian, 1934). Il revient donc en Grande-Bretagne où, face à Elizabeth Bergner-Rosalind, il est l'Orlando de Comme il vous plaira de Paul Czinner, en 1936. Mais quand William Wyler et Samuel Goldwyn font appel à lui en lui offrant le rôle d'Heathcliff dans les Hauts de Hurlevent, en 1939, il accepte et devient du jour au lendemain un acteur de premier plan, que l'on croit alors voué aux interprétations romantiques et frémissantes. Alfred Hitchcock lui fait jouer Maxim de Winter, le mystérieux et ténébreux châtelain de Manderley, dans Rebecca (1940), d'après le roman de Daphné Du Maurier. La guerre éclatant, il sert dans la Fleet Air Arm of the Royal Navy. Cela ne l'empêche pas de garder le contact avec le monde du spectacle. En 1941, il est l'amiral Nelson dans Lady Hamilton (A. Korda), aux côtés de Vivien Leigh, qu'il avait déjà rencontrée comme partenaire dans l'Invincible Armada (W. K. Howard, 1937) et dans 21 Days (B. Dean, 1940) et qu'il a épousée en 1940 après avoir divorcé de Jill Esmond. La même année, il incarne un trappeur canadien français dans 49e Parallèle (M. Powell).