Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DISNEY (Walter Elias Disney, dit Walt) (suite)

Après cette ponction de talents incontestables, il y a beaucoup à redire de la production qui suit : si Dumbo fait preuve de fraîcheur — et Bambi, triomphe du réalisme imposé par la multiplane, représente assez bien aujourd'hui un point de non-retour dans l'animation illustrative, issue des salles de classe de Disney —, si les Secrets de Walt Disney contient une tentative intéressante de retour au storyboard, on peut trouver hybrides, inégaux, criards ces pots-pourris musicaux que sont Make Mine Music, Fun and Fancy Free, Melody Time, et calamiteux ces mélanges d'animation directe et dessinée que furent les Trois Caballeros, Saludos amigos, rappels ratés des Alice Cartoons de 1923. Mais, surtout, on est en droit de contester les adaptations hâtives, vulgaires et en totale déperdition sur les originaux qu'il fit de certaines œuvres immortelles de la littérature : la pâle Cendrillon de 1950 ; l'approximatif Peter Pan ; la médiocre Alice aux pays des merveilles, blasphématoire appauvrissement de Lewis Carroll et de Tenniel, tout comme le Vent dans les saules l'est de Kenneth Grahame et de Ernest Shepard.

Cette soudaine chute d'ambitions ou de pouvoir créateur correspondant à un désir de retrouver son public (on connaît le mot fameux de Disney : « Assez de caviar, je vais leur donner de la purée et du jus de viande ! ») n'empêche pas Disney de diversifier toutes ses activités de producteur : il lance une série prisée de documentaires sur la vie des animaux, la série C'est la vie (dont le Désert vivant). Il produit des films historiques et d'aventures non dessinés : l'Île au trésor, Vingt Mille Lieues sous les mers, Rob Roy, Davy Crockett, les Robinsons des mers du Sud, qu'il confie à des metteurs en scène très estimables. Mais surtout il crée en 1955, à Anaheim, le fameux parc d'attractions de Disneyland, qui recrée, en manière de lunapark entièrement commercialisé, différentes ambiances tirées de ses films et que ses services techniques ont sans cesse renouvelé jusqu'à l'inauguration en Floride de son encore plus vaste Disneyworld, en 1971. Autre réussite : la comédie musicale Mary Poppins en 1964.

Dans ses dernières années, Walt Disney a su rattraper sur sa lancée ses exigences passées en ayant l'intelligence de passer la main à de nouveaux superviseurs comme Wolfgang Reitherman qui collabora aux Cent Un Dalmatiens, à Merlin l'enchanteur et signa en 1967 le Livre de la jungle. Soudain réévalué, le style Disney continue à mériter l'admiration des animateurs et des spécialistes. Il a fallu finalement que Disney retrouve sur le tard sa véritable vocation, celle d'organisateur et de maître d'œuvre, et qu'il consente à déléguer davantage sa confiance à des réalisateurs plus sensibles au renouvellement du goût collectif pour que se réaffirment son originalité fondamentale et son génie unique.

De nos jours, l'empire Walt Disney — délégué après sa mort relativement prématurée en 1966 à son frère Roy, tout premier compagnon de son aventure, puis à l'un de ses neveux et à toute une armée d'hommes d'affaires — gère l'héritage et monnaye l'acquis : tous les sept ans, on réédite l'opus devenu uniformément rentable ; même Fantasia, jadis déficitaire, a fini par devenir un classique admiré. L'après-Disney, c'est encore Disney, et même les producteurs rivaux comme l'Anglais Richard Williams engagent les anciens animateurs de l'oncle Walt pour retrouver tout le fini de l'animation du cru antique, devenue encore plus précieuse depuis l'invasion à la télévision des séries stéréotypées venues du Japon (et d'ailleurs) affadir la plastique de l'image par image. À la longue, et malgré ses périodes de moindre inspiration, Disney s'affirme comme un créateur irremplaçable, un géant incontesté de l'art cinématographique tout entier.

Films MM et LM de Walt Disney (en tant que producteur ou producteur exécutif) 

Blanche Neige et les sept nains (Snow White and the Seven Dwarfs, 1938) ; Pinocchio (id., 1940) ; Fantasia (id., id.) ; les Secrets de Walt Disney (The Reluctant Dragon, 1941) ; Dumbo (id., id.) ; Bambi (id., 1942) ; Victoire dans les airs (Victory Through Air Power, 1943) ; Saludos amigos (id., id.) ; les Trois Caballeros (The Three Caballeros, 1945) ; la Boîte à musique (Make Mine Music, 1946) ; Mélodie du Sud (Song of the South, id.) ; Coquin de printemps (Fun and Fancy Free, 1947) ; Melody Time (1948) ; So Dear to My Heart (id.) ; Ichabod and Mr. Toad (1949) ; Cendrillon (Cinderella, 1950) ; l'Île au trésor (Treasure Island, id., B. Haskin) ; Alice au pays des merveilles (Alice in Wonderland, 1951) ; Robin des Bois (The Story of Robin Hood, 1952, K. Annakin) ; Peter Pan (id., 1953) ; Échec au roi (Rob Roy, The Highland Rogue, id., H. French) ; Désert vivant (The Living Desert, id.) ; l'Épée et la Rose (The Sword and the Rose, id., Annakin) ; Vingt Mille Lieues sous les mers (Twenty Thousand Leagues Under the Sea, 1954, R. Fleischer) ; la Grande Prairie (The Vanishing Prairie, id.) ; Davy Crockett, roi des trappeurs (Davy Crockett, King of the Wild Frontier, 1955) ; la Belle et le Clochard (The Lady and the Tramp, id.) ; Lions d'Afrique (The African Lion, id.) ; la Revanche de Pablito (The Littlest Outlaw, id., R. Gavaldon) ; Davy Crockett et les pirates (Davy Crockett and the River Pirates, 1956) ; l'Infernale Poursuite (The Great Locomotive Chase, id., Francis O. Lyon) ; Secrets of Life (id.) ; Sur la piste de l'Oregon (Westward Ho the Wagons, id., W. Beaudine) ; Johnny Tremain (1957, R. Stevenson) ; les Aventures de Perri (Perri, id.) ; le Fidèle Vagabond (Old Yeller, id., Stevenson) ; The Light in the Forest (1958, Herschel Daugherty) ; le Désert blanc (White Wilderness, id.) ; Tonka (id., L. R. Foster) ; la Belle au Bois Dormant (Sleeping Beauty, 1959) ; Quelle vie de chien ! (The Shaggy Dog, id., Charles Barton) ; Darby O'Gill and the Little People (id., Stevenson) ; le Troisième sur la montagne (Third Man on the Mountain, id., Annakin) ; le Clown et l'enfant (Toby Tyler, 1960, Barton) ; Kidnapped (id., Stevenson) ; Pollyanna (id., id., D. Swift) ; le Jaguar, seigneur de l'Amazone (The Jungle Cat, id.) ; Ten Who Dared (id., W. Beaudine) ; les Robinsons des mers du Sud (Swiss Family Robinson, id., Annakin) ; le Signe de Zorro (The Sign of Zorro, id.) ; les Cent Un Dalmatiens (The Hundred and One Dalmatians, 1961) ; Monte là-d'ssus (The Absent-minded Professor, id., Stevenson) ; la Fiancée de papa (The Parent Trap, id., Swift) ; Nomades du Nord (Nikki, Wild Dog of the North, id.) ; Greyfriars Bobby (id., D. Chaffey) ; Babes in Toyland (id., J. Donohue) ; Un pilote dans la lune (Moon Pilot, 1962, J. Neilson) ; Big Red (id., Norman Tokar) ; Bon voyage (id., id., Neilson) ; In Search of the Castaways (id., Stevenson) ; Almost Angels (id., Steve Previn) ; la Légende de Lobo (The Legend of Lobo, id.) ; Son of Flubber (1963, Stevenson) ; Miracle of the White Stallions (id., A. Hiller) ; Savage Sam (id., Tokar) ; Summer magic (id., Neilson) ; la Grande Randonnée (The Incredible Journey, id., Fletcher Markel) ; Merlin l'enchanteur (The Sword in the Stone, id.) ; The Misadventures of Merlin Jones (1964, Stevenson) ; A Tiger Walks (id., Tokar) ; The Three Lives of Thomasina (id., Chaffey) ; la Baie aux émeraudes (The Moon Spinners, id., Neilson) ; Mary Poppins (id., id., Stevenson) ; Emil and the Detectives (id., P. Tewksbury) ; Those Calloways (1965, Tokar) ; The Monkey's Unck (id., Stevenson) ; That Darn Cat (id., id.) ; Quatre Bassets pour un danois (The Ugly Dachshund, 1966, Tokar) ; Lt. Robin Crusoe USN (id., Byron Paul) ; The Fighting Prince of Donegal (id., Michael O'Herlihy) ; Demain des hommes (Follow Me Boys, id., Tokar) ; Monkeys, Go Home (1967, A. McLaglen) ; Bullwhip Griffin (id., Neilson) ; The Gnome-Mobile (id., Stevenson) ; le Plus Heureux des Milliardaires (The Happiest Millionaire, id., Tokar) ; le Livre de la jungle (The Jungle Book, id., Wolfgang Reitherman) ; le Fantôme de Barbe-Bleue (Blackbeard's Ghost, 1968, Stevenson).