Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
G

GODARD (Jean-Luc) (suite)

Un accident de moto tient le réalisateur éloigné pendant deux ans de la scène artistique. Il réfléchit sur l'échec de sa « période Dziga Vertov ». Tout va bien (cosigné par Gorin, 1972) marque le retour très provisoire de l'enfant prodigue à la réalisation traditionnelle.

Après son incursion dans la politique, Godard s'intéresse à la communication et à la technologie. La vidéo, qui lui permet de parcourir seul toutes les étapes de la chaîne création-production, lui semble être le médium par excellence. Il quitte Paris pour Grenoble, où il travaille avec Anne-Marie Miéville dans le cadre de Sonimage, société de production audiovisuelle, et s'installera ensuite en Suisse, à Rolle. Il y conçoit Numéro deux (1975), Comment ça va (1978 [ 1975]), et Ici et ailleurs (1970-1976), essai élaboré à partir d'une bande inachevée (Jusqu'à la victoire, 1970), qui met en relation deux réalités : celle de la Palestine de 1970 et celle de la France de 1975, et leur impossible synthèse. Six Fois deux (1976), une série de douze émissions traitant du chômage, de la création, de la parole, etc., et France tour détour deux enfants (1979), autre série d'émissions portant sur le degré d'aliénation sociale, linguistique, etc., d'un garçon et d'une fillette de dix ans, connaissent une diffusion télévisée.

En 1979, il revient, avec Sauve qui peut (la vie) au cinéma traditionnel. Son pessimisme, sous un apparent dépouillement, s'avère plus profond que du temps de Week-end : la prostitution, comme dynamique sociale, est, encore une fois, au centre de ses préoccupations. À nouveau, la réflexion sur ses méthodes créatrices, ses doutes, ses essais forment la charpente osseuse de son cinéma. À ce titre, Passion (1982) se présente comme le traité poétique de Godard. Il y dévoile, presque sous forme de travaux pratiques, sa philosophie de l'emprunt culturel doublée d'une critique constructive des œuvres du passé. Cela le conduit, dans Je vous salue Marie (1985), à mettre en parallèle, de manière un peu artificielle, le mystère que constitue son propre travail (le film en gestation) et une certaine idée du sacré. Avec Prénom Carmen (1983) et Détective (1985), l'auteur s'intéresse, comme à ses débuts, à l'univers des marginaux et aux personnages de série « B » qui lui permettent d'évoquer ses obsessions : les rapports douloureux entre les hommes et les femmes, la permanence de la mort, la circulation de l'argent. Par son rôle de médiateur perpétuel, de chercheur impénitent, de questionneur de son époque, Godard renouvelle l'esthétique du film, les rapports du cinéaste à la production et ceux de l'homme à son environnement. Depuis un quart de siècle, son influence sur les jeunes metteurs en scène ne se dément jamais. Avec Soigne ta droite (1987) Godard refuse apparemment de nous livrer le véritable mode d'emploi de son film. Il y cerne trois constantes : la commande, le conditionnement et la crise de la création. Ces trois vecteurs sont à proprement parler la matière même du film. Godard interprète lui-même le rôle de « l'idiot », dit aussi « le prince », cinéaste autrefois en vogue, obligé de s'atteler à des besognes alimentaires. On le voit tester diverses fictions issues de son long conditionnement de spectateur : il nous en livre les essais, les ratures, les ratés (ce que nous voyons sur l'écran).

En 1990, il réalise avec Alain Delon un Nouvelle Vague au titre nostalgique et provocateur qui tourne délibérément le dos à tout procédé réaliste de narration continue et peaufine à grand renfort de citations et de « signes codés » le parcours initiatique du cinéaste qui slalome d'une idée à l'autre, d'un concept abstrait à une évidence concrète en s'aidant d'une bande-son très travaillée. Son JLG/JLG, réalisé en 1994, est un faux autoportrait. (« Que cherchait Rimbaud lorsqu'il installa le chevalet à côté du miroir ? Probablement : jusqu'où la peinture peut aller. Et ensuite : jusqu'où il la suivrait, c'est-à-dire jusqu'à quand. Non à cause de l'âge, mais à cause de la peinture elle-même, car c'était le temps lui-même mis à peindre qu'il déposa sur la toile. Mis à nu, si l'on peut dire. ») En 1996 For ever Mozart, variation très personnelle sur la guerre en Bosnie et l'attitude des intellectuels occidentaux, fait naître quelques incompréhensions et polémiques, et c'est en 2001 qu'il a les honneurs d'une sélection à Cannes avec Éloge de l'amour, initié dès 1999.

Autres films :

la Paresse (sketch des Sept Péchés capitaux, 1962) ; le Nouveau Monde (sketch de Rogopag, 1963) ; le Grand Escroc (sketch des Plus Belles Escroqueries du monde, 1964) ; Montparnasse-Levallois (sketch de Paris vu par..., 1965) ; Anticipation, ou l'Amour en l'an 2000 (sketch du film le Plus Vieux Métier du monde, 1967) ; Caméra-×il (sketch de Loin du Viêt-nam, 1967) ; Ciné-Tracts (bandes tournées en mai-juin 1968) ; Un film comme les autres (1968) ; One A [merican] M [ovie] (inachevé, id.) ; l'Amour (sketch de la Contestation / Amore e Rabbia, 1969) ; British Sounds (groupe Dziga Vertov, id.) ; Vent d'Est (id., id.) ; Letter to Jane (1972) ; Grandeur et décadence d'un petit commerce de cinéma (1986, TV) ; King Lear (1987) ; Armide (sketch de Aria, id.). Histoire(s) du cinéma (1989, T.V.) ; Allemagne neuf zéro (1991, TV – distribué en salles ultérieurement) ; Les enfants jouent à la Russie (DOC, id.) ; Hélas pour moi (1993) ; 2 X 50 ans de cinéma français (DOC, 1995, co Anne-Marie Miéville).

GODDARD (Marion Levy, dite Paulette)

actrice américaine (Great Neck, N. Y., 1905 - Rosco, Suisse, 1990).

Elle débute aux Ziegfeld Follies, se marie très jeune, divorce à Reno et arrive à Hollywood (1931), où elle redevient danseuse. Remarquée par Hal Roach qui l'engage, elle sera la vedette du film de Chaplin, les Temps modernes (1936), mais sa liaison avec le grand cinéaste sera remarquablement discrète, et sanctionnée par un mariage secret (1936) qui se dissoudra sans heurt (1942). Douée d'une beauté juvénile de sauvageonne, très spirituelle (jusqu'au goût du scandale), la pétulante actrice s'avère excellente comédienne, et l'on peut regretter qu'elle n'ait pas été engagée, comme elle le souhaitait, pour jouer Scarlett dans Autant en emporte le vent. Mariée à Burgess Meredith (1944-1950) et à E. M. Remarque (1958-1970), elle se retire en Europe après le décès de celui-ci. Sa carrière avait décliné dans les années 50, mais, très riche, elle n'est sortie de sa retraite que pour jouer dans un film italien, Désirs pervers (F. Maselli, 1964).