Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DIETERLE (Wilhelm Dieterle, dit William)

producteur et cinéaste allemand, naturalisé américain (Ludwigshafen 1893 - Ottobrunn 1972).

Carrière « hétéroclite », comme on l'a dit, que celle de ce réalisateur prolifique (plus de 70 films tournés entre 1923 et 1964), qui fut d'abord acteur sous la direction des plus grands cinéastes de l'école expressionniste (Paul Leni, F. W. Murnau, Richard Oswald, etc.) et se lança même quelque temps dans la production indépendante. Son activité théâtrale n'est pas moins abondante : ayant débuté à l'âge de dix-huit ans, il est engagé dans la troupe de Max Reinhardt et joue notamment Demetrius dans le Songe d'une nuit d'été à Berlin en 1921 ; il reviendra au théâtre dans les années 60, au poste de directeur du festival de Bad Hersfeld et comme régisseur au Deutsches Theater de Munich.

Ses premiers films se signalent par l'audace de leurs sujets : misère sexuelle des prisonniers de droit commun dans Chaînes (Geschlecht in Fesseln, 1928), biographie du « roi fou » Louis de Bavière (Ludwig der Zweite, König von Bayern, 1929), lui-même s'octroyant le rôle vedette de ces films. Engagé à la Warner Bros, Dieterle va y tourner film sur film : comédies, mélodrames mondains, policiers, opérettes, au rythme de cinq par an en moyenne jusqu'en 1935. Il se retrouve à ce moment-là aux côtés de Max Reinhardt pour l'unique film parlant de ce dernier, le Songe d'une nuit d'été (A Midsummer Night's Dream) regorgeant de trouvailles décoratives, mais qui fut un échec commercial. À la veille de la guerre, Dieterle se spécialise dans les biographical pictures : ses vies de Pasteur, de Zola et de Juarez, superbement interprétées par Paul Muni, se signalent par une grande rigueur, tant historique qu'esthétique. De cette époque datent aussi : Satan Met a Lady (1936), curieuse adaptation en screwball comedy du Faucon maltais de Dashiell Hammett, avec Bette Davis ; et, pour la RKO, le fameux Quasimodo (The Hunchback of Notre-Dame, avec Charles Laughton, 1939). En 1941, c'est Tous les biens de la terre (All That Money Can Buy), variation insolite sur le thème de Faust, et en 1949 l'étonnant Portrait de Jennie (Portrait of Jennie), foisonnant de recherches plastiques. La suite est décevante, mais l'on peut encore citer Vulcano (avec Anna Magnani, 1950) ; Vocation secrète (Boots Malone, 1952) et l'extravagant Salome (1953). Retour en Allemagne en 1959, pour de médiocres films d'aventures, tel les Mystères d'Angkor (Herrin der Welt, 1960).

Selon son biographe Hervé Dumont, deux tendances gouvernent l'œuvre de Dieterle : d'un côté une « veine fantastique et romanesque », de l'autre un « engagement progressiste et démocrate ». Son meilleur film, dans ces conditions, serait peut-être Blocus (Blockade, 1938, avec Henry Fonda), un mélodrame flamboyant situé dans le contexte de la guerre d'Espagne, très apprécié, dit-on, d'Eisenstein. Dieterle a en outre coréalisé (sans être crédité), avec King Vidor, Duel au soleil (1947).

Autres films :

Madame du Barry (id., 1934) ; Docteur Socrate (Dr. Socrates, 1935) ; l'Ange blanc (The White Angel, 1936) ; la Tornade (Another Dawn, 1937) ; A Dispatch From Reuter's (1940) ; Kismet (1944) ; le Poids d'un mensonge (Love letters, 1945) ; Notre cher amour (This Love of Ours, id.) ; la Corde de sable (Rope of Sand, 1949) ; Pékin Express (Peking Express, 1951) ; les Amours d'Omar Khayyam (The Loves of Omar Khayyam, 1957).

DIETRICH (Maria Magdalena Dietrich, dite Marlene)

actrice américaine d'origine allemande (Berlin 1901 - Paris, France, 1992).

Actrice de revue, elle débute au cinéma en 1922 et occupe le rôle principal dans de petites productions à partir de 1926. Josef von Sternberg la choisit, en 1930, comme partenaire d'Emil Jannings pour l'Ange bleu : elle était déjà une actrice d'une certaine réputation. Le cinéaste américain d'origine allemande fut très vite fasciné par l'exceptionnelle présence physique de Marlene Dietrich et elle n'eut aucun mal à polariser l'attention au détriment d'un acteur aussi envahissant que Jannings : la voix traînante, une manière de rajuster ses dessous, une œillade de Marlene, et Jannings n'était plus que son partenaire. Josef von Sternberg réalisa vite que la caméra était amoureuse d'elle. Il lui proposa de l'emmener à Hollywood. Tandis que l'Ange bleu rencontrait un énorme succès en Europe, Marlene Dietrich tournait, aux côtés de Gary Cooper, Cœurs brûlés, c'est-à-dire Morocco (1930), d'après un sujet qu'elle avait elle-même proposé à Sternberg. En quelques mois, elle s'était transformée. La Lola Lola grassouillette de l'Ange bleu était devenue l'Amy Jolly mince et sophistiquée, aux joues creuses et au regard vague, de Cœurs brûlés : le mythe de Marlene Dietrich, soutenu par un cinéaste de génie, visiblement subjugué par la personnalité de la jeune femme, était né.

Le public lui fit un triomphe et elle fut citée à l'Oscar. Jusqu'en 1935, elle a tourné encore cinq films pour Sternberg, qui disait à chaque fois que c'était le dernier. Après Shanghai Express (1932), leur plus grand succès, la popularité de l'association déclina. Marlene Dietrich s'aventura à se faire diriger par Rouben Mamoulian dans le joli Cantique d'amour (1933), sans succès. Les deux derniers films de Marlene Dietrich avec Sternberg, les plus complexes et les plus fiévreux visuellement, furent aussi les plus malmenés par la critique et les plus boudés : l'Impératrice rouge (1934) et la Femme et le Pantin (1935) sont pourtant maintenant considérés comme des classiques.

Quand la séparation fut définitive, Marlene Dietrich désira changer complètement de style, et ce fut Désir (1936), une comédie de Frank Borzage, élégante et réussie, où elle était radieusement belle. Mais, par la suite, ni le Jardin d'Allah (Richard Boleslawski, 1936) ni Ange (1937), le beau film d'Ernst Lubitsch, ne furent des succès. Trop lointaine, trop artificielle, Marlene Dietrich n'enthousiasmait plus le public prosaïque du New Deal. Si bien qu'elle accepta le rôle principal dans un western a priori routinier : Femme ou Démon (George Marshall, 1939). Elle y était une entraîneuse devenue tenancière de saloon, et qui mourait d'une balle perdue destinée au héros. Son entrain, son humour, sa drôlerie, autant de qualités que Sternberg avait obscurcies, firent merveille, et le public, à nouveau, la plébiscita. Elle continua dans ce registre semi-parodique jusqu'à la fin des années 40 (la Maison des sept péchés, T. Garnett, 1940 ; l'Entraîneuse fatale, R. Walsh, 1941 ; les Écumeurs, R. Enright, 1942 ; Pittsburgh, L. Seiler, 1942), avec un succès encore renforcé par sa popularité auprès des G. I., acquise à la fin de la guerre. Dans les années 50, Marlene Dietrich se fit plus rare devant les caméras et s'orienta avec succès vers le tour de chant. Bientôt ses apparitions sont devenues sporadiques et elle est entrée dans une semi-retraite.