Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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PHILIPE (Gérard Philip, dit Gérard) (suite)

Il existe cependant un autre aspect de Gérard Philipe, plus inquiétant, plus complexe, et mieux accordé, semble-t-il, aux exigences de l'écran : paradoxalement, le public l'apprécie moins dans ces rôles ambigus, où il est pourtant remarquable. Nous pensons au lieutenant dépravé de la Ronde, traînant son ennui et sa débauche triste ; au médecin déchu des Orgueilleux (où il en fait presque trop en sens inverse) ; à l'étrange et fascinant Monsieur Ripois, fugueur cynique vivant aux crochets des femmes mûres ; au peintre rongé par l'alcool et le mal de vivre de Montparnasse 19 ; ou encore à l'Octave Mouret de Pot-Bouille, nageant avec aisance dans les eaux troubles de l'hypocrisie bourgeoise. On peut préférer, et de loin, ce personnage de dandy pervers à la gravure de mode au teint lisse et à l'âme pure dont les midinettes des années 50 avaient fait leur idole : non seulement pour le travail de composition qu'il exige de l'acteur (plutôt porté sur les héros « positifs »), mais aussi pour la maîtrise dont ont fait preuve, pour le coup, ses metteurs en scène. Ophuls, Clément, Duvivier, Becker entre autres. Vadim lui-même a rarement été aussi bien inspiré qu'en lui confiant le rôle du machiavélique Valmont dans ses Liaisons dangereuses 1960.

Gérard Philipe avait épousé, en 1951, Nicole Fourcade, qui prit dès ce moment-là le nom d'Anne Philipe et retraça dans un récit les derniers moments de son mari, décédé à 37 ans : le Temps d'un soupir (1963).

Films  :

les Petites du quai aux Fleurs (M. Allégret, 1944) ; la Boîte aux rêves (Y. Allégret, 1945) ; Schéma d'une identification (CM inédit, A. Resnais, id.) ; le Pays sans étoiles (G. Lacombe, id.) ; Ouvert pour cause d'inventaire (inédit, Resnais, 1946) ; l'Idiot (G. Lampin, id.) ; le Diable au corps (C. Autant-Lara, 1947) ; la Chartreuse de Parme (Christian-Jaque, 1948) ; Une si jolie petite plage (Y. Allégret, 1949) ; Tous les chemins mènent à Rome (Jean Boyer, id.) ; la Beauté du diable (R. Clair, 1950) ; la Ronde (M. Ophuls, id.) ; Souvenirs perdus (Christian-Jaque, id.) ; Juliette ou la Clef des songes (M. Carné, 1951) ; Fanfan la Tulipe (Christian-Jaque, 1952) ; les Sept Péchés capitaux (Lacombe, id.) ; les Belles de nuit (Clair, id.) ; les Orgueilleux (Y. Allégret, 1953) ; les Amants de la villa Borghese (G. Franciolini, id.) ; Si Versailles m'était conté (S. Guitry, 1954) ; Monsieur Ripois (R. Clément, id.) ; le Rouge et le Noir (Autant-Lara, id.) ; les Grandes Manœuvres (Clair, 1955) ; Si Paris nous était conté (Guitry, 1956) ; la Meilleure Part (Y. Allégret, id.) ; les Aventures de Till l'Espiègle (G. Philipe, id.) ; Pot-Bouille (J. Duvivier, 1957) ; la Vie à deux (Clément Duhour, 1958) ; Montparnasse 19 (J. Becker, id.) ; le Joueur (Autant-Lara, id.) ; les Liaisons dangereuses 1960 (R. Vadim, 1959) ; La fièvre monte à El Pao (L. Buñuel, 1960). Gérard Philipe est également apparu dans son propre rôle dans les Drames du bois de Boulogne (CM , Jacques Loew, 1947) ; Avignon, bastion de la Provence (CM, James Guenet, 1951) et le Théâtre national populaire (CM, G. Franju, 1956). Il a dit les commentaires de Saint Louis, ange de la paix (CM, Robert Darène, 1950) ; Avec André Gide (M. Allégret, 1951) et Forêt sacrée (Paul Dominique Gaisseau, 1954), et enregistré de nombreux disques (dont le Petit Prince).

PHILIPPINES.

Le 1er janvier 1897, le cinéma fait sa première apparition aux Philippines, sous la forme de courts métrages européens projetés lors du salon de Pertierra. En 1898, Antonio Ramos, officier de l'armée espagnole, réalise des vues de moins d'une minute sur les rues de Manille : Escenas Callejeras, Panorama de Manila, Fiesta de Quiapo. Les premiers films dignes d'intérêt n'apparaissent pas avant 1910. La vie du docteur Jose Rizal, héros national philippin, fait l'objet de deux films : l'un de vingt minutes réalisé par Albert Yearsley, El fusilamiento de Dr. Jose Rizal, l'autre, une adaptation de la pièce d'Edward Gross, La vida de Rizal, réalisée par H. Brown. En 1919, Jose Nepomuceno, pionnier du cinéma malais, tourne ‘ Une jeune paysanne ’ (Dalagang Bukid), d'après une zarzuela populaire. Les sociétés cinématographiques créées à cette époque sont essentiellement familiales.

En 1932, le parlant apparaît à Manille. George Musser aurait alors tourné un film en partie parlant : Ang Aswang. En 1933, Stewart Eddie Tait et George Harris arrivent aux Philippines avec une caméra sonore et des techniciens d'Hollywood. Ils produisent le premier film parlant philippin mis en scène par Jose Nepomuceno : Punyal na Ginto. Ils fondent la société Filippine Films et un studio quasi hollywoodien dont la production annuelle va s'élever à quinze titres. Cette réussite entraîne la création d'autres studios : Parlatone Hispano Filipino en 1935, Sampagnita Pictures en 1937, LVN, X-Otic Films, et Excelsior Pictures en 1939. À partir de 1939, l'industrie cinématographique des Philippines produit soixante films par an.

Le cinéma philippin d'avant-guerre est dominé par les adaptations de zarzuelas, les histoires d'amour sirupeuses et les films d'aventures. Les meilleurs metteurs en scène de cette période sont Carlos Van Der Tolosa avec Giliw ko (1939) : une paysanne rêve de devenir chanteuse dans une grande ville ; l'influence hollywoodienne marque Manuel Silos avec Ag Kalisud (id.), remarquable pour ses prises de vues, Ramon Estella avec Buena vista (id.) et Manuel Conde (auteur de comédies morales).

Les metteurs en scène philippins continuent de tourner jusqu'aux premiers mois de l'invasion japonaise, puis, faute de pellicule, délaissent le cinéma pour le théâtre. Les Japonais créent un studio, Eiga Heisuka, à fin de propagande, et Yutaka Abe, cinéaste nippon, réalise en 1944 The Dawn of Freedom, dont le titre anglais est, au moment même du retour de MacArthur, doublement ironique aux dépens du Japon ; Gerardo de Leon tourne la même année Tat long Maria, sur la vie à la campagne.

Après la guerre, quatre studios travaillent de nouveau : LVN, Sampagnita et deux sociétés nouvelles, Premiere-People's Pictures et Lebran. La production atteint quatre-vingts films par an. Les scénarios se font plus réalistes et abordent souvent le thème du destin du soldat philippin de retour chez lui. ‘ Au revoir Amérique ’ (1946) de Gerardo de Leon et Victory Joe (id.) de Manuel Silos retracent la naissance de la nouvelle république. Dans Ako Raway Huk (1947) de Ramon Estella, le combattant de la liberté devient un guérillero communiste — c'est le moment où les propriétaires fonciers retrouvent leurs grands domaines. À partir de 1952, le ton devient plus pessimiste, ou plus réaliste : Susana C. de Guzman dans Teniente Carlos Blanco (1952) et Lamberto Avellana dans Anak Dalita (id.) décrivent le sort misérable des soldats dans la Seconde Guerre mondiale.