Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
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DÉCOR DE FILM. (suite)

Le seul genre avec le dessin animé capable d'user d'une manière naturelle de la stylisation reste le musical — parce que tout y est convention, féerie, irréalisme éblouissant et théâtralité sublimée : le bon goût n'y est pas toujours sûr (la couleur a joué de mauvaises surprises) ; mais, dès 1933, tant la Warner que la MGM réussissent l'alliage des éléments scéniques et de la chorégraphie, de la lumière et du mouvement. Les intérieurs pourront être parfaitement fantaisistes, les jardins et le ciel se transformer à vue, les villes ne vivre que par leurs néons, le musical est le lieu du rêve, et le décorateur est son serviteur jusqu'à « ouvrir à la danse un espace solidaire du monde quotidien » (Alain Masson) jusqu'au paradoxe. Qu'on se souvienne d'Un Américain à Paris (V. Minnelli, 1951), de Chantons sous la pluie (S. Donen, 1952), puis de West Side Story (Wise et Robbins, 1961) : on est passé des toiles d'Utrillo aux « brown stone mansions » des quartiers d'immigrés...

Décors réels.

Le décor naturel ou habité (qui ne se souvient du générique sur l'approche en hélicoptère de New York dans ce dernier film ?) est rarement utilisé sans modifications : il demande à être recomposé par le chef opérateur selon des orientations précises. Kubrick ou Bolognini se réfèrent à des toiles de maîtres. W. S. Van Dyke et Flaherty sélectionnent les décors naturels qu'ils utilisent et les traduisent plus ou moins dramatiquement (angles des prises de vues, lumière). Wellman use de filtres rouges ou orangés pour filmer la ville abandonnée de Yellow Sky (1948). Bondartchouk fait remodeler un paysage russe immense pour y tourner Waterloo. Antonioni, dans le Désert rouge, puis dans Blow-Up, fait repeindre des façades, mais — surtout ! — ravive par des produits pulvérisés les couleurs des herbes et des arbres. La tentative, louable, de la Nouvelle Vague de tourner in situ n'a guère résisté à l'expérience : les décors réels sont plus souvent une gêne (pratique, technique) qu'un apport, sauf cas particuliers — le palais du Salon de musique (S. Ray), qui s'est trouvé curieusement être le château réel du récit ; ou les extérieurs de celui de la Belle et la Bête (Cocteau). En fait, chaque partie du décor, fût-elle utilisée avec une volonté de symbolisation ou d'insistance qui la met en évidence, ne doit servir qu'à l'utilité stylistique et dramatique du film. Ce qui est « vrai » n'est pas toujours aussi convaincant que ce qui en est la traduction : « À l'écran, le meilleur décor est celui que l'on remarque peu. On n'atteint pas au réalisme par la seule reproduction du réel  » (René Clair).

Numérique et décors.

Il n'est pas aisé de faire la distinction entre l'apport du numérique dans le décor et les effets spéciaux numériques. Les modifications des décors opérées après tournage s'apparentent aux effets spéciaux numériques, tout comme les procédés de trucage utilisés lors du tournage (matte painting numérique).

Le studio virtuel qui doit permettre de tourner en studio des scènes se déroulant en extérieur s'apparenterait plus à un décor numérique. Le principe consiste à tourner sur un fond uniforme (cyclo*) et à incruster les images tournées dans des images de synthèse ou des images d'un décor réel numérisé. L'incrustation des images tournées est visualisée dès le tournage pour pouvoir « placer » les comédiens dans le décor. Pour le cinéma, les images doivent être tournées avec une résolution au moins égale à celle de la haute définition, pour rester compatibles avec la projection en film ou en numérique sur grand écran. Ce procédé reste plutôt utilisé pour des productions télévisuelles. Il devrait être applicable au cinéma dès lors que les procédures de transfert de numérique sur film seront industrialisées.

DE CORSIA (Ted)

acteur américain (Brooklyn, N. Y., 1904 - Encino, Ca., 1973).

Venu de la radio, il eut la chance à l'écran de ne jouer le plus souvent que dans des films intéressants, où son physique expressif et son jeu robuste prêtaient vie à des « vilains » de toute catégorie : la Dame de Shanghai (O. Welles, 1948) ; la Femme à abattre (Bretaigne Windust et R. Walsh, 1951) ; Une place au soleil (G. Stevens, id.) ; Association criminelle (Joseph H. Lewis, 1955) ; Deux Rouquines dans la bagarre (A. Dwan, 1956) ; le Pantin brisé (Ch. Vidor, 1957) ; l'Ennemi public (D. Siegel, id.) ; Cinq Cartes à abattre (H. Hathaway, 1968).

DÉCOUPAGE.

Document écrit dans lequel le récit est fragmenté en plans numérotés, et qui donne les repères dramatiques (sonores et visuels) du film à tourner. Découpage technique, document portant des indications techniques (sur les cadrages, les mouvements d'appareils, les effets spéciaux, etc.) plus élaborées que dans un découpage. ( TOURNAGE, GÉNÉRIQUE.)

DÉCOUVERTE.

Toile peinte ou photographie placée derrière une ouverture d'un décor de studio (une fenêtre par ex.) pour simuler l'arrière-plan. ( EFFETS SPÉCIAUX.)

DÉCROCHAGE.

Source lumineuse éclairant le sujet par l'arrière de façon à créer un liseré lumineux qui détache le sujet du décor. ( ÉCLAIRAGE.)

DE CUIR (John)

décorateur américain (San Francisco, Ca., 1918).

Il débute aux studios Universal en 1938 et se spécialise après 1950 dans les grandes productions pour la 20th Century Fox. Parmi ses films : les Démons de la liberté (1947) et la Cité sans voiles (1948) de Jules Dassin ; le Roi et moi (W. Lang, 1956) ; South Pacific (J. Logan, 1958) ; Simon le pêcheur (F. Borzage, 1959) ; Cléopâtre (J. L. Mankiewicz, 1963) ; l'Extase et l'Agonie (C. Reed, 1965) ; la Mégère apprivoisée (F. Zeffirelli, 1967) ; Hello Dolly ! (G. Kelly, 1969) ; Melinda (V. Minnelli, 1970) ; Avec les compliments de Charlie (S. Rosenberg, 1979) ; l'Affaire Chelsea Deardon (Legal Eagles, 1986).

DÉDOUBLAGE.

Séparer les doubles. Opération consistant à faire le tri entre les prises retenues pour le montage et les prises non retenues. ( MONTAGE.)

DEE (Jean Dee, dite Frances)

actrice américaine (Los Angeles, Ca., 1907).

Brune et élégante, Frances Dee a incarné à merveille la jeune fille sage. Dans des films comme les Quatre Filles du docteur March (G. Cukor, 1933) ou l'Emprise (J. Cromwell, id.), elle est inévitablement sage, mais à l'arrière-plan, éclipsée par les turbulentes Katharine Hepburn ou Bette Davis. Ce n'est pourtant pas une mauvaise actrice, comme elle l'a prouvé adroitement dans Vaudou (J. Tourneur, 1943). Mariée depuis 1933 à Joel McCrea, elle n'a plus rien tourné depuis 1954.