Dictionnaire du Cinéma 2001Éd. 2001
B

BRASSEUR (Pierre-Albert Espinasse, dit Pierre) (suite)

Avec la maturité est peu à peu apparue en pleine lumière une des composantes, jusqu'alors plus ou moins voilée, du comédien à travers ses personnages : le satanisme. Ce n'est pas un hasard s'il est Barbe-Bleue dans le film de Christian-Jaque (1951), l'inquiétant chirurgien des Yeux sans visage (Franju, 1960) et le redoutable seigneur de Goto, l'île d'amour (W. Borowczyk, 1969) : avec l'âge, il a pris de la rondeur et de la puissance, et la petite gouape de Quai des Brumes a engendré l'amant jaloux des Portes de la nuit avant de déboucher sur les rôles de méchant, dans lesquels il semble être plus ou moins étiqueté à la fin de sa carrière. Étrange destinée (mais qui a été celle aussi de Jules Berry), comme si le degré extrême de l'extraversion était le signe d'un pouvoir de domination sur le commun des mortels, comme si la malédiction qui a pesé sur les comédiens pendant des siècles était la rançon d'une quelconque possession diabolique.

BRAULT (Michel)

chef opérateur et cinéaste canadien (Montréal, Québec, 1928).

Il découvre tôt le cinéma d'amateur, fait un bref stage à l'ONF en 1950, collabore à des revues de cinéma et anime un ciné-club. Il retrouve l'ONF en 1956 et deux ans plus tard y coréalise (avec Gilles Groulx) un court métrage de dix-sept minutes, qui est le manifeste et l'acte de naissance du cinéma direct, tout en symbolisant la lutte conduite au sein de l'ONF par la minorité de techniciens francophones. Passionné par la mise au point des caméras légères et du son synchrone, Brault devient le chef de file de la nouvelle école. En 1959, il rencontre Jean Rouch au séminaire Flaherty en Californie. « Tout ce que nous avons fait en France dans le domaine du cinéma-vérité vient de l'ONF. C'est Brault qui a apporté une technique nouvelle de tournage que nous ne connaissions pas et que nous copions tous depuis », a écrit Jean Rouch.

Depuis, la carrière intense de Michel Brault est à la fois celle d'un chef opérateur (au Québec pour Pierre Perrault notamment, et en France pour Jean Rouch, Mario Ruspoli, William Klein), et d'un réalisateur de films. Simultanément, il produit, photographie et parfois dirige un nombre considérable de courts et de moyens métrages.

Films :

les Raquetteurs (CO G. Groulx, CM, 1958) ; Québec USA ou l'Invasion pacifique (CO C. Jutra, CM, 1962) ; les Enfants du silence (CO C. Jutra, 1963) ; Pour la suite du monde (CO Pierre Perrault, id.) ; Entre la mer et l'eau douce (1967) ; les Enfants de Néant (CO Annie Tresgot, FR, 1968) ; l'Acadie, l'Acadie (CO Pierre Perrault, 1971) ; les Ordres (1974) ; l'Emprise (CO S. Guy, CM 1988) ; les Noces de papier (1990) ; Shabbat Shalom (1992) ; Mon amie Max (1994) ; Quand je serai parti ... vous vivrez encore (1999).

BRAUN (Harald)

cinéaste allemand (Berlin 1901 - Xanten 1960).

Fils de pasteur et collaborateur de la presse protestante, il devient assistant, puis réalisateur dans les studios de la UFA avec un premier long métrage, Zwischen Himmel und Erde (1942). Après avoir écrit et réalisé Traumereï, en 1944, sur la vie de Clara et Robert Schumann, il est un des premiers réalisateurs à relancer le cinéma en Allemagne de l'Ouest avec sa propre société de production : Entre hier et demain (Zwischen gestern und morgen, 1947) sur les conséquences de la guerre, et Nachtwache (1949) sur un thème religieux – un grand succès en Allemagne. Cœur du monde (Herz der Welt, 1951) est une biographie de Bertha von Suttner, la première femme qui a reçu le prix Nobel de la paix. Soucieux de qualité, attiré par les problèmes éthiques, il a tenté à plusieurs reprises de développer une production indépendante, et s'est associé pour cela avec Käutner et Staudte peu avant de mourir. Ses films sont souvent des adaptations littéraires auxquelles s'ajoutent quelques comédies ; il a bénéficié de la participation des principaux acteurs allemands et autrichiens des années 50 : Maria Schell, Nadja Tiller, Liselotte Pulver, Dieter Borsche, Hardy Kruger, O.W. Fischer, Horst Buchholz... Il est l'auteur de Tant que tu m'aimeras (Solange du da bist, 1953), fine étude des milieux cinématographiques, qui représente un peu l'aboutissement des efforts que l'on pouvait faire dans le cinéma ouest-allemand à cette époque.

BRAUN (Vladimir) [Vladimir Aleksandrovič Braun]

cinéaste soviétique (Elisabethgrad [auj. Kirovograd], Ukraine, 1896 - Kiev 1957).

Après avoir servi dans l'Armée rouge jusqu'en 1923, il est assistant à partir de 1925 et tourne son premier film en 1930 : Nos jeunes filles (Naši devuški). Peu connue hors de son pays, l'œuvre de Braun, pour mineure qu'elle soit, n'en reflète pas moins une obsession majeure du peuple russe : l'aspiration à la mer. Les films de Braun ont très souvent pour cadre les étendues maritimes et océaniques, ainsi Jours de paix (V mirnye dni, 1951), odyssée d'un sous-marin en difficulté qui rappelle, dans un contexte de guerre froide, La nuit commence à l'aube (Morning Departure, 1950) de R. Baker ; Maximka (1952), jolie histoire d'aventures au temps de la marine à voiles. Malva, d'après Gorki (1957), son dernier et meilleur film, trace un beau portrait de femme libre.

BRAUNBERGER (Pierre)

producteur et distributeur français (Paris 1905 - id. 1990).

Passionné de cinéma, il entreprend dès l'âge de quinze ans d'en faire son métier et trouve à s'embaucher dans les studios de Berlin, Londres, puis New York, en 1923, et Los Angeles, chez MGM. De retour à Paris, il rencontre Jean Renoir dont il décide de produire la Fille de l'eau, puis Nana et Tire-au-flanc. Il achète le cinéma parisien le Panthéon, en 1929, et en fait un des lieux majeurs de diffusion de l'avant-garde européenne et du film étranger en version originale. Sous cette enseigne, il participe à la production de plusieurs films comme Rien que les heures d'A. Cavalcanti et Voyage au Congo de M. Allégret. Il crée avec Roger Richebé* les Productions Braunberger-Richebé et partage son activité entre le cinéma populaire (films de Richebé, R. Florey, M. Tourneur, Christian-Jaque) et le soutien aux cinéastes novateurs – comme Renoir, dont il produit On purge bébé mais aussi Partie de campagne – ainsi qu'à des cinéastes en exil comme Pabst (Don Quichotte), Leo Mittler, Kurt Bernhardt. En 1945, il crée son propre studio de tournage, poursuivant la même politique, au sein de laquelle, sous diverses raisons sociales (les Films du Jeudi, les Films de la Pléiade), trouveront place de jeunes auteurs de courts métrages ou de documentaires comme Melville, Resnais, Marker, ainsi que Rouch, Reichenbach, Lucien Clergue, Rivette, Godard, Pialat. C'est ainsi qu'il produit les Aventures des Pieds Nickelés de M. Aboulker et Lola Montes d'Ophüls. Il produit plusieurs longs métrages de la Nouvelle Vague comme l'Eau à la bouche de Doniol-Valcroze, Tirez sur le pianiste de Truffaut, Vivre sa vie de Godard – et des films tels que l'Astragale de Guy Casaril (1968) et Elle court, elle court la banlieue de Gérard Pirès (1972). Le cinéma Panthéon participa sous sa direction au mouvement de l'art et essai, dès 1956, et est resté jusqu'à sa mort une salle-référence pour les cinéphiles.